Chili : Gabriel Boric et le conflit Mapuche

Dans une volte-face aussi contrainte que symbolique, le gouvernement chilien a finalement annoncé le retour des militaires dans le sud du pays, où depuis des années la population indigène mapuche exige la restitution de terres ancestrales. L’état d’urgence, annoncé le 16 mai et prolongé lundi 30 mai pour deux semaines, est survenu seulement deux mois après la prise de fonctions de Gabriel Boric …

Le sud du pays a connu une recrudescence de la violence. Le gouvernement continue de prôner le dialogue, tout en déployant des militaires dans la région.
La majorité présidentielle et l’opposition ont applaudi le retour de cet état d’exception, à la différence d’une partie de la gauche et de plusieurs communautés mapuches qui dénoncent un changement drastique dans la position du gouvernement de Gabriel Boric …
Des membres des forces armées patrouillent dans les rues de Temuco, capitale de la région d’Araucanie, au Chili, le 17 mai 2022.

L’état d’urgence avait été instauré en octobre 2021 par son prédécesseur, Sebastian Piñera (droite, 2018-2022), pour endiguer ce qu’on appelle le « conflit mapuche » et les violences qui émaillent la région. Sur ordre du gouvernement entrant, les militaires avaient quitté une partie du sud du pays à la fin du mois de mars.

« Il est évident que, ces derniers temps, nous avons eu une augmentation des actes de violence sur les routes, nous avons été témoins de lâches attaques », a justifié la ministre de l’intérieur, Izkia Siches, en annonçant « l’état d’urgence » dans les régions de l’Araucanie et une partie du Biobio. Il s’agit d’une militarisation « limitée » aux routes principales, là où les attaques contre des camions représentent une entrave à la circulation et « à la chaîne d’approvisionnement », augmentant le coût de la vie, a souligné la ministre de l’intérieur.

« On se retrouve toujours à espérer que le pire n’arrive pas », lâche José Hidalgo, président de l’association des prestataires de services forestiers. Les entreprises forestières privées, installées sur les terres ancestrales des Mapuche – spoliés par l’Etat au tournant du XXe siècle – sont la cible principale des attaques. Les Mapuche, littéralement « peuple de la terre », sont la première population indigène du Chili, soit 1,7 million de personnes dans ce pays de 19 millions d’habitants …
Extrait d’un article signé Flora Genoux dans Le Monde du 1 juin 2022


Chili: Gabriel Boric et le conflit Mapuche

Le président chilien Gabriel Boric (Image d'illustration).
Le président chilien Gabriel Boric (Image d’illustration). © REUTERS – RODRIGO GARRIDO

C’est un dossier qui empoisonne la vie politique chilienne depuis plusieurs décennies,  le «conflit Mapuche», principale communauté indigène du Chili (environ 1 700 000 personnes sur les 19 millions de Chiliens). Une communauté qui revendique des terres perdues depuis le XIXème siècle. Ces dernières décennies, ce conflit parfois violent et mortel s’est envenimé. À tel point dernièrement que le nouveau président de gauche, Gabriel Boric, a annoncé, mi-mai 2022, le rétablissement de l’état d’urgence dans le sud du pays, mesure qu’il avait dénoncée durant sa campagne. « C’est une décision qui a dû être très difficile à prendre car elle va à l’encontre de sa volonté affichée de trouver un terrain d’entente avec les organisations Mapuche, y compris celles qui se déclarent en lutte », explique notre invité Jimena Obregon Itura, professeur des Universités en études hispano-américaines à l’Université Rennes 2. Toutefois, « il n’y avait pas de bons choix », estime la spécialiste, tant la situation était devenue très tendue : incendies de camions et de machines, attaques de véhicules… les entreprises forestières privées, installées sur les terres ancestrales des Mapuche sont la cible principale des attaques. « Le gouvernement a opté pour un état d’urgence limité aux axes de communications principaux, l’armée n’a pas été déployée partout dans le sud », précise Jimena Obregon Itura. On ne peut donc pas dire que Gabriel Boric marche dans les pas de son prédécesseur Sebastian Piñera, « car l’annonce de l’état d’urgence a été assortie d’un projet qui comporte un certains nombres d’éléments pour accélérer le processus de restitution des terres, avec la mise en place de politiques publiques en matière de santé, d’eau potable, avec des moyens non négligeables ».


Chili: prolongation de l’état d’exception en territoire Mapuche

Marche de protestation d'activistes indiens mapuches à Santiago du Chili, le 10 octobre 2021.
Marche de protestation d’activistes indiens mapuches à Santiago du Chili, le 10 octobre 2021. REUTERS – IVAN ALVARADO

Face à l’intensification des violences, le gouvernement chilien prolonge pour quinze jours l’état d’exception dans le sud du pays, en territoire Mapuche, le peuple autochtone le plus important au Chili. La région Mapuche, dans le sud du pays, est agitée par un conflit territorial dure depuis des décennies entre certaines communautés et des entreprises forestières qui exploitent des terres considérées par les Mapuches comme « ancestrales » et leur appartenant. Cet état d’exception, décrété à la mi-mai et prolongé pour quinze jours lundi 30 mai, dans la région de l’Araucanie, vise principalement à déployer des militaires sur les axes routiers pour assurer la circulation des citoyens et des marchandises.

Il constitue un véritable virage dans la politique du nouveau gouvernement de gauche car peu après son investiture, en mars dernier, le président Gabriel Boric avait mis fin à l’état d’exception instauré par son prédécesseur de droite, rapporte notre correspondante à Santiago, Naïla Derroisné. Le nouveau gouvernement souhaitait d’abord rétablir le dialogue avec les communautés Mapuche, plutôt que de maintenir les militaires sur place.

Mais face aux violences qui s’intensifient et aux pressions exercées par les habitants de la région et de la droite, Gabriel Boric a dû revenir sur sa décision alors qu’il avait lui-même fortement critiqué cette mesure sous le gouvernement précédent. Peu après l’investiture du nouveau gouvernement, la nouvelle ministre de l’Intérieur Izkia Siches s’était rendue en Araucanie, un geste d’apaisement, où elle avait été fraîchement accueillie.

Dans cette région du sud du Chili, les routes sont régulièrement coupées, chaque semaine des engins d’entreprises forestières sont brûlés, ces incendies auraient d’ailleurs doublé ces deux derniers mois. Et depuis quelques temps, des attaques plus violentes sont commises. La semaine dernière, un travailleur d’une entreprise forestière est mort après avoir reçu un tir en pleine tête.


A suivre …