Lu dans Médiapart : « Générik Vapeur fête ses 40 ans ! »

Pour les compagnies historiques du théâtre de rue (comme on dit « ruer dans les brancards »), après quarante ans et plus de folles inventivités et de crapahutages de par le monde entier, l’heure est aux livres bilan autant que somme de souvenirs. Dans son blog publié par Médiapart, le journaliste Jean Pierre Thibaudat analyse le livre des 40 ans de Générik Vapeur 

 Générik Vapeur fête ses quarante ans …

Une présentation signée Jean Pierre Thibaudat dans son blog Médiapart en date du 6 avril 2024 …

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« La deuche Joyeuse » au Festival d’Aurillac 2016 © Jean Michel Coubart

« Pierre Berthelot, fils du Sud-ouest, a été biberonné au festival Sigma de Bordeaux inventé en 1965 par Roger Lafosse où le Grand magic circus de Jérôme Savary voisinait avec le Bread and Puppet ou le Living theatre. Il part à Aix, entre à l’Ifca, l’Institut de formation des comédiens animateurs. Dans un squat, il croise Jean-Luc Courcoult qui va bientôt créer Royal de luxe et il entraîne Berthelot dans l’aventure, ce dernier en deviendra l’administrateur. Avant de tracer sa propre route.

Caty Avram, parisienne, associe crise d’ado et mai 68. La voici petite main à la clinique de La Borde puis à celle à la Chesnaie où elle fait venir « Zero de conduite », une des premières compagnies de théâtre de rue créée en 1973 par Dominique Zay. Elle repart avec eux.

C’est lors d’une rencontre entre compagnies de rue que Pierre (Royal de Luxe) et Caty (Zéro de conduite) se rencontrent. Ils ne vont plus quitter et fonder ensemble Générik Vapeur. Premier de leurs futurs et innombrables spectacles de rue : Duodénum- Comédie dentaire présenté dans le off Avignon en 1984. Leur route commune croise aussi celle d’Ilotopie de Bruno Schebelin (autre aventure légendaire), compagnie installée sur un île à Port Saint Louis du Rhône. Pierre et Caty participent au spectacle L’Île au Topies, avant , bientôt, de s’installer Marseille. Au culot, il réussissent à se faire allouer des locaux municipaux. Plus tard, avec d’autres, ils s’installeront aux anciens abattoirs de la ville.

Entre temps, en 1983, Michel Crespin et Fabien Jeannelle, sous la tutelle du Ministère de la culture, créent Lieux Publics, basé à la Ferme du Buisson (alors naissante). Le monde du théâtre de rue commence à se structurer. Générik Vapeur vient présenter un spectacle à la Ferme du Buisson.

Exit les abattoirs, depuis 2010, Générik Vapeur est implantée à la Cité des arts de la rue, dans le 15e arrondissement de Marseille, là où se tenait l’ancienne huilerie Abeilles. Le projet, ancien, était né en 1995, à l’initiative de Michel Crespin et de Pierre Berthelot.

« Lieu d’expérimentation et de création, la Cité des arts de la rue abrite 36 000m2 d’espaces de travail, conçu comme un morceau de ville (intérieurs, extérieurs, rues, places, ateliers de création, studios de répétitions…) où se construisent et s’éprouvent des spectacles, destinés à être joués en espace public. Cet immense espace de recherche et de diffusion artistique réunit dix structures et rassemble une chaîne de compétences et de savoir-faire autour des arts de la rue : création de spectacles, formation professionnelle, workshop, construction de décors, diffusion et médiation culturell» lit-on dans Générik vapeur, 40 ans de théâtre de rue , un livre signé Bertrand Dicale et Michel Peraldi aux multiples illustrations qui en disent autant que les mots. Le sous-titre du livre reprend l’attelage qui accompagne Générik Vapeur depuis ses débuts : « trafic d’acteurs et d’engins ». Les trois mots ont une égale importance.

Le nombre de leurs créations en quarante ans dépasse les deux cents, certaines éphémères d’autres plus durables, plusieurs sont réalisées avec la complicité d’autres artistes et compagnies de rue : Oposito, François Delarosière, le Théâtre de l’unité, Nadège Prunard, Syd Side, l’agence Tartare (fidèle compagnon de route), sans parle des complicités avec des artistes et des troupes étrangères de Belo Horizonte à Séoul, l’exemple de Générik Vapeur est contagieux.

Nombreuses sont les créations inoubliables et sans lendemain, nombreux sont aussi leurs tubes comme Bivouac, une création de 1988 mainte fois retrouvée et réinventée, de Valparaiso (Chili) à Samara (Russie). Des hommes en bleu, des bidons, du feu, des camions, de la musique live, les bivouaqueurs contaminent le public et l’entraînent dans leurs furies, chacun étant comme un Merlin l’enchanteur déjanté. La Deuche joyeuse, Opéra de parvis, honore l’emblématique 2CV en la déshabillant, en faisant d’elle un orchestie. Au festival d’Avignon 1985 Générik promenait son Aubade pour deux poules mères ce qui leur valut d’être invités à France Culture.

En 2004, la compagnie a vingt ans et fête ça en créant à Tours Théâtre d’1 rue, investissant toute une rue tout en travaillant avec ses habitants. Cette année-là Générik Vapeur crée aussi Aux petits soins avec Médecins du monde, 35 heures et des brouettes au festival Chalon dans la rue, La caravane passe à Audincourt, fief du Théâtre de l’unité. « Générik c‘est l’inventivité, le savoir-faire, le débordement, le désordre , le bidouillage, la psie à l’envers » écrit , en connaisseur, Jacques Livchine. Cette année-là encore, Bivouac fera la clôture de Lille capitale européenne de la culture.

Les années ne les ont pas assagis. En 2022, Générik Vapeur est partie prenante de « La marche des clameurs » sur le Vieux port de Marseille. Avec leur gros camion noir ils font entendre au porte-voix Les furtifs d’Alain Damasio. Alors là merci passe de Terrasson à Toulon puis part pour Poznan en Pologne. La Deuche joyeuse s’ arrête à Briançon, Bivouac et Champêtre partent au Canada et s’arrêtent au théâtre des Ilets de Montluçon, les Bivouaqueurs vont à Saragosse. Etc.

Pierre Berthelot : « Depuis quatre décennies, huit lustres, que d’eau sous les ponts a coulé, que de mains serrées, que de pays traversés ; que de camions déchargés et rechargés, que de représentations effectuées, que de personnes rencontrées, que de cahiers griffonnés, que de nuits blanches rallongées, que de kilomètres de câbles déroulés , que de tonnes de matos trimbalés, que d’intempéries sur nos corps harassés, de mécaniques poussées à exorciser, que de dossiers par milliers à oblitérer, de banquier-ères-s à persuader, de maréchaussées à amadouer, que d’élu-e-s à discerner, que de taboulés ingurgités, que de mauvais alcools forts en degrés, que de pages blanches froissées, de répétitions avortées, de spectacles créés, que d’acteur.e.s sollicité.e.s, de musicien.ne.s à accorder, de scènes à rapiécer… Mais ne vous méprenez pas, tout ça ne s’est pas fait sans heurt et sans complaisance ».

Caty Avram : « Où sont les femmes me demande-t-on régulièrement ? Partout ! Autour de nous, dans la vie et pas loin, la présidente de Générik vapeur et celle d’avant, depuis le dépôt au Journal Officiel en 1984 ; les chargées de production et de communication, des femmes !…Les costumières, artificières, plasticiennes, conductrices d’engins, performeuses, chanteuses, graphistes, et moi codirectrice artistique. On ne compte pas ! Les rencontres et coups de coeurs créent l’équipe mais, en raison des grands formats, des matériaux des engins, d’un speed et des budgets, il y a environ un tiers de femmes. »

« Générik vapeur 40 ans de théâtre de rue, trafic d’acteurs et d’engins  » par Bertrand Dicale et Michel Peraldi. Editions Deuxième époque, 232 pages, multiples illustrations, 30€ .


dans son blog Médiapart en date du 6 avril 2024 …


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