La vidéosurveillance est devenue presque banale aujourd’hui et fait partie du quotidien des Français. Dans les rues, à l’entrée des agglomérations, et même à l’intérieur des smartphones, les caméras sont partout et le phénomène est global. La promesse d’une vie plus sûre et plus confortable a empêché une grande partie des Français de remettre en question ce système susceptible de supprimer les libertés individuelles et collectives … En interrogeant des installateurs, des gendarmes, des policiers municipaux, des élus, des sociologues, des citoyens concernés ainsi que des voix critiques ce documentaire décrit ces nouveaux comportements individuels et collectifs pour répondre à ces questions : que nous disent les nouveaux usages de notre rapport aux libertés individuelles ? Quelle société sommes-nous en train de fabriquer ? Un extrait vidéo de 1’37″…
Le reportage intégral de 70′ réalisé par Olivier Lamour, diffusé par France 5 le 05.01.21 . Disponible en ligne ci dessous jusqu’au 04.02.21 …
« Fliquez-vous les uns les autres », sur France 5 : la vidéosurveillance, une étrange passion française
Décriés dans les années 2000, banalisés aujourd’hui, les systèmes de surveillance dans l’espace public français font l’objet d’une enquête signée Michel Henry et Olivier Lamour.

Il y a une vingtaine d’années, leur installation faisait polémique. Désormais, il semble que la population en redemande. Que s’est-il passé pour que la présence de plus en plus massive de systèmes de vidéosurveillance soit devenue aussi banale ? Les installateurs, qui surfent sur un commerce juteux avec un marché estimé à 2 milliards d’euros par an, préfèrent de leur côté parler de vidéoprotection, moins anxiogène. Quel que soit le choix sémantique, le résultat est là : tout le monde, ou presque, voudrait des caméras dans l’espace public.
Auteurs de cette enquête, Michel Henry et Olivier Lamour dressent le tableau d’une France convertie, semble-t-il, aux joies de la vidéosurveillance, que ce soit dans des grandes villes ou dans des petits villages. Ces systèmes sont-ils vraiment efficaces pour lutter contre la délinquance ? Qui scrute les images récoltées ? Leur coût est-il maîtrisé ? Qui a vraiment intérêt à truffer le territoire de caméras de plus en plus perfectionnées ? Et l’étape suivante, préparée avec soin par des entreprises souvent liées au complexe militaro-industriel, sera-t-elle faite, outre la surveillance par drone déjà utilisée, de reconnaissance faciale, méthode encore officiellement interdite par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans l’espace public français ?
A toutes ces questions, fondamentales pour comprendre notamment ce qui différencie une démocratie d’un pays à régime autoritaire, les auteurs tentent, avec l’aide de précieux témoins, de répondre. De Nice, que l’on peut considérer comme la capitale française de la vidéosurveillance, aux villages de Trumilly (Oise, 528 habitants) ou de Blandy-les-Tours (Seine-et-Marne, 739 habitants), truffés de caméras, on écoute avec intérêt les arguments des adeptes et des opposants.
Paranoïa et vérités dérangeantes
Des allées du salon professionnel Milipol – où les dernières innovations en matière de sécurité sont présentées – à l’impressionnant centre de supervision urbain (CSU) de Nice, où 120 agents installés dans six salles scrutent en permanence les écrans de surveillance, on pénètre dans un univers mêlant technologie de pointe, gros sous, paranoïa et vérités dérangeantes. Comme le fait que les caméras du CSU servent visiblement plus à verbaliser les automobilistes mal garés qu’à décourager les délinquants…
Face aux communes de plus en plus nombreuses prêtes à payer – et à bénéficier de généreuses subventions – pour installer des caméras dans l’espace public, on trouve quelques contre-exemples. Comme Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), qui a fait le choix de développer des maisons de quartier et d’engager des médiateurs sans utiliser de vidéosurveillance. Résultat : aussi peu, voire moins, de délinquance que dans la commune voisine de Levallois, largement dotée en caméras.
Chaque installation de caméra de surveillance doit être précédée d’une demande en préfecture. Et pourtant, personne n’est capable de connaître leur nombre précis en fonction ! Reste la question essentielle : notre soif de sécurité menace-t-elle nos libertés ? « Jusqu’aux années 1990, lorsque vous interrogiez les maires, ils vous répondaient : la sécurité, c’est l’affaire de l’Etat. Depuis, certains élus ont voulu faire carrière sur ce thème », souligne Laurent Mucchielli, sociologue et spécialiste des questions sécuritaires. La caméra de surveillance, outil efficace pour se faire élire ?