Le président argentin Milei s’en prend à la pop star Lali Esposito …

En Argentine, le nouveau président Javier Milei a engagé une croisade contre ce qu’il appelle le « marxisme culturel ». Le président ultralibéral argentin se voit comme le fer de lance d’une bataille culturelle contre le féminisme, l’écologisme et l’anti-racisme. Il  s’en prend notamment à Lali Esposito, une actrice et chanteuse de 32 ans très populaire en Amérique latine …

Argentine : la croisade de Javier Milei contre le «marxisme culturel»

Le président Javier Milei a participé samedi 24 février 2024 à la CPAC, la Convention des conservateurs américains à Washington.
Le président Javier Milei a participé samedi 24 février 2024 à la CPAC, la Convention des conservateurs américains à Washington. Getty Images via AFP – ANNA MONEYMAKER

Pour Javier Milei, cette pensée unique est portée par des organisations comme le forum de São Paolo, qui réunit les partis politiques de gauches latino-américains ou encore par les Nations unies au travers de l’Agenda 2030, qui pose des objectifs de développement en matière de réduction de la pauvreté, d’égalité entre les sexes ou encore de lutte contre le changement climatique.

Donald Trump : « Make Argentina great again ! »

Le président argentin pense que ces valeurs sont à l’origine de la décadence de son pays et de l’Occident, et entend les combattre au nom du libéralisme et du capitalisme, qui sont selon lui des idéologies « moralement supérieures ». C’est ce qu’il a expliqué au forum économique de Davos en janvier, et c’est ce qu’il a répété encore hier, samedi, à Washington lors de la CPAC, la Convention des conservateurs américains à Washington, à laquelle il assiste. L’ex-président américain a d’ailleurs échangé une longue accolade avec Javier Milei lors de cette convention.

Une « bataille culturelle » qui le pousse aussi à s’attaquer à des figures de la culture populaire

La semaine dernière le président argentin s’en est pris à Lali Esposito, une actrice et chanteuse de 32 ans très populaire en Amérique latine en l’accusant « d’affamer des enfants » à cause de ses concerts subventionnés par des fonds publics.

Ces attaques contre l’artiste connue pour ses positions féministes et progressistes ont provoqué une levée de bouclier en Argentine, preuve selon Javier Milei que les socialistes ont infiltré le monde de la culture, des médias et des universités, et que la bataille culturelle est plus nécessaire que jamais.

Cet acharnement contre Lali Esposito n’est pas sans rappeler celui dirigé contre la chanteuse américaine Taylor Swift par Donald Trump. Les fans argentines de la chanteuse américaine avaient profité de sa venue à Buenos Aires pour des concerts en novembre dernier, pour faire rappeler les prises de position ultralibérales de Javier Milei.

Un risque politique calculé ?

S’il prend des risques, ce sont des risques calculés, car avec ces polémiques, le président argentin occupe l’espace médiatique, et évite qu’on parle d’autre chose, comme par exemple des prix qui ont bondi de 50 % en deux mois ou des 3 millions et demi d’Argentins qui sont tombés dans la pauvreté depuis son élection.
Lorsque ce chiffre, qui est une estimation de l’Université catholique argentine, est sorti la semaine dernière, tout le monde ne parlait que des attaques de Javier Milei contre Lali Esposito. Pour Javier Milei, cette polémique, tout comme celle provoquée par la fermeture de l’Institut national contre les discriminations, fonctionnent aussi des contre-feux pour détourner l’attention médiatique d’une situation sociale de plus en plus critique.

Polémique. Lali Esposito, la pop star argentine devenue la “bête noire” du président Milei

La chanteuse argentine Lali Esposito se produit à la marche des fiertés LGBT à Buenos Aires, le 5 novembre 2022.
Le président ultralibéral argentin, Javier Milei, mène sur les réseaux sociaux une campagne virulente contre cette chanteuse et actrice très populaire, qui avait pris position contre lui. Un comportement qui rappelle celui de Donald Trump à l’égard de Taylor Swift. Publié dans Le Courrier international du 21 février 2024


En décembre quand Milei a été élu, Lali Esposito, qui est suivie par des millions de fans a posté ce message : « Quel danger. Quelle tristesse ! ». Et là, il a vu rouge, ce qui est vraiment un comble pour ce chevalier du libéralisme ! Dont le slogan de campagne était d’ailleurs : « vive la liberté, bordel ».

Pas toutes les libertés en tous cas, notamment celle de penser différemment, puisque depuis il s’en prend furieusement à elle. Mi-février, elle est ainsi désignée comme « un parasite qui vit en suçant le sein de l’Etat ». Et qui profite d’un argent public qu’on pourrait donner aux enfants pauvres ! Des photomontages réalisés avec l’intelligence artificielle ont montré Lali avec un sac plein de dollars fuyant des enfants affamés ! No Limit. Comme elle a joué dans un grand festival, financé en partie par l’Etat via la Région, elle est donc un parasite ! Et même un dépotoir ! Même les journalistes qui interviewaient le président argentin à la Casa Rosada, le siège du pouvoir exécutif, ont mis un temps à capter : Lali Esposito devient Lali Deposito, Lali le dépotoir …

Depuis les associations, artistes, célébrités, et même des membres du parti au pouvoir sont montés au créneau contre ces attaques asymétriques. Et dans une longue lettre postée sur Instagram il y a une semaine, likée plus de 2 millions de fois, Lali rappelle qu’à 32 ans elle travaille depuis 20 ans, d’abord comme actrice puis depuis 10 ans chanteuse, et productrice, avec un succès qui aujourd’hui finance aussi l’économie !

La meilleure répartie est venue de son petit ami adressant un message au président Milei : « je te comprends mon frère, moi aussi je suis obsédé par Lali ! » Les adversaires les plus redoutables de Milei, Trump, ou encore Erdogan en Turquie, sont devenues les popstars !


Argentine: le gouvernement Milei en croisade contre le langage inclusif

Argentine: le gouvernement Milei en croisade contre le langage inclusifGetty Images via AFP

Le gouvernement argentin du président ultralibéral Javier Milei est parti en croisade contre le langage inclusif, interdisant son usage dans l’armée, où il n’était pourtant pas une directive, et annonçant son intention de le bannir aussi dans l’administration nationale.

«Sur décision du président, des démarches vont débuter pour interdire le langage inclusif et la perspective de genre dans toute l’administration publique nationale», a déclaré mardi le porte-parole de la présidence, Manuel Adorni.

«Il ne sera pas possible d’utiliser la lettre e, le @, le x (utilisés en espagnol pour éviter des indications de genre, NDLR) et l’utilisation inutile du féminin sera évitée dans tous les documents» de l’administration publique, a-t-il poursuivi.

«La langue couvrant tous les secteurs, c’est le castillan, l’espagnol», a-t-il insisté, ajoutant que le gouvernement «ne va pas entrer dans un débat là-dessus, parce qu’on considère que les perspectives de genre ont aussi été utilisées comme un fonds de commerce politique».

L’usage du langage inclusif dans l’administration était discrétionnaire sous le gouvernement péroniste (centre-gauche) précédent, mais nombre d’entités et institutions publiaient des «recommandations» ou «guide d’usage».

Le porte-parole présidentiel s’exprimait au lendemain de l’annonce par le ministère de la Défense de l’interdiction désormais, sous peine de sanction, de l’usage du langage inclusif «dans le cadre du ministère de la Défense, des forces armées et organismes décentralisés du ministère».

«L’objectif est d’éliminer des formes incorrectes de langage, qui peuvent générer une interprétation erronée de ce qui est souhaité, affectant l’exécution des ordres et le déroulement des opérations militaires», justifiait le ministère.

Langage inclusif et féminisation des grades ne faisaient auparavant pas l’objet de directives expresses dans l’armée, mais un document ministériel de 2020 s’engageait à «accompagner les changements culturels dans les relations de genre (…) forgées au fil des années de l’engagement (militaire) des femmes».

Le même document appelait aussi à «discerner les bonnes pratiques» et contextes, et ne pas «imposer» une dénomination, relevant que «les jeunes femmes officiers, dans leur désir d’intégration, en général ne sont pas d’accord avec la féminisation des grades et des charges».

Le «libertarien» et «anarcho-capitaliste» Javier Milei, comme il se décrit, n’a jamais fait mystère de son opposition au langage inclusif, qu’au même titre que «l’idéologie de genre» il a par le passé accusé de «saper les valeurs de la société».

Et s’il dit reconnaître toute liberté d’employer ce langage, il estime que lorsqu’il est diffusé ou imposé dans un contexte d’État, il confine à «l’endoctrinement», composante selon lui d’un «marxisme culturel».