Selon Le Monde, le président des Républicains Éric Ciotti aurait rencontré Vincent Bolloré au lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale, avant d’annoncer son ralliement au Rassemblement national. Depuis dix ans, le milliardaire a racheté I-télé devenu CNews, Europe 1, Paris Match, et dernièrement Le Journal du dimanche. En cette semaine cruciale, les chaînes de l’empire Bolloré se sont mises en ordre de bataille pour réaliser le dessein politique de leur propriétaire …
Vincent Bolloré et son empire médiatique, un tremplin pour l’extrême droite en France ?
Un article signé Aurore Lartigue publié par RFI le
Depuis dimanche soir et la première place du Rassemblement national aux élections européennes, dans les médias du groupe de Vincent Bolloré, on ne boude pas son plaisir. Et on ne cache guère non plus son ambition politique.
Dernier épisode en date : jeudi, la journaliste du Monde Raphaëlle Bacqué révélait comment Vincent Bolloré a « orchestré » en coulisse le rapprochement entre le RN et le président des Républicains Éric Ciotti. Au lendemain du scrutin des Européennes, raconte-t-elle, Éric Ciotti contacte Marine Le Pen et Jordan Bardella. Mais ce jour-là, celui qui est encore le président des Républicains (LR), rencontre aussi Vincent Bolloré.
Les deux hommes se connaissent depuis longtemps et, lundi dernier, ensemble, ils vont imaginer l’accord actant l’alliance entre LR et le parti d’extrême droite. À ce moment-là, aucun cadre des Républicains n’est informé des intentions d’Éric Ciotti, affirme Le Monde, invité le lendemain sur CNews, une chaîne dont Vincent Bolloré est propriétaire.
Depuis une dizaine d’années, l’homme d’affaires breton s’est bâti un empire dans les médias et l’édition : rachat d’I-télé devenu donc CNews, Europe 1, Paris Match, Le Journal du dimanche dernièrement… Un groupe qu’il a mis au service de son projet politique : une croisade contre l’immigration et l’islam, à la fois libéral et réactionnaire.
Pour atteindre son ambition, il rêve depuis longtemps d’une « union des droites » : rallier une partie des cadres et des élus de LR à l’extrême droite pour y mener sa défense de l’Occident chrétien. En 2022, il semblait avoir trouvé en Éric Zemmour son candidat parfait. Finalement, ce sera Éric Ciotti, qui n’a jamais fait mystère de son obsession identitaire. Pour la présidentielle de 2022, il avait annoncé publiquement qu’en cas de face-à-face entre Macron et Zemmour, il voterait pour le patron de Reconquête !. C’était déjà, rappelle Le Monde, « quelques heures après un tête-à-tête avec Vincent Bolloré ».
En campagne pour « l’union des droites »
Pour la journaliste et spécialiste des médias Clara-Doïna Schmelck, si on ne peut pas considérer que « tout était calculé », « cet événement s’inscrit pleinement dans un contexte qui, lui, a été bien préparé. avec l’installation médiatique par Bolloré d’un climat politique qui accueille plus favorablement les idées du RN. C’est une sorte de terrain fertile. »
« C’est une machine qui est mise en place depuis que Vincent Bolloré a transformé I-Télé en CNews, qu’ils ont décidé de faire des plateaux parce que ça coûte moins cher que de faire des reportages et que c’est plus captivant d’avoir des gens qui s’engueulent en plateau, explique Raphaël Garrigos*, coauteur de la série L’empire pour les Jours.fr. « Depuis fin 2016 que la chaîne existe, ils font feu de tout bois, de toute actualité, de tout fait divers, qu’ils montent en épingle. Et désormais, depuis un an et demi, Cyril Hanouna sur C8 a rejoint cette même façon de faire. »
Depuis l’annonce de la dissolution dimanche et dans la perspective des législatives, les chaînes de l’empire Bolloré semblent s’être mises plus que jamais en ordre de bataille pour réaliser le dessein politique de leur propriétaire. « Ils ont choisi leur camp, souligne Raphaël Garrigos en analysant la séquence médiatique des derniers jours : Pascal Praud fustigeant « la droite la plus bête du monde » en parlant des Républicains opposés au ralliement. « C’est sur Europe 1 qu’Alexis Brézet, chroniqueur d’Europe 1 et directeur de la rédaction du Figaro, dit qu’il faut que la droite s’engage avec le RN, pointe encore le journaliste. De la même façon, Cyril Hanouna interroge dans son émission mercredi sur ce qui est pire de LFI ou du RN. » Réponse de l’animateur : « LFI au pouvoir, moi je pars, c’est sûr. » Une « boutade » qui n’est pas si innocente quand on sait que, comme le révélait Marianne grâce à un sondage commandé à Ipsos, que la moitié des téléspectateurs de Touche pas à mon poste (TPMP) ont voté pour l’extrême droite.
Jeudi encore, Hanouna mettait en scène dans TPMP une tentative de réconciliation entre Reconquête ! et le RN, Sarah Knafo appelant Jordan Bardella pour lui « ten[dre] la main » et lui proposer une union. « Donc c’est bien un combat », conclut le journaliste des Jours.fr.
*Et auteur de L’Empire : comment Vincent Bolloré a mangé Canal+.
Comment Eric Ciotti a orchestré avec Vincent Bolloré l’annonce de son ralliement au RN
Au lendemain des élections européennes, le milliardaire breton et le président exclu des Républicains ont imaginé de concert l’annonce de son accord avec le parti d’extrême droite en vue des législatives des 30 juin et 7 juillet.
décision de faire alliance avec le Rassemblement national (RN), mais il est venu en imaginer l’annonce avec le grand patron, propriétaire notamment de CNews, Paris Match, Europe 1 et Le Journal du dimanche.
Lundi 10 juin, juste au lendemain des élections européennes, Eric Ciotti a pris contact avec Jordan Bardella et Marine Le Pen. Il s’est aussi rendu au 51, boulevard de Montmorency, dans le 16e arrondissement à Paris, pour rencontrer Vincent Bolloré. Le président du parti Les Républicains (LR) n’a encore rien dit dans son propre parti de saCela fait longtemps, déjà, que Vincent Bolloré caresse l’idée d’une « union des droites », comme il appelle cette potentielle alliance entre le RN et LR. A plusieurs reprises, il en a esquissé la possibilité devant des journalistes et des éditeurs, collaborateurs de son groupe. Devant quelques élus, aussi, qui viennent le visiter dans cet immeuble de trois étages sur le perron duquel flotte un drapeau breton et qui abrite sa holding familiale, La Compagnie de l’Odet. Eric Ciotti en fait partie.
Les deux hommes se connaissent depuis quelques années. « Nous sommes tous deux préoccupés par la préservation de l’identité française », reconnaissaient ils en novembre 2021 … La suite de l’article est réservée aux abonné.es.
Alliance LR-RN : la sphère Bolloré en campagne active …
Extraits d’un article signé Fabrice Arfi, Lucie Delaporte, Ellen Salvi et Marine Turchi dans Médiapart du
uisqu’il faut le faire, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise… S’il y a d’autres gens qui veulent passer des coups de fil, n’hésitez pas ! » Jeudi soir, en direct de son émission, Cyril Hanouna a décroché son téléphone personnel pour appeler le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, afin que Sarah Knafo, présente sur le plateau, lui laisse un message. « Ensemble, on peut changer les choses, a tenté la directrice de la stratégie de Reconquête, fraîchement élue eurodéputée. Jusqu’à dimanche minuit, tout est possible… »
Alors que les discussions entre les deux formations d’extrême droite patinent, l’animateur préféré de Vincent Bolloré – qui lui a d’ailleurs aussi confié une quotidienne sur Europe 1 jusqu’au premier tour des législatives – s’est officiellement posé en facilitateur. Outre la numéro deux du parti zemmouriste, il a également réuni ce soir-là le porte-parole du RN, Sébastien Chenu, et le futur ex-président de Les Républicains (LR) Éric Ciotti, qui a scellé en début de semaine une alliance avec le RN, contre l’avis de la quasi-totalité de sa famille politique …
… Pascal Praud, parmi les plus motivés, a ainsi passé l’essentiel de son temps et de ses interviews à dénoncer celles et ceux qui, du côté de LR, s’opposent à une alliance avec le RN. « La droite la plus bête du monde », a-t-il fustigé dans son édito de mercredi sur CNews, évoquant « une droite déconnectée du terrain, sans courage et sans avenir, qui décidément ne comprend rien à rien, et surtout pas ses électeurs ». À ses yeux, Éric Ciotti est bien le seul à comprendre qu’il « existe des passerelles » et qu’un « programme commun de la droite » est possible.
C’est mot pour mot la position qu’a défendue le directeur du Figaro, Alexis Brézet, sur Europe 1, où il tient régulièrement chronique. « C’est un débat, on n’est pas d’accord sur tout, et notamment en matière économique, mais c’est un débat, qui ne mérite pas ces anathèmes et ces excommunications », a-t-il plaidé. Alexis Brézet est aussi connu pour avoir fait monter, via l’espace de tribunes FigaroVox, toute une génération d’éditorialistes devenus des incontournables de la bollosphère, tels Eugénie Bastié, Alexandre Devecchio ou Mathieu Bock-Côté.
Autre fervent soutien de cette alliance entre LR et le RN, le chroniqueur Ivan Rioufol a d’abord indiqué qu’il était écarté de CNews « le temps des législatives » pour avoir publiquement applaudi le choix d’Éric Ciotti, avant de refaire son apparition sur la chaîne comme si de rien n’était, afin de saluer « le pas très courageux [fait par le patron de LR] pour essayer de briser ce carcan idéologique ». Ce discours martelé sur toutes les antennes Bolloré est surtout la suite logique de ce que défend le milliardaire breton depuis des années.
Vincent Bolloré directement à la manœuvre
Assumant d’utiliser les médias « pour mener [son] combat civilisationnel », Vincent Bolloré a franchi un cap supplémentaire en jouant un rôle actif auprès des responsables politiques de la droite extrême. Comme l’a révélé Le Monde, il a convié Éric Ciotti, dès le lendemain des élections européennes, dans l’immeuble qui abrite sa holding familiale, la Compagnie de l’Odet, sis dans le XVIe arrondissement de Paris. Vingt-quatre heures plus tard, le patron de LR officialisait son alliance avec le RN.
Depuis lors, le Journal du dimanche, également propriété de Vincent Bolloré, publie sur ses réseaux sociaux des visuels sous forme d’affiches de campagne pour mettre en avant les dernières actualités de cette « union des droites ». Dans la foulée, plusieurs personnalités habituées des plateaux de CNews ont annoncé qu’elles seraient candidates sous la bannière LR-RN. Passage en revue des figures que le milliardaire breton rêve de voir entrer à l’Assemblée nationale. La suite de l’article de Fabrice Arfi, Lucie Delaporte, Ellen Salvi et Marine Turchi est réservée aux abonné.es par ici …
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