« El Conde » : le cinéaste Pablo Larraín transforme Pinochet en vampire …

Après des biopics controversés de Jackie Kennedy (« Jackie « ) ou de Lady Di ( » Spencer »), le réalisateur chilien Pablo Larrain se penche de nouveau sur son pays. Dans « El Conde »,  il fait du dictateur Augusto Pinochet un vampire assoiffé de sang. Le film, mélange de farce et de satire, est actuellement en lice pour le Lion d’or à la Mostra de Venise avant de sortir sur les écrans le 15 septembre  …
La bande-annonce officielle de « El Conde », durée 2’07 »

Mostra de Venise : Augusto Pinochet transformé en vampire dans « El Conde » de Pablo Larrain

"El Conde", le nouveau film du réalisateur chilien Pablo Larrain, présente le dictateur Augusto Pinochet sous les traits d'un vampire. (Pablo Larrain / Netflix)

Le dictateur chilien Augusto Pinochet et la Première ministre britannique Margaret Thatcher renaissent sous la forme de vampires assoiffés de sang dans une satire mordante du réalisateur chilien Pablo Larrain, présentée en compétition jeudi au festival de Venise. Dans El Conde (« Le comte ») , Augusto Pinochet, qui a dirigé d’une main de fer le Chili jusqu’en 1990 après avoir renversé le président socialiste Salvador Allende en 1973, est décrit comme un vampire qui se nourrit du cœur de ses victimes passé au mixeur.

Margaret Thatcher, vampire et voix off

La voix off du film racontant le parcours du dictateur, de ses origines à ses démêlés avec sa famille, est celle de Margaret Thatcher, la « dame de fer » britannique au pouvoir de 1979 à 1990, qui apparaît dans la dernière partie du film, elle aussi en vampire.

« Il y a eu tout un processus pour trouver le meilleur moyen de présenter cet homme. Il n’avait jamais fait l’objet d’un portrait auparavant, que ce soit au cinéma ou à la télévision », a expliqué lors de sa conférence de presse Pablo Larrain, encensé pour ses biopics de Jackie Kennedy (Jackie avec Natalie Portman) et de la princesse Diana (Spencer avec Kristen Stewart).« Un mélange de farce et de satire (…) était probablement la seule solution. En évitant la satire, le risque était de tomber dans une forme d’empathie, et cela n’était pas acceptable », a-t-il ajouté.

Interrogé sur son choix de présenter Pinochet sous les traits d’un vampire, il s’est justifié en soulignant que le dictateur « n’a jamais vraiment été confronté à la justice ». « Il a vécu et il est mort en liberté, tout en étant riche. Cette impunité l’a rendu infernal », a-t-il ajouté.

Sous son régime, des milliers d’opposants ont été exécutés, d’autres ont été emprisonnés et torturés, parallèlement à une vaste campagne de corruption. Soutenu implicitement par les Etats-Unis, qui le considéraient comme un rempart contre le communisme en Amérique du Sud, il fut aussi un allié de Margaret Thatcher contre l’Argentine lors de la guerre des Malouines dans les années 80. « C’est formidable que Netflix ait financé un film audacieux et unique comme celui-ci », a-t-il affirmé, alors que la plateforme fait l’objet de critiques de la part des partisans de la grève historique des acteurs et scénaristes en cours à Hollywood.


Festival de Venise 2023 : « El Conde », brûlot politique contre les profiteurs, signé Pablo Larrain

Un article signé Olivier Bachelard dans Abusdeciné.com du 1er septembre 2023
Festival de Venise 2023 impression 01
© Netflix

EL CONDE de Pablo Larrain
avec Jaime Vadell, Gloria Münchmeyer, Alfredo Castro, Paula Luchsinger…

Notre première impression sur le film :

En faisant de Pinochet, un vampire de 250 ans, doté de la vie éternelle, Pablo Larrain inscrit la transmission des pratiques d’utilisation ou de détournement du système par les puissants, au mépris des peuples, au cœur de son nouveau film. Habitué de long métrages souvent politiques (« El Club« , qui s’intéressait à la pédophilie dans l’église, « Neruda« , sur la persécution de l’auteur, devenu sénateur…), le voici qui vilipende les profiteurs en tous genres, à commencer par les 5 enfants du dictateur chilien, qui ont droit à un interrogatoire et une mise accusation en règle par un personnage de nonne exorciste, venu chasser le diable du corps du vieillard.

Dans un noir et blanc sublime, dont il exploite parfaitement les contrastes, l’auteur surprend, en imaginant l’histoire de Claude Pinoche, orphelin français devenu soldat découvrant le goût du sang et dédiant ses vies (il simule ses propres morts) à lutter contre les révolutions, se retrouvant ainsi vivant encore aujourd’hui. Accompagnant le tout d’une voix-off féminine, qui prendra un sens ironique sur la fin du métrage, il manie un humour pince sans rire à la perfection, considérant les différences de classes ou richesses et pointant l’absence de morale de dirigeants avant tout avides et avares, même avec leur propre progéniture.

Olivier Bachelard