En cette fin d’été 2024, Le Feu du Raoulic à Audierne, vient de se voir affublé d’un nez en bois et résine pour accueillir ses marins, mais aussi ses promeneurs. C’est l’œuvre de Clet Abraham, artiste finistérien connu dans le monde entier pour ses détournements de panneaux de signalisation … « Donner un visage pour redonner du sens« . Cette installation est éphémère et doit rester en place jusqu’au 14 octobre …
« Un côté primitif, comme un totem » : l’artiste Clet Abraham offre un nez au feu d’Audierne dans le Finistère
Sur la pointe du Môle, à deux pas du Mât Fénoux et de la plage de Trescadec, le feu du Raoulic, à Audierne (Finistère), a changé de trombine depuis quelques jours. Cette tour de 9,20 m de haut – trop petite pour remplir les critères officiels et obtenir la qualification de « phare » – marque les entrées et sorties des marins du port d’Audierne depuis 1856, et s’est retrouvée en cette fin août 2024 affublée… d’un nez. Cet auguste tarin, qui fait sourire les capistes et fascine les promeneurs comme les gens de mer, a été imaginé et conçu par un artiste du coin, Clet Abraham.
Installé entre Plouhinec et Florence, en Italie, ce créateur poète est connu dans le monde entier pour ses détournements de panneaux de signalisation, qui lui ont parfois attiré des ennuis avec certaines municipalités …
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À Audierne, Clet Abraham donne un visage au phare du Raoulic
Le phare du Raoulic, à Audierne, s’est offert un nez mercredi 14 août. Il s’agit d’une installation artistique éphémère de Clet Abraham. Un article signé Anne-Marie Quéméner dans Le Télégramme du
Le vent qui soufflait mercredi 14 août en matinée sur le môle d’Audierne n’a pas empêché la mise en place de l’installation artistique de Clet Abraham « Un lien entre terre et mer » au feu du Raoulic. « Tout s’est bien passé », confirme Michel Van Praët, délégué au maire en charge de la culture, ravi de l’œuvre qui attire subtilement le regard des promeneurs sur le phare. Clet Abraham a osé lui mettre un nez. Et lui donner un visage. Car les autres éléments architecturaux existants complètent le décor : « La porte fait une bouche, la lucarne un œil, détaille Michel Van Praët. L’artiste a simplement dessiné en plus un petit carreau sur le côté, vers le large, qui fait un autre œil. Le nez est positionné de sorte à être protégé des tempêtes de suroît. Il regarde vers l’estuaire et Plouhinec ».
« Redonner envie de regarder »
La démarche portée par l’artiste, « donner un visage pour redonner du sens », a tout de suite trouvé un écho favorable auprès de la municipalité d’Audierne. « Clet Abraham, intervient beaucoup en Bretagne et notamment dans le Cap Sizun, dont il est originaire. Il est connu pour ses détournements de panneaux de circulation, rappelle Michel Van Praët. Il a aussi fait à l’étranger, en particulier en Italie, un certain nombre de créations de plus grande envergure en modifiant et en donnant des visages à des bâtiments. Sa démarche est toujours la même : il s’agit de redonner envie de regarder des objets qui sont finalement devenus banals dans l’espace public ».
L’installation est éphémère et doit rester en place jusqu’au 14 octobre. Toutefois, si d’ici là il y avait une tempête, le nez serait démonté. Il est à noter que l’ensemble des coûts inhérents à l’installation ont été pris en charge par l’artiste. La collectivité est simplement intervenue en soutien, en matière de communication notamment.
En savoir plus sur Clet Abraham …
Portrait de ce street-artiste qui bouscule le sens des panneaux de signalisation …
Ce Breton installé à Florence, en Italie, détourne des panneaux de signalisation dans le monde entier pour faire sourire. Et réfléchir. Un article signé Publié dans l’Ouest France du
Hors-norme et engagé, à la limite de la provocation, le street-artiste Clet Abraham s’amuse à contourner les règles. « Les respecter nous empêche de les améliorer et d’œuvrer à un monde meilleur » , philosophe-t-il.
Ce Breton d’origine, fils de l’écrivain Jean-Pierre Abraham, s’est construit une âme d’artiste aux beaux-arts à Rennes (Ille-et-Vilaine). Avant de s’évader en Italie en tant que restaurateur de meubles anciens.
Il y a dix ans, il installe son atelier à Florence et se met à détourner des panneaux de signalisation. Sens interdits, flèches directionnelles, voies sans issue, Clet Abraham colle à l’actualité et au lieu qui l’inspire. « Il a une signature reconnue et un côté un peu anarchiste » , résume Joël Knafo, galeriste parisien qui a exposé ses œuvres en décembre 2019.
L’artiste s’interroge sur des problématiques de surveillance, des questions environnementales et sociales. Sur l’un de ses panneaux, il représente ainsi des migrants qui fuient la Méditerranée. « Avec quelques signes, il parvient à faire passer des messages qui sont compris et appréciés dans le monde entier » , ajoute Joël Knafo.
Paris, Londres, New York, Tokyo, Bruxelles, il appose ses stickers, facilement détachables, là où ça lui chante. « Les panneaux représentent l’autorité dans l’espace public. Ils ne sont pas discutables. Je propose donc de les mettre en discussion. »
Indépendant dans l’âme, il travaille assez peu avec les galeries. En plus de détourner l’espace public, il vend ses panneaux à l’internationale, en ligne et directement à son atelier. En format métallique, où il récupère des panneaux neufs et d’occasions, en sérigraphie et sur des produits dérivés.
Conserver la lecture du panneau
Clet Abraham dénonce et ironise. Ce qui lui a valu quelques polémiques. Son premier panneau détourné, le Christ crucifié sur une voie sans issue à Florence, a notamment été assimilé à un blasphème. « Tout est une question d’ouverture d’esprit. Un prêtre m’en a acheté un , glisse-t-il. Les polémiques concernent plus l’illégalité de mon travail que l’aspect religieux. »
L’artiste, également sculpteur, défie l’autorité à sa manière, mais se donne des limites. « Ne pas empêcher la lecture du panneau original, ni être injurieux et ne pas dégrader le matériel. » Il estime avoir détourné près de 10 000 panneaux, les deux tiers ayant été enlevés. « Mais ça, je ne le décide pas. »
Un travail éphémère qui sensibilise pourtant à la sécurité routière. En 2015, il est contacté par la préfecture de police de Paris pour présenter son travail dans les écoles de manière ludique.
« Big Family » à Florence
Bousculer l’art contemporain le préoccupe. C’est d’ailleurs l’objectif qu’il se donne dans le Cap-Sizun (Finistère). « Dans les zones rurales, ils sont plus psychorigides. » Pendant le deuxième confinement, il s’est amusé à customiser un rond-point, effacé en à peine deux jours. « Alors qu’objectivement, je renforçais son message sécuritaire. »
Son dernier projet, intitulé « Big Family », sera dévoilé cette semaine dans le centre de Florence. L’artiste a détourné deux panneaux en y ajoutant une partie réfléchissante. Sur l’un d’eux, trois éléments représentent Joseph, Marie et l’enfant Jésus. « Je souhaite montrer qu’il n’existe pas un seul modèle de famille. »