Au Chili, ce dimanche 19 décembre est celui du choix !

Le deuxième tour de l’élection présidentielle a lieu ce dimanche 19 décembre. Pour la première fois depuis le retour de la démocratie dans le pays, en 1990, il se joue sans les partis traditionnels de centre gauche et centre droit. Deux « outsiders » s’opposent : José Antonio Kast, candidat d’extrême droite, admirateur de Pinochet, arrivé en tête au premier tour ; et Gabriel Boric, candidat de gauche incarnant la continuité des revendications de la révolte sociale de 2019 …

Un scrutin crucial qui soulève beaucoup d’espoir chez les artistes qui s’engagent au quotidien au plus près des habitants. Sur cette photo prise le 14 décembre 2021 à La Ligua en compagnie de Nelson Rojas , accueilli en France à plusieurs reprises au sein du Teatro del Silencio de Mauricio Celedon…

Chili : l’élection présidentielle qui peut faire basculer le pays

 Dans un podcast de 18’08 » publié ce 17 décembre, Esther Michon et Flora Genoux, envoyée spéciale du « Monde » à Santiago, expliquent les enjeux de ce scrutin …

Écoutez le podcast de l’épisode du 17 décembre 2021 par ici …


Présidentielle au Chili : « une campagne assez sale » avant le deuxième tour

Les Chiliens doivent choisir dimanche, pour le second tour de la présidentielle, entre le candidat de gauche Gabriel Boric et celui d’extrême droite José Antonio Kast, vainqueur du premier tour. Ce dernier multiplie depuis quatre semaines les attaques personnelles et les fausses informations pour tenter de remporter ce scrutin dont l’issue reste très incertaine.
« Pour dissiper les doutes du candidat d’extrême droite, voici les résultats de mon test de dépistage de drogue. Stop aux mensonges ». Gabriel Boric a choisi de poster, mardi 14 décembre, des analyses réalisées début novembre par un laboratoire de la capitale chilienne indiquant que ni cannabis, ​cocaïne ou amphétamine n’ont été détectés.

La veille, Gabriel Boric avait présenté ce même document lors d’un débat télévisé avec son rival José Antonio Kast alors que les deux hommes étaient interrogés sur leurs mesures en matière de lutte contre le trafic de drogue. Kast venait de regretter que son adversaire n’ait pas accepté de se soumettre à un dépistage.

C’est dans ce contexte que les Chiliens sont appelés, dimanche 19 décembre, à élire leur futur président. Les attaques du populiste José Antonio Kast ont d’ailleurs amené Gabriel Boric, âgé de 35 ans, à déplorer la « campagne sale » du candidat d’extrême droite ponctuée de nombreuses fausses informations qui n’ont pas résisté au travail de vérification réalisé par différents journalistes.

Lors d’un débat précédent, Kast, un avocat de 55 ans qui a décroché quatre mandats de député, avait déjà sévi en évoquant une plainte pour agression déposée par une jeune femme contre Boric, avant de s’excuser le lendemain pour le terme employé et d’indiquer qu’il voulait en fait parler d’une affaire d’harcèlement. La victime avait ensuite précisé avoir reçu des excuses de la part de Boric pour des « attitudes machistes » tout en déplorant la récupération politique faite par son adversaire.

Un défenseur de Pinochet

« Le candidat Kast a mené une campagne assez sale de disqualification, en s’en prenant plus à la personnalité de Boric qu’à son programme. C’est très nouveau pour le Chili », explique à France 24 Pamela Figueroa Rubio, politologue à l’université Santiago du Chili (USACH). Et ses partisans se sont chargés de partager ces attaques le plus possible pour tenter de décrédibiliser le candidat de la gauche, qui a tenté d’y répondre en faisant preuve de transparence. Il avait déjà agi ainsi en 2018, lorsqu’il était député, en avouant publiquement avoir fait un séjour dans un hôpital psychiatrique pour traiter des troubles obsessionnels compulsifs. Depuis, ses détracteurs aiment affirmer qu’il souffre de bipolarité.

À ces attaques ad hominem se sont ajoutées de nombreuses déclarations mensongères de la part de Kast qui a, par exemple, nié avoir dénoncé la « dictature gay » au Chili. Les médias n’ont pas eu beaucoup de mal à retrouver un tweet datant de 2017 dans lequel Kast, opposé au projet de légalisation du mariage gay, avait publié une photo du palais présidentiel de La Moneda illuminé avec les couleurs arc-en-ciel en rappelant alors que les institutions publiques appartenaient à tous les Chiliens et non aux minorités. Un mariage pour tous qui vient d’ailleurs d’être validé par le Parlement chilien.

Vainqueur du premier tour, Kast a enregistré le soutien des formations de centre-droit du pays. Et il a fait preuve de prudence au cours des dernières semaines pour tenter de séduire un électorat encore plus large, en gommant notamment certaines positions très conservatrices. Il est ainsi revenu ainsi sur son idée de supprimer le ministère de la femme et de la parité des genres, une promesse de campagne qu’il qualifie désormais « d’erreur ».

Il a également évité d’évoquer Augusto Pinochet, un homme dont il a souvent défendu le bilan économique. En 2017, alors qu’il se présentait pour la première fois à la présidentielle, il avait d’ailleurs estimé que si l’ancien dictateur, décédé dix ans plus tôt, aurait voté pour lui.

Le soutien de Michelle Bachelet

Les différentes confrontations organisées ces quatre dernières semaines ont tout de même permis aux deux hommes de parler de leurs idées, notamment en matière d’économie, où la vision d’une plus grande implication de l’État dans certains secteurs défendue par Boric se heurte aux thèses libérales de Kast. « Cette élection présidentielle marque une transition vers un nouveau cycle politique car le président élu va devoir accompagner l’Assemblée constituante et le processus de rédaction d’une nouvelle Constitution », ajoute Pamela Figueroa Rubio.

À cet égard, le progressiste Gabriel Boric semble le mieux placé. Pour parvenir à gagner ce deuxième tour, il a joué la carte du rassemblement, en recueillant des soutiens politiques de poids. L’ancienne présidente chilienne Michelle Bachelet a ainsi appelé à voter pour lui. En tant que dirigeant syndical étudiant, Boric n’avait pourtant pas ménagé ses critiques au début des années 2 000 contre la coalition de centre-gauche au pouvoir.

« Ce soutien peut avoir un impact important pour celles et ceux qui doutent de la capacité de Boris à gouverner », estime Pamela Figueroa Rubio, en soulignant la popularité dont jouit toujours Bachelet après deux mandats présidentiels.

De nombreux membres de la scène culturelle ou intellectuelle chilienne se sont également engagées dans cette campagne pour inciter les nombreux abstentionnistes du premier tour à voter dimanche et à faire le choix de Gabriel Boric. Une mobilisation qui  peut s’avérer cruciale tant l’incertitude règne quant au nom du gagnant de cette élection.

Un soutien international pour Boric

Différentes personnalités comme les acteurs Gael Garcia Bernal et Danny Glover, le philosophe Slavoj Zizek ou le musicien Roger Waters ont appelé à voter pour Boric. En France, une « déclaration d’amitié au peuple chilien » a notamment recueilli les signatures de personnalités influentes du monde de la culture ainsi que celles de quatre candidats à la présidentielle : Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel, Anne Hidalgo et Yannick Jadot.


Et 3 jours avant le scrutin, la veuve du dictateur Augusto Pinochet meurt impunie dans son lit !

Lucía Hiriart, une figure de la dictature

Née en 1922, elle rencontre Augusto Pinochet en 1942 et l’épouse en 1943, malgré l’opposition de ses parents, rappelle La Tercera : ils « estimaient que Pinochet, un militaire de la classe moyenne, n’était pas « au niveau » de Lucía ». El Día estime qu’elle fut « une des personnes à l’origine du coup d’État du 11 septembre 1973, elle fut aussi déterminante dans la prise par Pinochet du commandement en chef de l’armée ».

Lucía Hiriart, commence ensuite à apparaître dans les médias « pour mettre en valeur son mari ». « Ses paroles étaient très polémiques, et dénoncées par l’opposition », souligne La TerceraEl Día en reproduit quelques-unes, entre autres « si j’étais cheffe du gouvernement, je serais beaucoup plus dure que mon mari ». Le journal rappelle que, depuis des années, elle était mise en cause dans plusieurs dossiers : entre autres celui la fondation CEMA Chile, qu’elle a présidée pendant plus de 40 ans, finalement mise en cause, rappelle La Tercera, pour les nombreux millions reçus grâce à la vente de propriété que l’État lui avait donné gratuitement.

Des réactions politiques contrastées

Lucía Hiriart « a été sans aucun doute une des personnes les plus importantes du 20ᵉ siècle pour le Chili », selon l’UDI, parti conservateur allié de Pinochet pendant la dictature. Au contraire, pour le Parti socialiste, sa mort « nous ramène à l’époque la plus sombre de notre pays, et ravive la douleur de toutes les victimes de la dictature de Pinochet ». Ces deux réactions sont à lire dans La Tercera, où le candidat socialiste Gabriel Boric estime qu’elle « est morte en toute impunité, malgré la profonde douleur et division qu’elle a causées à notre pays ». Antonio Kast, le candidat d’extrême droite, qui, rappelle le journal, « est un ardent défenseur du régime militaire et de son héritage », a annoncé qu’il n’irait pas aux funérailles de l’ex-Première dame : « Je ne veux pas les politiser ». Des funérailles qui seront de toute façon privée, et « aucune cérémonie publique n’est prévue », écrit Emol.


Parmi les réactions : celle de la Compagnie de théâtre de rue chilienne,La Patogallina …

« Ne l’oublions pas :
Morte chez elle en totale IMPUNITÉ…
Après avoir été la voix pleine de poison et de sang dans l’oreille du tyran, après s’être enrichie aux dépens de l’État, s’approprier des biens publics et échapper aux impôts…
Morte chez elle en totale IMPUNITÉ sans avoir affronté la justice alors que d’autres sont morts dans des centres de torture après avoir été arrêtés à minuit et éloignés de leur famille..
Elle est morte avec les siens alors que de nombreuses mères, filles et sœurs l’ont fait sans savoir où se trouvaient leurs proches..
Noyée par les feux d’artifice et les toasts de célébration, la symphonie de l’IMPUNITÉ continue de sonner dans ce pays, ne l’oublions pas !!!!!! »

En savoir plus sur La Patogallina via son site internet …