L’opéra urbain de la compagnie La Machine programmé les 25, 26 et 27 octobre au cœur de la Ville Rose est jugé diabolique par des milieux religieux. Et voilà que l’Archevêque de Toulouse s’en mêle et organise une messe pour « consacrer le diocèse et le protéger des menaces ténébreuses et de la désespérance »…
De quoi creuser encore davantage le fossé entre le monde de la culture et celui des religions …
Dans la ligne de mire, le futur spectacle de la compagnie La Machine, » Le Gardien du Temple opus II : La Porte des ténèbres ». Un teaser vidéo de présentation de 1’13″…
En face, et pour mesurer l’ampleur des accusations qui ont donné naissance à la polémique , cette édifiante vidéo de 11′ captée sur les réseaux sociaux …
Ou encore » On ne joue pas impunément avec Satan » , titre d’un entretien accordé par l’Archevêque de Toulouse au média France Catholique daté du 7 octobre 2024 …
Revue de presse : Pourquoi l’archevêque de Toulouse s’élève contre un spectacle de rue
La dernière fois que le diocèse a été consacré, c’était le 20 juin 1941 par l’archevêque Jules-Gérard Saliège, compagnon de la Libération et Juste parmi les nations. Je suis très étonné par la réaction suscitée par cet opéra urbain ! C’est un spectacle de rue, mon travail est populaire »,
rappelle François Delarozière, le directeur artistique de la compagnie de théâtre de rue La Machine à Nantes (Loire-Atlantique) et de la Halle de la Machine à Toulouse, où séjournent les machines des spectacles de la compagnie quand elles ne sont pas en tournée.
« Des symboles de culture satanique »
La polémique a été lancée dès le début de l’été par un tweet sur X du curé de l’église de Saint-Aubin à Toulouse réagissant à l’affiche du spectacle. Il a été choqué par l’arrière-plan, par la ville en feu, les églises qui brûlent et les symboles de culture satanique »,
énumère le père Hervé Gaignard, vicaire général du diocèse de Toulouse. L’affiche représente Astérion le Minotaure et Ariane la grande araignée, sa demi-soeur, les personnages du premier opus créé en 2018 et suivis dans leur déambulation par 900 000 Toulousains enchantés.
Au centre de l’affiche un nouveau personnage : Lilith, la femme scorpion, missionnée par Hadès pour aller de ville en ville à la recherche des âmes damnées. Faite de bois et d’acier, elle mesure 11 mètres de haut, 14 mètres de long, pèse 38 tonnes se déplace sur ses huit pattes, bouge les paupières, la bouche et la langue et son torse nu est tatoué de symboles. Elle a été construite pour le festival de metal Hellfest qui a lieu tous les ans à Clisson (Loire-Atlantique) où elle retournera après le spectacle.
« Interroger une société »
L’affiche reprend une iconographie médiévale et je me demande si aujourd’hui ce ne sont les mêmes craintes qu’au Moyen Age qui ressurgissent »,
déplore François Delarozière. Quand il a dessiné Lilith, il a utilisé des signes ésotériques et esthétiques comme attributs de son personnage. Il n’y a pas de sens derrière tout ça ! Si j’avais dessiné un gangster j’aurais fait pareil, j’aurais utilisé toute l’iconographie pour faire comprendre qu’il s’agit d’un gangster »,
renchérit-il.
Didier Bernis, pasteur et président du pôle de la fédération protestante à Toulouse estime que ce spectacle va trop loin dans la célébration de la mort et des ténèbres ».
Dans un communiqué, les Églises protestantes rappellent qu’il flirte avec des thématiques spirituelles obscures et inquiétantes
et appellent le sautorités publiques à faire preuve de discernement dans le choix des événements culturels financés et soutenus par la collectivité ».
Malgré une rencontre entre François Delarozière et les représentants catholiques et protestants, la consécration aura bien lieu. Nous avons maintenu notre choix car le spectacle révèle une certaine fascination pour les ténèbres et l’enfer. Il ne s’agit pas d’attaquer un spectacle mais d’interroger une société »,
précise le père Hervé Gaignard. Par ailleurs, il reconnaît que la consécration a fait débat au sein de l’Église, certains se demandant « si ce n’était pas une forme de bondieuserie ? Si on n’en faisait pas trop, car c’est de l’ordre du spectacle, du divertissement ».
Face à un spectacle jugé « satanique », l’Archevêque de Toulouse veut « consacrer » la Ville rose, « meilleur moyen de repousser les ténèbres »
C’est un courrier très sérieux daté du 16 septembre 2024 et adressé aux curés du diocèse de Toulouse que s’est procuré France 3 Occitanie. Dans cette lettre d’une page, Monseigneur Guy de Kerimel, annonce son intention de consacrer la Ville rose, « le meilleur moyen de repousser les ténèbres. »
« Des symboles sataniques et ésotériques »
La source d’inquiétude du prélat va se dérouler du 25 au 27 octobre 2024, date du prochain spectacle de rue « La Porte des Ténèbres« , créé par la compagnie de La Machine.
L’archevêque toulousain y décrit ainsi l’opéra urbain :
« Il fait intervenir un troisième personnage : une femme-scorpion, appelée Lilith, nom d’un démon féminin dans le judaïsme, cf. Isaïe 34, 14), qui vient du Hellfest. L’affiche, le livret du spectacle, les propos de l’artiste, utilisent des symboles sataniques et ésotériques. Le Minotaure, dans cet opéra urbain, devient le protecteur de l’âme de la ville ! »
Pour s’opposer à cette « culture ténébreuse« , Mgr de Kerimel se refuse à lancer des pétitions ou des manifestations. L’archevêque appelle les paroissiens à prier et de consacrer la ville elle-même, afin de la « protéger« .
Une consécration, sans allusion au spectacle
« J’annoncerai ce projet de consécration sans faire allusion au spectacle, car les grâces demandées débordent l’évènementiel, explique le prélat. Le but est d’accueillir l’amour divin manifesté par le Christ, de recueillir tous les fruits de sa Passion, de son Cœur transpercé, et ainsi de guérir, de vivifier, de sanctifier les habitants de la ville et du diocèse. C’est le meilleur moyen de repousser les ténèbres. »
Cette position du diocèse de Toulouse est un nouvel épisode de la polémique, alimentée par l’extrême droite et les mouvements complotistes, autour de ce spectacle depuis plusieurs mois.
Comme le constatait en août 2024 France 3 Occitanie, sur les réseaux sociaux, l’affiche de l’évènement a été très mal accueillie par plusieurs internautes. « Les satanistes ont pignon sur rue à Toulouse », peut-on lire sur X (anciennement Twitter). Une militante, affiliée au Parti Reconquête partage un article du site d’actualité d’extrême droite Boulevard Voltaire évoquant la « culture des ténèbres en France », représentée par cet opéra urbain toulousain ou encore par le festival de musique Hellfest, caractérisé de « sataniste et violent ».
L’incompréhension de la compagnie de la Machine
Une controverse qu’a du mal à comprendre, François Delarozière, le concepteur et le scénographe du spectacle. « J’ai reçu des membres du diocèse et l’échange s’était bien passé » assure-t-il. Une rencontre confirmée par Mgr de Kerimel dans son courrier aux curés toulousains : « Trois membres du comité interconfessionnel sont allés rencontrer l’artiste, qui les a reçus très aimablement, sans les convaincre. Sa volonté est d’offrir aux nombreux spectateurs qui participeront à cet opéra urbain un divertissement populaire ; mais on peut s’étonner de la fascination d’une certaine culture contemporaine pour les ténèbres. Il est possible que le comité fasse un communiqué. »
« Nous sommes dans une société où tout le monde à le droit de s’exprimer, constate François Delarozière. Je comprends que le spectacle puisse choquer les croyants, mais il promeut justement des valeurs universelles. Parler des ténèbres avec des grandes machines en faisant référence à la mythologie, ce n’est pas faire l’apologie des ténèbres. »
Milieux traditionalistes
Ces critiques vis-à-vis d’un tel spectacle ne sont pas nouvelles pour Julien Giry, politologue et chercheur à l’université de Tours, : « le monde artistique a toujours été une cible de la part des milieux traditionalistes. Il est considéré comme perverti, car sa création sort du cadre et dérangerait ainsi l’ordre établi et les valeurs traditionnelles ». Selon le chercheur, l’idée que les élites et la société moderne s’en prennent aux chrétiens n’est pas nouvelle. Aux États-Unis, dans les années 60, les chansons des Beatles regorgeaient de messages masqués prétendument satanistes. Même son de cloche, quelques années plus tard, pour le célèbre « Starway to heaven » de Led Zeppelin, qui serait plutôt un escalier pour l’enfer, que pour le paradis.
Et c’est pour éviter cet « enfer » que le 16 octobre prochain, l’archevêque de Kérimel procédera à la « consécration de la ville et du diocèse » à l’église du Sacré-Cœur de Toulouse dans le quartier Patte d’Oie.
Lutte contre les forces du mal à Toulouse : « Les bondieuseries du clergé ne redoreront pas le blason de l’Église »
« Vade retro satana » par Emilien Hertement dans Marianne du
En prévision d’un spectacle urbain mettant en scène de gigantesques machines, le diocèse de Toulouse a organisé le 16 octobre une célébration pour protéger sa ville contre les « ténèbres ». Ces cris d’orfraies face à une menace fantasmée révèlent en réalité la fébrilité d’un clergé réduit à de piètres obsessions passéistes.
C’est la salsa du démon ! Enfin, c’est ce que l’on pourrait croire si l’on devait se fier aux déclarations et aux décisions du clergé de Toulouse ces dernières semaines. Le 16 octobre prochain, l’archevêque de la ville Rose, Guy de Kerimel, a ainsi décidé d’organiser une messe de consécration de la cité. « Après avoir échangé avec le Conseil épiscopal et un certain nombre de chrétiens du diocèse, il m’a semblé important de poser un acte spirituel qui protège notre ville de Toulouse et notre diocèse de ces menaces ténébreuses et de la désespérance », détaille-t-il dans un message sur Facebook.
Mais de quelle menace quasi-démoniaque parle-t-on au juste ? Jésus Marie Joseph, d’un opéra urbain, fruit de la compagnie de théâtre « La Machine » et prénommé Le Gardien du temple – La Porte des Ténèbres. Celui-ci met en scène de gigantesques structures animées, comme un minotaure ou encore une version monstrueuse d’une figure hébraïque et mythologique, Lilith.
Selon nos confrères de France 3, dans un courrier daté du 16 septembre 2024 adressé aux curés de son diocèse, l’archevêque catholique décrit par ces mots le spectacle vivant : « Il fait intervenir un troisième personnage : une femme-scorpion, appelée Lilith, nom d’un démon féminin dans le judaïsme, cf. Isaïe 34, 14, qui vient du Hellfest. L’affiche, le livret du spectacle, les propos de l’artiste, utilisent des symboles sataniques et ésotériques. Le Minotaure, dans cet opéra urbain, devient le protecteur de l’âme de la ville. » Une référence à des « symboles sataniques ou ésotériques » sans doute liée aux cornes de bélier et au démon cornu présents sur l’affiche.
Depuis l’annonce du défilé de ces constructions dans les rues toulousaines le dernier week-end d’octobre 2024, l’Église locale semble ainsi vaciller sur ses fondements. Dès juillet 2024 l’abbé Simon d’Artigue, le curé de la Cathédrale Saint-Étienne de Toulouse s’était ému sur les réseaux sociaux. « Une iconographie diabolique, les églises de Toulouse en feu, c’est plein d’espérance pour notre ville et notre pays… », avait déclaré l’homme sur X (ex-Twitter), où celui-ci poste régulièrement du contenu à tendance réac.
Ce n’est toutefois pas la première fois que le directeur artistique de la troupe, François Delarozière, se heurte à ce type de bondieuseries. Lors du festival Hellfest en 2023, une association chrétienne avait déjà lancé une pétition pour demander le retrait des subventions publiques allouées pour la construction de la machine. « On ne veut pas ouvrir la porte des ténèbres, notre monde est assez ténébreux. (…) Cette consécration, c’est pour dire aux chrétiens de ne pas se tourner vers les ténèbres, mais vers le Christ », soutenait encore récemment l’abbé Simon d’Artigue dans sa soutane au micro de BFMTV.
Aussi risible soit cette nouvelle croisade contre les forces du mal, la réaction du clergé catholique est symptomatique. Elle démontre la fébrilité d’une partie de ces croyants qui se sentant probablement déboussolés par les affaires venues entacher l’Église de toutes parts. Si affaiblis et si peu sûrs d’eux-mêmes qu’ils se sentent désormais offensés par de simples spectacles de sons et lumières, en témoigne notre affaire ou la dernière polémique sur la cérémonie d’ouverture des JO 2 024. Des réactions épidermiques à la tonalité médiévale qui ne viendront pas redorer le blason d’une organisation religieuse en plein tourment.
À Paris, une « prière de rue » pour « réparer le blasphème » de la cérémonie d’ouverture des JO
L’un des tableaux de la cérémonie d’ouverture des JO avec Philippe Katerine et des drag queens avait été comparé à la Cène. Dans le HuffPost du 10 10 2024 …
RELIGION – Ils ne se sont toujours pas remis de ce qu’ils ont vu. Des croyants catholiques se sont réunis à Paris lundi 7 octobre pour un « chapelet de réparation sur le lieu du blasphème commis lors des JO », a partagé le média traditionnaliste Le Salon Beige.
La prière a été organisée en réaction à un tableau de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques 2024 avec Philippe Katerine et des drag queens, qui aurait ressemblé à la Cène. L’extrême droite et le milieu religieux s’étaient insurgés, mais le directeur artistique Thomas Jolly avait assuré qu’il n’y avait eu aucune inspiration du côté de la Bible.
— Le Salon Beige (@beige_salon) October 8, 2024
Irrités par le personnage de Philippe Katerine apparu nu et peint en bleu, les croyants ont donc décidé de se rejoindre sur la passerelle Debilly à Paris, dans le VIIe arrondissement lundi soir. « Environ 250 jeunes catholiques se sont réunis (…) après ce mélange de blasphème, de satanisme et d’idéologie LGBT lors de la “cérémonie” d’ouverture des JO ! », a commenté Mathieu Goyer, ancien militant de l’organisation catholique intégriste Civitas désormais interdite.
« Le blasphème n’existe pas »
L’événement est passé plutôt inaperçu jusque là, mais le sénateur communiste de Paris Ian Brossat a pris connaissance des faits et a écrit ce jeudi 10 octobre au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. « Le blasphème n’existe pas et les prières de rue sont interdites », a pointé l’élu dans cette lettre également signée par Pierre Ouzoulias. En réalité, il n’y a pas d’interdiction puisqu’aucune loi ne légifère sur le sujet.
Les sénateurs poursuivent : « Cette prière de rue n’est malheureusement pas un fait isolé. Elles se multiplient depuis des mois (…). Ces pratiques fondamentalistes nous interrogent, au sens où elles s’attaquent au fondement de nos pratiques républicains » et notamment la liberté d’expression. Bruno Retailleau n’a pour l’heure pas réagi.