Ce qui ne s’achète pas : la définition du bonheur selon Cynthia Fleury …

La philosophe Cynthia Fleury présente « La Charte du Verstohlen », un manifeste co-écrit avec le designer Antoine Fenoglio dans lequel elle propose « dix points qui ne peuvent nous être volés » pour s’extirper d’un monde aliénant. Cela va du silence à la santé, en passant par le droit d’accéder à une vue, à un paysage et un horizon à regarder auquel chacun devrait avoir droit … » Cynthia Fleury répond aux questions d’Olivia Gesbert dans l’émission La Grande Table de France Culture : une vidéo de 33′ diffusée le 29 juin 2022 …

Dans Ce qui ne peut être volé. Charte du Verstohlen, publié en mai 2022 par Gallimard dans sa collection Tracts, la philosophe Cynthia Fleury et le designer Antoine Fenoglio écrivent ceci : « Nommez-le inappropriable, bien commun, universel, bien public mondial, bonheur national brut, capacité ou capabilité, bien vital, besoin essentiel, objectif de développement durable. Nommez-le comme vous voulez, mais ne négociez plus pour entériner sa perte ou son vol ».

Tous deux disent que leur texte « a vocation à inspirer tous ceux qui ont besoin de réarmer leur désir, de partager des méthodes de déploiement et d’arpenter ensemble les chemins de la vie bonne ». Pour tenter, disent-ils, de faire advenir « le réel » autrement que dans son fracas qui, de plus en plus, nous plonge dans des situations à la fois d’effondrement, de fatigue, de découragement.

Pour contribuer à ce « réarmement » de l’individu et du collectif, ils proposent donc un manifeste, une charte en dix points, posant ce qui ne doit et ne peut nous être volé : le silence, l’horizon, le soin des morts, la liberté d’usage, la qualité de vie, la santé physique et psychique, le temps long, la possibilité de demeurer et devenir.

Dans l’émission « La grande table » du 29 juin 2022 sur France Culture, Cynthia Fleury parle ainsi, notamment, de la nécessité de préserver une vue. « C’est-à-dire, tous les jours, avoir la possibilité, dans sa vie la plus quotidienne, d’avoir accès à l’horizon, à un paysage, qu’il soit rural ou urbain, d’être porté par cela. C’est-à-dire tout d’un coup je peux, de manière politique, me ressaisir, me reconstituer, me restaurer dans ma santé parce que je regarde au loin, et de manière existentielle, je me nourris de cela ». 

Il y a aussi, capital, le silence. « Aujourd’hui on a une confiscation du silence par des espaces de luxe, alors que c’est une denrée essentielle pour l’âme, l’esprit, le corps. Le silence, c’est une ressource cognitive on en a besoin pour penser, pour se concentrer. C’est une ressource clinicienne, thérapeutique. C’est une ressource pour le sacré. On en a besoin dans les espaces publics, parce que c’est une fonction politique. Comment bien se parler, comment bien délibérer démocratiquement si, à un moment donné, on ne s’écoute pas ? Si on ne fait pas silence ? On voit que le fardeau sonore est toujours porté par les plus vulnérables. C’est pour ça qu’on a posé le « care », la philosophie du soin, comme une phénoménologie du politique. Ca veut dire qu’en fait ça rend visible tout ce que le politique veut rendre invisible, et qui est de plus en plus inacceptable. Et donc on met en lumière tous ces points de vulnérabilité et à partir de là, on renverse le pouvoir, d’une certaine façon. Et on fait en sorte que ne se joue pas là, de la domination mais au contraire un « prendre soin ». Et c’est à partir de ce « prendre soin » qu’on reconstitue, qu’on restaure nos capacités d’agir, nos puissances d’agir ». 

Ces deux considérations, absence de perspective et omniprésence du bruit, devraient nous interpeler . Bruit partout, musique à tue-tête dans les autobus, brouhaha permanent au Parlement. L’accès au sens, personnel et démocratique, s’y noie totalement. Bétonnage partout, privation galopante d’horizon …  « Les mondes urbains et ruraux ne peuvent se transformer en prisons où tout édifice arrête le regard : murs et bêtise ont ceci de commun qu’ils tuent les perspectives » insistent Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio… De l’importance de ne pas laisser la cacophonie et l’écran de fumée volontairement entretenus nous priver des perspectives capitales de notre être et  faire …

– Résumé rédigé d’après l’article « Le Bal des coquins » signé Shenaz Patel dans Le Mauricien.com du 4 juillet 2022.


En savoir plus sur « Ce qui ne peut être volé : charte du Verstohlen « 

Inappropriable, bien commun, bonheur national brut… “nommez-le comme vous voulez” nous dit le tract Ce qui ne peut être volé. Charte du Verstohlen (série Grand format, Gallimard, 2022), un manifeste en dix points co-écrit par Cynthia Fleury et le designer Antoine Fenoglio. « Dix points non négociables, qui paraissent évidents mais qui ne le sont plus »…


Retrouver Cynthia Fleury par ailleurs sur PrendreParti …

« Il faudra combattre ceux qui vous diront qu’il faudra continuer comme avant »