Un ministère désappointé souffle ses 60 bougies…

Le Palais-Royal, où se trouvent les bureaux et les salons d'honneur du ministère de la Culture.
Le Palais-Royal, où se trouvent les bureaux et les salons d’honneur du ministère de la Culture. (Jebulon)

Le ministère de la Culture est né le 22 juillet 1959. Retour sur 60 ans d’une histoire très riche.

Franck Riester est le grand ordonnateur des manifestations organisées à partir du 24 juillet à l’occasion du 60e anniversaire du ministère de la Culture dont il a la charge. Un ministère qui a connu des jours meilleurs.

C’est en 1959 que Charles de Gaulle confie à André Malraux, la création d’un ministère de la Culture, avec rang de ministre d’État. D’entrée, celui-ci porte son attention sur le patrimoine – en instaurant notamment les « secteurs sauvegardés » – et se donne comme mission « de rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité ».

Il a de quoi s’inspirer. L’intervention de l’État en faveur des artistes est une tradition qui remonte à l’Ancien régime. Qu’aurait été Molière sans la bienveillance de Louis XIV ? C’est toutefois le gouvernement du Front populaire qui a mis en exergue la notion, justement, de culture populaire. Puis, sous la IVe République, Jeanne Laurent, qui n’était pourtant que sous-directrice du théâtre et de la musique, dépendant du ministère de l’Éducation nationale, a beaucoup fait pour la décentralisation culturelle. En s’appuyant sur une brochette de pionniers, à l’instar de Roger Planchon et des comédiens de sa compagnie, qui s’étaient transformés en maçons pour installer ce qui deviendra le TNP de Villeurbanne, de Jean Vilar, qui s’est appuyé sur la popularité de Gérard Philippe pour faire de la Cour d’honneur du Palais des Papes le légendaire creuset du Festival d’Avignon, ou encore de Pierre Debauche, qui hypothéquera sa maison pour construire le théâtre des Amandiers, en lieu et place du chapiteau qu’il avait planté à Nanterre.

Inévitable bureaucratie

Rien à voir avec leurs successeurs qui se comportent davantage en petits marquis courtisans pour être installés à la tête des principaux établissements. Car le ministère de Malraux n’a pas tardé à installer sa bureaucratie, conformément à l’inévitable réflexe de l’administration française. Ce qui se traduit notamment par l’incapacité à se remettre en cause. En 1972, Michel Guy crée ainsi le Festival d’Automne pour redonner à Paris sa réputation de berceau de la création et de l’innovation. A-t-il tenu ses objectifs ? Qu’importe : il existe toujours.

En 1971, Jacques Duhamel, nouveau titulaire du portefeuille, tente bien de décloisonner en créant un Conseil de développement culturel. En 1978, Jean-Philippe Lecas voit la communication ajoutée à son portefeuille. Mais il faut attendre 1981 pour que le ministère de la Culture connaisse un nouvel élan, jusqu’alors sans pareil.

Jack Lang, forcément

Jack Lang s’impose en effet comme un des symboles du retour de la gauche au pouvoir. Peu avare de louanges, il fait de François Mitterrand son protecteur. Et obtient un doublement de son budget. Il place surtout la création et les créateurs au centre de son action. Et il sait s’entourer de fortes personnalités, comme Maurice Fleuret, le critique, qui lui soufflera l’idée de la Fête de la musique, ou comme l’universitaire Robert Abirached, spécialiste du théâtre.
La plupart de ses initiatives – qu’il s’agisse du prix unique du livre, du renforcement des droits d’auteur, du financement du cinéma, de la création des Fonds régionaux d’art contemporain (Frac), etc. – sont encore d’actualité. Il sera aussi l’omniprésent organisateur des « Grands Travaux » voulus par François Mitterrand (tous à Paris, comme par hasard) : Opéra Bastille, Parc de la Villette, Grand Louvre, Bibliothèque François Mitterrand, etc. Au grand dam de ceux qui se sont ensuite installés rue de Valois, Jack Lang reste encore pour les Français « Le » ministre de la Culture par excellence. Le ministère lui-même ne cessant de perdre de son influence.

Un déclin manifeste

Incapable de se renouveler, par exemple en œuvrant à renforcer le prestige culturel de la France dans le monde, il a vu les collectivités territoriales se substituer à lui pour l’essentiel du financement des activités culturelles.

Il se voit aujourd’hui infliger de nouvelles coupes budgétaires. Quant au « pass culture », seule apparente nouveauté, il tarde à être mis en place et dépend davantage de la bonne volonté des producteurs et des diffuseurs que de la contribution du ministère. C’est donc un ministère bien désappointé qui souffle ses 60 bougies…

© Le Télégramme


1959- 2009 les 50 ans du ministère de la Culture

Une video de 04min 23s à visionner en ligne par ici

Rétrospective à base d’images d’archives INA sur les 50 ans du Ministère de la Culture et de la Communication. Un large choix d’extraits d’actualité (inaugurations de musées, d’expositions, festival de Cannes, fête de la musique, personnalités politiques, littéraires, artistes…), de spectacles et du cinéma, d’émissions phares de la télévision (« Apostrophes », « Cinq colonnes à la une »…) permet de balayer cette période riche en évènements culturels.