« Ici, on n’a pas besoin de laisser son cerveau à l’entrée du stade … »

Dans un sport – le football -, et un pays – l’Allemagne, son travail de résilience, la réunification, le drame des JO de 1972 – où le sport se tient à l’écart de tout esprit partisan depuis trente ans, l’engagement d’un club allemand prouve que le football professionnel n’est pas – toujours – un univers déconnecté des réalités.Lire l’article consacré ce 29 septembre 2018 par le quotidien Ouest France au FC Sankt Pauli.

FC Sankt-Pauli : le foot engagé sous les drapeaux pirate
Ouest France (Nord-Finistère)

A Hambourg, le drapeau à tête de mort flotte sur le Millerntor

Plantés au sommet du stade de la Millerntor, les drapeaux noir des pirates, arc- en- ciel des LGBT ( Lesbiennes, gays, bisexuels et trans) et brun et blanc de l’équipe, claquent au vent du large de Hambourg. Visibles de très loin, ils annoncent les couleurs d’un club engagé, à nul autre pareil : « Le FC Sankt-Pauli, antifasciste, antiraciste, anti-homophobe et anti- sexiste ».

Modeste équipe de D2, le club compte… 27 000 socios et plus de 400 groupes enregistrés de supporters, dont certains au Canada, à Liverpool, Glasgow, Manchester, Barcelone, New-York et même Djakarta. Tous attendent, dimanche, le « match de l’année » : le derby contre le Hambourg SV, le grand club de la cité hanséatique, relégué l’an dernier pour la première fois après 55 saisons consécutives en Bundesliga.

Code vestimentaire
Mercredi soir, pour la 7e journée de D2, le FC St-Pauli recevait Paderborn (2-1) dans son vieux stade à deux pas de la célèbre Reeperbahn, l’artère palpitante du « quartier rouge », où sex-shops et maisons de prostitution ont pignon sur rue. C’est là, dans ces bars underground et au milieu des squats que les Beatles commencèrent à se faire un public dans les années 60.

Avant chaque match à domicile, les purs et durs du FCSP se re- trouvent dans la « salle des fans », un lieu convivial qu’ils ont obtenu le droit d’organiser sous une tribune. On trouve là des « alternatifs », anarchistes et anti- système de tout poil, dans une atmosphère familiale où les enfants ont aussi leur place. Le code vestimentaire est strict : veste, blouson ou t-shirt noir, avec de préférence le Jolly Roger des pirates (la tête de mort et les deux fémurs croisés) sur la poitrine et dans le dos. « Nous sommes les seuls fans qui ne portent pas les couleurs de leur équipe » rigole Jens, attablé devant sa bière Astra, sponsor historique du club : « Le drapeau pirate symbolise la lutte des underdogs contre les riches, des petits contre les gros » .

Dans le local adjacent, les supporters gèrent un bar à vin où il faut jouer des coudes pour atteindre le comptoir. Les verres à pied (consignés 3 €) portent tous la même inscription : « Pas de vin pour les fascistes » .

Au delà du folklore, les fans sont actifs dans plusieurs actions sociales ou humanitaires. Ils sont notamment à l’origine de la fondation du « FC Lampedusa », un club de réfugiés de Hambourg. « J’aime le FCSP parce qu’ici, on n’a pas besoin de laisser son cerveau à l’entrée du stade », assène Christoph Nagel, historien très engagé dans l’association des supporters.

Le club lui-même a adopté depuis très longtemps les valeurs de ses partisans. Lors du G20 de juillet 2017 à Hambourg, théâtre de violences massives, les dirigeants ont permis à 200 altermondialistes de camper dans la tribune principale. « Pour moi, la politique joue un rôle très important dans ma passion pour le FCSP, je partage toutes ses valeurs », assure Michael Pahl, « responsable de la tradition » au sein de l’équipe dirigeante. « Les fans de Sankt-Pauli ont été les précurseurs d’une nouvelle culture des supporters en Allemagne » , dit- il avec fierté. Pahl, devenu fan à 14 ans, « pour l’ambiance et la convivialité » ,a vécu la période où ce club de quartier a pris son identité actuelle, à la fin des années 80. « Ce sont des squatters et des punks du quartier qui ont peu à peu investi les tribunes » , raconte- t- il.

« Tout est venu des fans, insiste t- il, pas du club. Le Jolly Roger est une idée des fans, qui ont imprimé des t- shirts « pirates » pour collecter de l’argent ». L’idée a pris, le club a adopté l’emblème et aujourd’hui, quatre drapeaux pirates flottent… sur les poteaux de corner !

Sur le même thème

1 :  Le FC Sankt Pauli selon  Wikipédia
2 :  « FC Sankt Pauli, le club de foot antifasciste aux fans uniques en leur genre« , article consacré par Les Inrocks en décembre 2014.
3 :  « Sankt Pauli, ce club de foot rebelle qui héberge des manifestants anti-G20« , article consacré par Le Parisien en juillet 2017.

 

Une réponse sur “« Ici, on n’a pas besoin de laisser son cerveau à l’entrée du stade … »”

Les commentaires sont fermés.