Mexique : un tribunal ré-autorise Monsanto à importer glyphosate et maïs OGM !

Depuis cette semaine, Monsanto est de nouveau autorisé à importer du glyphosate et du maïs génétiquement modifié au Mexique ! Le géant de la fabrication de semences OGM a obtenu par la décision d’un juge du tribunal administratif du 6e district de la ville de Mexico la suspension, du moins pour l’entreprise, d’un décret présidentiel pris fin 2020. Lire l’article publié par RFI …

Le glyphosate ainsi que le maïs transgénique de Monsanto sont réautorisés au Mexique (Image d'illustration).

Le décret présidentiel pris fin 2020 au Mexique interdisait l’importation de ces substances et l’élimination progressive pour 2024 de l’utilisation de l’herbicide jugé cancérigène par l’OMS.

L’interdiction du glyphosate et des semences de maïs génétiquement modifiées a été déclarée inconstitutionnelle. De fait, Monsanto peut désormais à nouveau user de ses autorisations et donc importer, utiliser et distribuer ces produits au Mexique. Selon la décision rendue par un juge administratif jeudi, le décret présidentiel pris il y a deux ans manque de fondements et les preuves scientifiques seraient insuffisantes.

La décision du juge argumente que le texte manquerait notamment d’explications précises concernant les effets du glyphosate sur la santé humaine. De même que sur les risques que le maïs transgénique pourrait représenter pour la survie des autres espèces de maïs présentes au Mexique.

Le gouvernement se prépare à contre-attaquer

Plusieurs associations de défense de l’environnement ont vivement réagit pour dénoncer cette décision. De son côté, le gouvernement, à travers de son ministère de l’Environnement, a d’ores et déjà annoncé son intention de la contester. Pendant 10 jours, au moyen d’un recours, il peut faire appel et saisir une cour collégiale qui pourra confirmer, modifier ou révoquer la décision du juge.

A suivre …


Rappel des épisodes précédents  :

A La Haye, des victimes du monde entier ont accusé Monsanto

Un article signé Émilie Massemin dans Reporterre  du 17 octobre 2016 mis à jour le 2 février 2017 …

Samedi 15 octobre et dimanche, à La Haye, un tribunal citoyen a examiné les crimes de Monsanto. Enfants malformés, agriculteurs malades ou ruinés, eaux polluées et sols détruits… Vingt-quatre témoins se sont confiés sur le calvaire né de leur rencontre avec le géant des OGM et des pesticides.

–  La Haye (Pays-Bas), reportage

Comment juger Monsanto ? Cette question, lancinante, a traversé toute l’audience du tribunal contre le géant américain de l’agro-chimie, les 15 et 16 octobre à La Haye. Pendant deux jours, vingt-quatre témoins, scientifiques et juristes se sont succédés à la barre pour dénoncer les crimes de la multinationale célèbre pour ses OGM et son Round-Up, un herbicide à base de glyphosate. Face à cinq juges de renommée internationale, ils ont tout livré : les enfants malformés et les cancers, le bétail malade, les rivières polluées et les sols détruits, les terres et les semences traditionnelles confisquées, les études scientifiques prouvant la dangerosité du glyphosate – composant principal du Roundup – écartées ou dénigrées. Après plusieurs heures d’audition, la juge sénégalaise Dior Fall Sow a fini par formuler à voix haute la question que toute la salle se posait : « L’arsenal juridique est très important. Les preuves du lien entre le glyphosate et les dommages causés existent. Pourquoi en sommes-nous encore là ? Quels problèmes font que les comportements de cette multinationale ne sont pas poursuivis et réprimés ? »

L’Institut des sciences sociales, où siégeait le tribunal.

Pour tenter de faire évoluer la situation, les juges ont pour mission d’étudier la conformité des agissements de Monsanto avec le droit privé et le droit international, dans cinq domaines : le droit à la santé, le droit à l’alimentation, le droit à un environnement, le droit à l’information, le droit de la guerre. Ils doivent également décider si les mauvaises actions de Monsanto pourraient relever d’un écocide, crime non encore reconnu par les conventions internationales mais qui fait l’objet d’une intense réflexion.

Pour cela, ils ont pris des notes, posé des questions, pas toujours à l’aise face à ce public de militants prompts à taper des mains et à encourager les témoins – « Merci de ne pas applaudir pour respecter le sérieux et la dignité de la séance », réclamera plusieurs fois Françoise Tulken. Mais la juge belge ne dissimule guère sa profonde bienveillance : « Je voudrais remercier tous les témoins. Vous avez fait un long voyage, pas seulement point de vue géographique. C’est aussi un long voyage personnel, formé de choses vécues au sens fort du terme. Votre parole est importante pour ceux qui nous écoutent, pour nous et pour le travail qui va être fait. »

Certaines victimes ont déjà obtenu la reconnaissance de l’impact des pesticides sur leur santé, comme Paul François. L’agriculteur français, intoxiqué en 2004 par un herbicide nommé Lasso, a témoigné de ses victoires judiciaires contre Monsanto. Mais le prix à payer est exorbitant, confie-t-il avec amertume : « C’est long, violent et coûteux. Les avocats de Monsanto n’ont pas cessé de me démonter. J’ai déjà engagé plus de 40.000 euros dans la procédure. Malgré sa condamnation en appel en septembre 2015, la multinationale ne m’a pas encore versé un centime. » Monsanto a de nouveau fait appel et l’agriculteur attend désormais le pourvoi en cassation en 2017.

Théo, 9 ans, 50 opérations à cause de malformations dues au glyphosate

Sabine Grataloup, maman d’un petit Théo, victime d’empoisonnement aigü prénatal.

Tous ne se sentent pas prêts à tant de sacrifices. Sabine Grataloup, intoxiquée au glyphosate pendant sa grossesse en 2008 et dont le fils Théo souffre d’une terrible malformation de l’œsophage et de la trachée, préfère consacrer ses forces à accompagner son enfant dans son calvaire médical – le garçonnet subira sa 51e opération chirurgicale le 20 octobre prochain. Christine Sheppard, à qui l’on a diagnostiqué un lymphome non-hodgkinien après plusieurs années d’épandages de Round-Up, n’a pas lancé de procédure non plus : « Monsanto ferait traîner et je finirais ruinée avant même de pousser la porte du tribunal. »

Dans les pays du Sud, c’est encore plus compliqué. Comme au Brésil, dans les territoires consacrés à la monoculture du soja, où « plus de 60.000 personnes ont été empoisonnées au glyphosate entre 1999 et 2009 », dénonce le chercheur en santé publique et environnementale et membre de l’Association brésilienne de santé collective (Abrasco), Marcelo Firpo. Pourtant, « la plupart du temps, nous n’arrivons pas à porter ces affaires devant les tribunaux. Les procureurs réagissent d’une manière suggérant qu’on ne peut pas faire grand-chose. Le Brésil a signé bon nombre de conventions internationales mais rien n’est fait pour les respecter ! »

Monsanto a aussi ses petites techniques pour éviter le procès. Le coton transgénique Bt a été introduit en 2008 au Burkina Faso. « Dès la première campagne, un paysan a vu ses moutons et ses chèvres mourir après avoir brouté dans un champ de coton et a donné l’alerte, raconte Ousmane Tiendrebeogo, paysan lui aussi. La gendarmerie lui a conseillé d’envoyer quelques feuilles de coton pour analyse au laboratoire de Monsanto, aux Etats-Unis. Comme les analyses n’ont pas conclu que les plantes étaient responsables de la mort des animaux, le groupe a réclamé le remboursement des frais, soit 2,5 millions de francs CFA (3.800 euros). » Le paysan était trop pauvre pour payer. Evidemment, « cette mise en scène a fait taire la contestation à jamais », observe M. Tiendrebeogo.

Ousmane Tiendrebeongo, fermier au Burkina Faso.

Pantouflages et jeux d’influence

Non content d’intimider ses victimes. Le groupe se livre allègrement au pantouflage – les allers-retours de Michael Taylor entre l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) et Monsanto ont été évoqués. Ses sbires murmurent jusque dans les ministères et les institutions nationales stratégiques. En 2012, une semaine après le coup d’Etat au Paraguay, « le nouveau gouvernement a autorisé la culture du coton transgénique Bt et Monsanto a pu mettre en place une taxe dans les ports du pays », dénonce l’expert en santé Miguel Lovera, qui soupçonne la multinationale « non pas d’avoir financé le coup d’Etat, mais de lui avoir fourni des outils ».

De nombreux autres témoignages de ce genre ont été recueillis ces deux jours. Tellement accablants qu’on était tout étonné, à la pause déjeuner, de voir le joli soleil d’automne briller comme si de rien n’était sur le canal de la Kortenaerkade, ou de trouver si appétissante la salade de betteraves et pois chiches bio distribuée par les organisateurs. Mais la situation n’est pas insoluble. Principes directifs relatifs aux entreprises et aux droits humains signés par l’ONU en 2011, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels… Les avocats qui se succèdent à la barre dimanche après-midi ne manquent pas d’idées de textes sur lesquels s’appuyer pour condamner Monsanto. Pour l’avocate Claudia Gomez Godoy, l’objectif est double : parvenir à indemniser les victimes et, surtout, éviter que la situation ne se reproduise.

Désormais, les cinq juges ont toutes les cartes en main pour rédiger un avis consultatif, dont la juge Françoise Tulkens pense qu’il permettra « à des avocats, des juges, des tribunaux, d’intervenir, d’aller plus loin sur les questions de responsabilité, de réparation des dommages causés par Monsanto. Mais aussi de faire progresser le droit international des droits humains ». L’avis pourrait être rendu, au plus tôt, le 10 décembre prochain. Une chose est sûre, la démarche n’est pas vaine, estime la magistrate : « Le droit suit la réalité, les événements. Il est fait pour les gens, les gens qui souffrent ; pas pour les juristes, ni pour les livres de droit. S’il n’y a pas des mouvements comme le vôtre, il n’avancera pas. »


Monsanto et écocide, le verdict positif du tribunal international citoyen de La Haye

Un tribunal informel avait estimé en avril 2017 que « les activités de Monsanto causent des dommages aux sols, à l’eau et de manière générale à l’environnement« . Ce Tribunal international citoyen s’est réuni en octobre dernier à La Haye, pour juger Monsanto pour « crimes contre l’humanité et écocide« . La firme américaine était accusée d’avoir commercialisé des produits toxiques qui ont tué des milliers de personnes. Ce procès est symbolique, organisé par un réseau associatif et militant. Sert-il réellement à quelque chose?

Des militants internationaux ont lancé vendredi 14 octobre 2016 à La Haye l’Assemblée des peuples, tribunal citoyen informel accusant le géant américain Monsanto de violer les droits de l’homme et de commettre le crime d' »écocide« , en représentant une « importante menace » pour l’environnement.

Monsanto, qui produit des semences génétiquement modifiées ainsi que des pesticides controversés, a déjà rejeté l’assemblée à La Haye organisée par des centaines de groupes citoyens, la qualifiant de « parodie de tribunal » sans valeur légale.

Cinq juges professionnels internationaux y ont entendu trente témoins, dont des scientifiques, agriculteurs et apiculteurs, durant les trois jours consacrés à l’événement.

Parodie de tribunal selon Monsanto

Le tribunal avait à rendre un avis consultatif légal destiné à alimenter les lois existantes, notamment via la création d’une jurisprudence au sein du droit international.

Le tribunal est présidé par la juge belge Françoise Tulkens, qui a été juge à la Cour européenne des droits de l’Homme pendant quatorze ans. Voici ce qu’elle disait lors de la conclusion des travaux en octobre 2016 : « L’avis que nous rendrons […] sera adressé à Monsanto et aux instances des Nations unies. A partir de cet avis, d’autres juridictions pourront peut-être être saisies et d’autres juges interviendront. Nous, nous aurons vu, entendu, constaté et délibéré. Et sans doute des nouvelles questions, comme celles qui concernent l’écocide, pourront être prises en compte par le droit international. »

Ouverture du Tribunal Monsanto par Corinne Lepage from Monsanto Tribunal on Vimeo.

« Notre objectif est de démontrer, et c’est le tribunal qui le dira, si Monsanto a ou n’a pas manqué à ses obligations internationales« , a affirmé l’ancienne ministre française de l’Environnement Corinne Lepage, souhaitant donner « à la société civile les même armes dans tous les pays du monde ».

Pour suivre en direct les déclarations du tribunal Monsanto, c’est ici.

« Sauver nos graines, l’action la plus révolutionnaire »

« Sauver nos graines, à mon avis, est l’action la plus révolutionnaire de notre époque« , a déclaré Vandana Shiva, une auteure indienne qui s’est déjà confrontée à Monsanto par le passé et qui rêve d’un « futur sans poisons ».

Les juges de La Haye devront répondre à plusieurs questions: le géant Monsanto a-t-il violé les droits à un environnement sûr, à l’alimentation ainsi qu’à des critères exigeants en matière de santé?

Est-il complice de crimes de guerre en produisant le défoliant Agent Orange utilisé par les forces armées américaines durant la guerre du Vietnam? Et ses activités pourraient-elles constituer « un crime d’écocide, à savoir la provocation de sérieux dégâts et la destruction de l’environnement« ?

Ce déroulé est « un mélange habile de hard law, c’est-à-dire de droit contraignant, et de soft law, de droit non contraignant », nous disait Catherine Le Bris, chercheuse au CNRS spécialisée en droit international au sein de l’Institut juridique et philosophique de la Sorbonne, dans un article publié en octobre dernier sur notre site Un Tribunal Monsanto pour criminaliser l’ « écocide ».

« Les législations d’une dizaine de pays le reconnaissent pour l’instant. C’est le cas du Vietnam, pour des raisons historique, de la Russie et d’États d’ex-URSS. En Amérique du Sud, l’Équateur et la Bolivie permettent de porter la nature en justice », précise Valérie Cabanes, juriste et co-organisatrice du tribunal.

Pour obtenir la plus large audience, et mobiliser les esprits, le Tribunal citoyen a lancé une pétition en ligne via les réseaux sociaux.

Récemment, la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye elle aussi, a émis l’intention de se concentrer davantage sur les crimes environnementaux, tels que l’accaparement des terres.

Mais se défendant dans une lettre ouverte, Monsanto estime que l’Assemblée des peuples « détourne l’attention de discussions essentielles sur les besoins en alimentation et en agriculture du monde entier« . Le groupe affirme « aider les agriculteurs à limiter et à s’adapter aux changements climatiques« , se disant convaincu qu’une « coexistence entre toutes les formes d’agriculture est possible« .

©captured’écran

L’événement s’était déroulé alors que l’Union européenne examine l’offre de rachat de Monsanto par le chimiste allemand Bayer pour 60 milliards d’euros …


Lire par ailleurs sur PrendreParti à propos des combats contre Monsanto …

« Jeux d’influence » mêle politique, lobby et agriculture sur Arte …