Dans la Vallée de l’Elqui, sur les traces de Gabriela Mistral …

Fervente féministe chilienne connue à travers le monde, poétesse, éducatrice et diplomate, Gabriela Mistral est la première femme latino-américaine à obtenir  le Prix Nobel  littérature. Bonheur de séjourner pendant une semaine dans la Vallée de l’Elqui, au pied de la Cordillère des Andes, et de découvrir les lieux de sa plus tendre enfance à Vicuña et  Paihuano …

Gabriela Mistral (1889-1957) .Première femme prix Nobel de littérature, A ce seul titre, Gabriela Mistral mérite de  figurer dans l’histoire du féminisme.  Elle est aussi reconnue pour avoir défendu la dignité de la femme et la grandeur de la mère… Une vidéo de 4’34 » …

 Le Musée Gabriela Mistral de Vicuña …

Cour extérieure du Musée consacré par la ville de Vicuña à la poétesse …

Gabriela Mistral est née en 1889, au nord du Chili, à Vicuña, dans une de ces vallées de la Cordillière des Andes … Comme nombre d’autres figures du féminisme, Gabriela Mistral a été très tôt abandonnée par son père – parti lorsqu’elle n’avait que trois ans et la condamnant à une enfance dans la pauvreté. Dés l’âge de 14 ans, Gabriela Mistral doit travailler comme aide-institutrice.

Chambre de sa maison natale à Vicuña …

L’année suivante, Gabriel Mistral publie ses premiers poèmes dans le journal local, El Coquimbo de La Serena. Second événement fondateur, après l’abandon par le père, le suicide de son ami Romeo Ueta. En 1914 son recueil Sonetos de la Muerta lui vaut sa première consécration avec l’obtention d’un prix littéraire. Lucila change de nom et choisit celui de Gabriela Mistral, Gabriela pour Gabriele d’Annunzio, et Mistral, pour Frédéric Mistral. La poétesse sans père choisit le prénom d’un poète et le nom d’un autre.

Poétesse, Gabriela Mistral se consacre aussi à l’éducation. En 1922, le Mexique veut révolutionner son système éducatif. Gabriela Mistral y va pour implanter des bibliothèques dans les écoles. Elle publie aussi son premier poème lui valant une célébrité internationale, Désolacion.

¿A quién podrá llamar la que hasta aquí ha venido
si más lejos que ella sólo fueron los muertos?
Qui pourra appeler celle qui est venue jusqu’ici,
puisque seuls les morts sont allés plus loin?

Gabriela Mistral ne s’enferme cependant pas dans le thème de la mort. Elle publie Lecturas para Mujeres, écrit à la fois en vers et en prose, hymne à la maternité et à l’éducation. Revenue au pays, Gabriela Mistral devient professeur d’espagnol à l’Université .

Poétesse, professeur, Gabriela Mistral célèbre aussi le Chili, ce pays dont on dit qu’il fut fabriqué lorsque Dieu avait fini de créer la terre, avec des petits bouts de tout, de montagne et de plaine, de désert et de glaciers, droit comme un i entre la Cordillère et l’Océan.

Après le Chili, c’est l’Amérique latine qu’elle parcourt. Puis l’Europe, dix ans durant. Gabriel Mistral multiplie les articles, y ajoute une activité diplomatique, notamment à la Société des Nations, et poursuit son œuvre de poétesse.

De retour en Amérique latine, Gabriela Mistral s’intéresse  aux traditions indiennes. Elle développe un nouveau thème, celui de l’identité multiple, et se définit elle-même comme :

  • una india vasca
  • une indienne basque

Et puis la mort encore, le suicide de son neveu, en 1943. Gabriela Mistral en fait le thème central d’un de ses derniers poèmes qui figure dans le recueil que son amie Doris Dana publie après sa mort, sous le titre Poema de Chile : le retour au Chili d’un trio, la poétesse accompagnée d’un Indien du désert d’Atacama et d’un « huemul », d’un cerf des Andes …

Dans la rue Gabriela Mistral à Vicuña …

Désolation – Gabriela Mistral

Née en en 1889 au nord du Chili, son vrai nom est Lucila de María del Perpetuo Socorro Godoy Alcayaga, et Gabriela Mistral un nom qu’elle a choisi à cause de ses deux poètes préférés: Gabriele D’Annunzio et Frédéric Mistral.
Elle avait 3 ans quand son père quitta la maison, laissant la famille dans des conditions fort difficiles. Elle arrive pourtant à poursuivre son éducation et à 14 ans devient “aide-institutrice”. Déjà elle écrit des poèmes, a un amoureux, un mauvais garçon qu’elle quitte puis qui se suicide. L’histoire dit qu’elle gardera cette blessure sa vie durant.

Ensuite elle s’installe à Santiago, poursuit des études supérieures et elle va travailler  comme institutrice dans différentes parties du Chili, C’est là qu’elle rencontre le jeune Neftali Reyes Basoalto. Vous devinez qui c’est ? C’est Pablo Neruda ! Elle l’initie à l’écriture.

Une place publique de la commune de Paihuano

À ce moment, 1922, le gouvernement mexicain lui demande de venir organiser les bibliothèques et les écoles. Elle publie « Desolación» qui a un succès international …

Sources

DÉSOLATION

La brume épaisse, éternelle, pour me faire oublier où
m’a rejetée la mer dans son flot saumâtre.
La terre où j’ai abordé n’a pas de printemps :
sa nuit sans fin me couvre comme une mère.

Autour de mon logis, le vent fait sa ronde de sanglots
et de hurlements et, tel un fil de cristal, brise mon cri.
Sur la plaine blanche, à l’horizon sans fin,
je regarde mourir d’immenses couchants douloureux.

Qui pourra appeler celle qui est venue jusqu’ici,
puisque seuls les morts sont allés plus loin ?
Ils regardent une mer muette et glacée
s’allonger entre leurs bras et les bras chéris.

Les bateaux dont les voiles blanchissent le port
viennent de terres où ne sont pas les miens ;
leurs hommes aux yeux clairs ne connaissent pas mes fleuves,
et n’apportent que des fruits pâles, qui n’ont pas la lumière de mes vergers.

La question qui monte à ma gorge
lorsque je les vois passer, retombe, accablée :
ils parlent des langues étrangères, non l’émouvante
langue que, sur des terres dorées, chante ma pauvre mère.

Je regarde tomber la neige comme poussière dans la tombe ;
je regarde s’épaissir le brouillard comme l’agonisant,
pour ne pas tomber dans la folie, je ne compte pas les instants ;
la longue nuit ne fait que commencer.

Je contemple la plaine figée et en recueille le deuil,
car je suis venue voir les paysages de mort.
La neige est le visage qui regarde à travers mes vitres,
sa blancheur descend sans trêve des cieux.

Toujours elle, silencieuse, ainsi que le vaste
regard de Dieu sur moi, toujours ses jasmins sur mon toit ;
toujours, tel le destin égal, présent,
elle viendra me couvrir, terrible, extasiée.

Gabriela Mistral, Poèmes choisis, Éditions Stock./Traduction de Mathilde Pomès.

La poésie de Gabriela Mistral est malheureusement quasi inaccessible aux non-hispanisants, compte tenu de la rareté – du moins en France – des traductions de ses recueils poétiques, publiées pour la plupart en 1946, au lendemain de son Prix Nobel (et non rééditées depuis), hors une anthologie poétique parue en 1989 à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance (D’amour et de désolation, Orphée/La Différence). Cette anthologie a été rééditée en 2012.”

Pour comprendre ce poème, le plus connu sans doute des francophones, il vous faut savoir ceci: le Chili vécut, au milieu du XIXe, ce qu’ils appellent une colonisation sélective. Le gouvernement avait ouvert ses frontières pour recevoir des étrangers, catholiques, qui avaient eu une éducation secondaire.
C’est ainsi qu’arrivèrent des Allemands, qui imposèrent plus ou moins leur langue et leurs coutumes dans les zones où ils habitaient. Gabriela élève la voix devant la transformation de son paysage affectif, devant l’étrangeté d’un espace qui commençait à perdre son identité.

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