Gaël Faye met en musique un poème de Christiane Taubira …

Musicien et auteur de « Petit Pays » – Goncourt des lycéens en 2016 – Gaël Faye sort ce 6 novembre « Lundi méchant ». Un nouvel album où rayonne « Seuls et vaincus », un texte puissant signé Christiane Taubira. L’ancienne ministre y fustige les xénophobes de tous crins , leur signifiant qu’ils ont perdu un combat d’arrière garde. « Vous finirez seuls et vaincus (vous qui) devisant et divisant (…) créez un monde en noir et blanc » …

« Vous finirez seuls et vaincus, sourds aux palpitations du monde
A ses hoquets, ses hauts ses bas, ses haussements d’épaules veules
Au recensement des ossements qui tapissent le fond des eaux

Vous finirez seuls et vaincus, aveugles aux débris tenaces
De ces vies qui têtues s’enlacent, de ces amours qui ne se lassent
Même lacérées de se hisser à la cime des songeries

Vous finirez seuls et vaincus, grands éructants rudimentaires
Insouciants face à nos errances sur la rude écale de la Terre
Indifférents aux pulsations qui lâchent laissent à l’espérance

Vous finirez seuls et vaincus car longue longue est la mémoire
Des pieds des peaux des au-revoir, et de ces temps itinérants
Où devisant et divisant, vous créez un monde en noir et blanc

Vous finirez seuls et vaincus, vos cris vos cors et vos crédos
Autorité en toc et broc ne sauront vous sauver de rien
L’éclat de nos vies entêtées éblouira vos en-dedans

Et vos enfants joyeux et vifs feront rondes et farandoles
Avec nos enfants et leurs chants, et s’aimant sans y prendre garde
Vous puniront en vous offrant des petits-enfants chatoyants

Vous finirez seuls et vaincus car invincible est notre ardeur
Et si ardent notre présent, incandescent notre avenir
Grâce à la tendresse qui survit à ce passé simple et composé

[ Melissa Laveaux]
While you’re holding on to your bones
Holding on to what you know
We won’t make the same mistakes
Stakes are high we claim our fates
While you’re holding on to your bones (seuls)
Holding on to what you know
We won’t make the same mistakes (seuls)
Stakes are high we claim our fates (vaincus)
While you’re holding on to your bones (seuls)
Holding on to what you know (vaincus)
We won’t make the same mistakes (seuls)
Stakes are high we claim our fates
Vous finirez seuls et vaincus »


« Seuls et vaincus » a été écrit par Christiane Taubira lorsqu’elle a quitté ses fonctions de ministre …

Un article de Claire Pian paru dans Le Huffingtonpost du 6.11.2020

 

Quand engagement et littérature rapprochent. 7 ans après la sortie de “Pili Pili sur un croissant au beurre”, Gaël Faye revient ce vendredi 6 novembre avec un nouvel album “Lundi méchant”.

Moins engagé que le précédent, le rappeur et écrivain affirme avoir travaillé davantage sur les sonorités, avant de mettre en mots le texte : ”Être allé m’installer à Kigali m’a permis de ne plus m’envisager comme un écrivain de l’exil. J’ai abordé cet album surtout par la musique et pas par les textes” explique-t-il au HuffPost, dans une interview vidéo à découvrir en tête de cet article. 

Sans pour autant négliger les influences africaines qui caractérisent sa musique, des titres comme “Respire”, “Chalouper” ou “Boomer” laissent entendre des sonorités plus électroniques, grisantes et cadencées, sur des thématiques légères. Le titre de l’album se réfère d’ailleurs à un concept venu du Burundi, désignant ce lundi soir où les gens sortent, comme pour affirmer qu’ils n’ont pas besoin d’attendre le week-end pour s’amuser. Un symbole de liberté et d’insoumission.

L’album inclut plusieurs collaborations avec des artistes étrangers tels que la chanteuse canado-haïtienne Mélissa Laveaux ou l’Anglais Jacob Blake. Sur “NYC”, Gaël Faye raconte une journée passée avec le chanteur américain  et militant pour les droits civiques Harry Bellafonte: “J’avais besoin aussi de m’entourer de gens qui n’ont pas un optimisme béat et naïf”.

Et puis l’on découvre “Seuls et vaincus”, morceau qu’il débite comme un slam, et qui est en fait un poème que lui a confié l’ex-Garde des Sceaux Christiane Taubira.

Son amitié avec Christiane Taubira

Gaël Faye rencontre Christiane Taubira avant la prise de ses fonctions au ministère de la Justice en 2012: ”Elle venait aux commémorations du génocide des Tutsis au Rwanda. Elle avait ensuite été attaquée suite à sa proposition de loi sur le mariage pour tous, et j’avais fait partie des artistes qui l’avaient soutenu”.

Mais son admiration pour l’ancienne militante indépendantiste guyanaise est plus ancienne encore. En 2001, Gaël Faye a 19 ans, et elle fait voter la loi sur la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité: ”Dans ma chambre d’ado, j’avais un poster de Christiane Taubira”.

Connaissant son amour pour la littérature, le rappeur lui propose de mettre l’un de ses poèmes en musique lorsqu’elle quitte ses fonctions de Garde des Sceaux en 2016. Christiane Taubira lui envoie alors “Seuls et vaincus”.

“Il m’a bouleversé parce qu’elle avait dû l’écrire dans le contexte des attaques racistes qu’elle avait subi. Et c’est peut-être la plus belle réponse qu’elle peut faire aux intolérants. Dans ce poème, l’ex-ministre de la Justice témoigne de sa foi envers les générations futures pour combattre intolérance et racisme”, assure-t-il.

Suite à des heures de débats enflammés et passionnés, une amitié s’est nouée entre les deux: ”C’est vraiment quelqu’un que je respecte pour ses combats. C’est une femme politique qui redonne sa noblesse à l’exercice de la politique. Elle amène un souffle qui élève le citoyen”.

Claire Pian


Sur le plateau de TV5 Monde …


Gaël Faye – Le Making Off de l’album « Lundi Méchant »

Gaël Faye – Le Clip Officiel de « Comme un Lundi Méchant »

Gaël Faye : « Faisons en sorte d’être lumineux pour éclairer l’obscurantisme de la société  »

Musicien et écrivain à succès, l’auteur franco-rwandais de « Petit Pays » – Goncourt des lycéen en 2016 – éclaire pour nous son parcours atypique. « Lundi méchant », son dernier album, sort le 6 novembre.

Gaël Faye, à Paris en mars 2018. (Patrick Fouque / Photo12 via AFP)
Gaël Faye, à Paris en mars 2018. (Patrick Fouque / Photo12 via AFP)

Dans une petite artère qui mène à la place de Clichy, il arrive pour un déjeuner japonais. Gaël Faye a vendu plus d’un million de son premier roman « Petit Pays » rien qu’en France. Le livre a été traduit en quarante langues et porté à l’écran récemment. C’est, jusque-là, le point culminant de la carrière du Franco-Rwandais de 38 ans. Une carrière faite de mots, de musiques et de scène surtout. Il vient pour nous parler de son nouvel album, « Lundi méchant ». On est à peu près tous d’accord pour considérer que le lundi est, en effet, méchant, sauf certains Burundais qui, pour conjurer l’angoisse, sortent danser toute la nuit du lundi au mardi.

L’album, mi-acoustique mi-électronique, est traversé par des sentiments divers que nous bombarde, avec une certaine douceur, la voix du rappeur. Il parle d’amour et d’espoir autant que de crise et de violence. Le texte de Christiane Taubira, « Seuls et vaincus », mis en musique par Gaël Faye fera date dans la chanson française. Il y est dit que ce que nous avons en nous de lumineux triomphera toujours et on aimerait la croire. Et on la croit quand le disque s’achève sur « Kwibuka », l’histoire d’un petit pays qui s’est remis du génocide. Sans l’oublier. Gaël Faye nous parle de tout cela.