Ces enseignes de mode textile qui piétinent et pillent notre planète …

La mode textile devient de plus en plus jetable, entraînant des dégâts tant sur l’environnement, sur les travailleurs et travailleuses du secteur que sur notre santé. Kombini News nous conduit  dans le désert d’Atacama au Chili, l’un des plus grands cimetières de fast fashion du monde.  Un spectacle désolant qui renforce notre rejet à Brest comme ailleurs des modèles d’hyperproduction, « toujours plus rapide, toujours moins cher » … 

Au Chili, dans le plus grand cimetière de fast fashion au monde

40 000 tonnes d’habits invendus ou jetés sont entreposés dans cette zone très pauvre d’Amérique latine. L’impact sur l’environnement est catastrophique et la santé des populations locales est menacée. Une vidéo de 12’57 » …


Fast Fashion : une mode condamnable ?

Un magazine diffusé par Arte le 12/02/2023 .

Pour en débattre, Nora Hamadi reçoit deux invitées aux positions divergentes. Dana Thomas, auteure et rédactrice en chef du développement durable pour le British Vogue. Elle est l’une des pionnières de la lutte contre la “mode rapide”. Face à elle, Jagoda Divic, consultante indépendante à la Chambre de commerce croate et membre d’Euratex, la confédération européenne de l’habillement et du textile. Elle défend les intérêts d’une industrie textile plus forte et compétitive en Europe. Le reportage nous emmènera en Suède, au sein d’une entreprise qui collecte des millions de vêtements pour en extraire un nouveau matériau, grâce à un procédé qui se veut révolutionnaire. Enfin, dans notre grand entretien, Nora Hamadi reçoit Frédéric Godart, chercheur et sociologue de la mode. Depuis près de vingt ans, il analyse les codes de la mode et du luxe sous toutes ses coutures.


Pourquoi la « fast fashion », cette mode sans limites, pollue massivement notre planète

Un article de Camille Da Silva paru dans Ouest-France du

Cette année, le textile était au cœur de la Semaine européenne de réduction des déchets. Et pour cause, l’industrie de la mode est l’une des plus polluantes au monde. Sur le banc des accusés, la fast fashion et son modèle d’hyperproduction, toujours plus rapide, toujours moins cher. À chaque étape de leur vie, nos vêtements ont un lourd impact sur la planète. Explications.

L’industrie de la mode émettrait 4 milliards de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, soit environ 8 % des émissions globales de gaz à effet de serre. C’est plus que les vols internationaux et le trafic maritime réunis.
L’industrie de la mode émettrait 4 milliards de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, soit environ 8 % des émissions globales de gaz à effet de serre. C’est plus que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. | ARCHIVES MARTIN ROCHE, OUEST FRANCE

Il est comme un phare en pleine mer au milieu du centre-ville rennais. Un magasin gigantesque, sur plusieurs étages, aux vitrines scintillantes, surmonté d’une enseigne lumineuse inratable : Zara. Les clients y défilent comme dans un moulin. Ça va, ça vient, des sacs estampillés pleins les bras.

À l’intérieur de celui d’Iliana, 21 ans, « un pantalon pour 30 € ». L’étudiante a fait de Zara un passe-temps, « j’y vais toutes les semaines, dès que j’ai une pause ». Ce qu’elle aime ? « Les habits tendances, aux prix globalement accessibles. » Cette fashionista ne dépense jamais beaucoup, « des petits paniers à chaque fois », mais qui, mis bout à bout, font une belle somme, reconnait-elle.

Lucie, 21 ans, a quant à elle craqué pour « une petite robe à 40 € ». Elle vient de temps à autre dans l’enseigne, « mais essaye d’arrêter », pour des raisons sociales et écologiques, comme elle tenterait de se défaire d’une addiction… « Ce n’est pas facile, avoue-t-elle, les réseaux sociaux poussent à la consommation. »

Vite acheté, vite jeté

Comme ces jeunes femmes, des milliers de Français achètent leurs habits dans les enseignes de ce qu’on appelle la « fast fashion ». Une mode rapide, fabriquée en quelques jours à l’autre bout du monde pour une bouchée de pain. Les nouveautés ne sont plus saisonnières mais journalières, éternels objets de désir. La qualité n’est plus un critère, on recherche ici les prix cassés, les pièces tendances, vite achetées, vite jetées. En tête de peloton de cette industrie du « toujours plus », les célèbres H & M, Primark ou encore Zara, dont le propriétaire est devenu l’un des hommes les plus riches du monde.

Mais ces mastodontes du textile sont rattrapés par des petits nouveaux, à l’appétit démesuré, qui veulent produire plus, plus vite, pour encore moins cher. À l’image de la marque chinoise de vente en ligne Shein, reine de l’« ultra fast fashion », devenue en quelques années le sixième vendeur de vêtements féminins en France. Derrière ce succès commercial, une recette draconienne : des coûts tirés au plus bas, des volumes tirés au plus haut. Et une stratégie militaire : des milliers de nouveautés par jour, à 10,60 € en moyenne, et une armée d’influenceuses pour en faire la promotion sur les réseaux sociaux.

Depuis le début des années 2000, et l’essor de la vente en ligne, ces modèles d’hyperconsommation se sont imposés dans le prêt-à-porter. 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde. Nous en achetons deux fois plus qu’il y a quinze ans et les conservons deux fois moins longtemps.

Depuis le début des années 2000, le modèle de la fast fashion, mode rapide et pas chère, s’est imposé. Nous achetons deux fois plus de vêtements qu’il y a quinze ans et les conservons deux fois moins longtemps. | ARCHIVES STÉPHANE MAHE, REUTERS

Des lavages très polluants

Mais ce paradigme a un coût. L’industrie de la mode est aujourd’hui l’une des plus polluantes. D’après l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, elle émettrait 4 milliards de tonnes de gaz à effet de serre chaque année à l’échelle de la planète, soit environ 8 % des émissions globales. C’est plus que les vols internationaux et le trafic maritime réunis.

À qui la faute ? On pense tout de suite au transport, nécessaire pour importer ces milliers d’habits principalement fabriqués en Asie. « Mais en réalité, ce n’est qu’une petite partie du problème, explique Nolwenn Touboulic, ingénieure en charge du textile pour l’Ademe. À chaque étape de sa vie, le vêtement a un impact environnemental. »

Inflation : avez-vous changé vos habitudes de consommation ?

Tout commence lors de la fabrication des matières premières. « Les fibres synthétiques, comme le polyester, sont produites à partir de pétrole, une ressource fossile non renouvelable. Le coton est quant à lui très consommateur de pesticides, qui polluent les sols. » Et cette culture est gourmande en eau : produire un simple tee-shirt représente l’équivalent de soixante-dix douches. « La filature, suivie du tricotage ou du tissage sont aussi des étapes impactantes, ces machines tournant parfois 24 heures sur 24 en consommant beaucoup d’énergie. »

En finir avec la surproduction

Plus surprenant, le lavage à la maison est l’un des nœuds du problème. « Composés en majorité de matières synthétiques, nos habits relâchent à chaque machine des microfibres plastiques, ainsi que des produits chimiques utilisés à l’étape de la teinture – produits fortement réglementés en Europe mais moins à l’étranger. » 20 % de la pollution des eaux dans le monde serait ainsi imputable à la teinture et au traitement des textiles, avec un lourd impact sur les écosystèmes aquatiques.

Pour boucler la boucle, plus d’achats veut aussi dire plus de déchets. La proportion d’habits recyclés ou remployés augmente, certes, mais les textiles dont on ne veut plus finissent encore majoritairement incinérés, enfouis ou exportés déraisonnablement vers des pays en développement.

Si rien ne change, en 2050, le secteur textile devrait émettre 26 % des émissions globales de gaz à effet de serre. « Tout l’enjeu est d’en finir avec la surconsommation et d’allonger au maximum la durée de vie de nos vêtements, pointe Nolwenn Touboulic. Derrière ces prix bas, c’est la planète qui paye. »


A  Brest, la « Fast Fashion » n’est pas la bienvenue !  « C’est encore moins cher à Emmaüs » :  elles suspendent une pancarte contre le Primark »

photo le jour de l’ouverture du primark à brest, charlotte et mélanie ont suspendu à leur fenêtre une pancarte pour alerter sur le modèle économique de la marque irlandaise Le jour de l’ouverture du Primark à Brest, Charlotte et Mélanie ont suspendu à leur fenêtre une pancarte pour alerter sur le modèle économique de la marque irlandaise © . Ouest-France

Les premiers clients du magasin Primark de Brest (Finistère) ont peut-être aperçu cette pancarte, suspendue en face du centre commercial Coat-ar-Gueven, mardi 21 février 2023. Les jeunes occupantes de l’appartement voulaient « envoyer un petit message aux consommateurs ».

À Brest, des messages chocs dans les poches des vêtements vendus chez Primark

Publié dans Le Télégramme du 22 février 2023

Avant d’être raccompagnés vers la sortie par les vigiles de Primark, les militants d’Extinction Rebellion affirment avoir eu le temps de déposer 500 messages comme celui-ci dans les poches des vêtemen
Avant d’être raccompagnés vers la sortie par les vigiles de Primark, les militants d’Extinction Rebellion affirment avoir eu le temps de déposer 500 messages comme celui-ci dans les poches des vêtements vendus en rayon. (Photo Extinction Rebellion)

Dans sa croisade contre l’enseigne Primark, le collectif Extinction Rebellion aurait, mardi, à Brest, déposé des messages chocs dans les poches des vêtements vendus en rayon.

Les activistes d’Extinction Rebellion Brest et de Youth for climate, mobilisés contre l’ouverture du magasin brestois Primark, mardi 21 février 2023, ont certes été reconduits à l’extérieur du magasin lors de l’inauguration mais auraient eu le temps de mener une action militante dans les rayons.

Un autre message déposé dans les poches des vêtements vendus en rayons.
Un autre message déposé dans les poches des vêtements vendus en rayons. (Photo Extinction Rebellion)


 

Le premier Primark de Bretagne ouvre ses portes à Brest, environ 400 personnes au rendez-vous

  Le magasin Primark, géant irlandais de la mode, a ouvert ses portes, ce mardi 21 février, dans le centre commercial Coat-ar-Gueven, à Brest (Finistère).Environ 400 personnes ont attendu le lever du rideau, à 9 h 30.

La direction du centre commercial avait tout prévu depuis des semaines. Le centre était ouvert dès 7 h, par l’entrée de l’étage, donnant sur la rue Coat-ar-Guéven. Cette rue était fermée à la circulation dès 7 h, entre la rue Conseil et la rue Malherbe. Une organisation qui devait permettre de former une file d’attente, en toute sécurité et avec un impact minimum sur la ville et le reste de la galerie.

Lors de l’ouverture de Primark, le 9 décembre, à Angers (Maine-et-Loire), 2 500 personnes avaient fait le pied de grue.

Primark ouvert à Brest : 500 messages contre la fast-fashion glissés dans des poches d’articles

L’action est signée Extinction Rebellion et Youth for Climate, et elle avait pour cadre l’ouverture du premier Primark de Bretagne, le 21 février, à Brest (Finistère). Ouverture qui n’a pas été l’événement annoncé, selon ces militants pour le climat, puisque seules 400 personnes étaient présentes environ, contre 2 500 à Angers, récemment.

Extinction Rebellion Brest et Youth for Climate ont déposé quelque 500 messages dans les poches des vêtements en rayon, à Primark.
Extinction Rebellion Brest et Youth for Climate ont déposé quelque 500 messages dans les poches des vêtements en rayon, à Primark. | EXTINCTION REBELLION

Comme près de 400 clients pressés de pénétrer dans le premier Primark de Bretagne, à Brest, le jour de son ouverture, Extinction Rebellion et Youth for Climate étaient également sur place, mardi 21 février 2023.

Près de 400 personnes attendaient le lever de rideau du premier magasin Primark de Bretagne, mardi 21 février 2023, à Brest. | OUEST-FRANCE

Pour dénoncer la fast-fashion, ou le renouvellement très régulier de collections textiles à bas coût, ces militants pour l’environnement revendiquent avoir déposé quelque 500 messages dans les poches des vêtements en rayon.

On pouvait y lire, par exemple, « Coton = 2,5 % des surfaces agricoles et 16 % des insecticides utilisés dans le monde », ou « En Europe, quatre millions de tonnes de textiles sont jetées chaque année ». Sur les étiquettes, un QR code renvoyait à « un manifeste complet contre la fast-fashion ».

« Il se pourrait que ce qui a marché ailleurs ne fonctionne pas à Brest »

« Certains militants ont été reconduits à l’entrée du magasin par les vigiles et l’important service de sécurité déployés pour l’« événement » », précise Extinction Rebellion, soulignant « en passant que cette ouverture n’a pas rassemblé la foule escomptée ».

Et de s’interroger : « Trop tôt pour le dire, mais il se pourrait bien que ce qui a marché à Angersils étaient 2 500 à l’ouverture le 9 décembre 2022ou à Toulouse ne fonctionne pas à Brest ».

Lire aussi : « C’est encore moins cher à Emmaüs » : à Brest, elles suspendent une pancarte contre le Primark

Parmi les arguments favorables à l’arrivée de Primark à Brest, la redynamisation de la galerie Coat-ar-Gueven est souvent évoquée. Mais pour ces militants, cela ne suffit pas à justifier « l’installation d’une enseigne qui piétine et pille notre planète ».


C’est quoi Primark, cette enseigne qui crée l’événement à Brest ?

Publié par Emmanuel Saussaye dans Le Télégramme du 20 février 2023

 

Un magasin Primark à Londres.
Un magasin Primark à Londres. (Archives Neil Hall / EPA)

En ouvrant son premier magasin breton à Brest, l’enseigne irlandaise de prêt-à-porter low-cost Primark crée l’événement à la pointe bretonne.

    • > Une enseigne irlandaise de « fast-fashion »

Créée en 1969 en Irlande, l’entreprise de textile prêt-à-porter Primark appartient au groupe Associated British Foods, qui détient notamment les marques Twinings, Ovomaltine… Elle s’est spécialisée dans le « fast fashion », comme Zara ou H & M. Il s’agit de sortir beaucoup plus de collections de vêtements à l’année que chez les marques de mode « traditionnelles » et, surtout, pour pas cher. Primark a « décollé » dans les années 2000 et a ouvert son premier magasin en France en 2013, à Marseille. Aujourd’hui, l’enseigne est présente dans plus de 20 villes françaises et elle arrive pour la première fois en Bretagne, à Brest (un autre magasin est prévu à Nantes fin 2023).

    • > Des prix vraiment très bas…

Primark pratique des tarifs vraiment bas (jeans à 16 €, sweats à capuche à 12 €…) pour des vêtements neufs, ce qui explique en grande partie son succès, notamment auprès d’une clientèle jeune. Au-delà des ingrédients « classiques » du low-cost, comme la production en grandes quantités dans des pays où la main-d’œuvre est – très – bon marché, des emballages minimalistes ou une qualité moindre, Primark a par exemple fait le pari de ne pas proposer de vente en ligne sur son site internet. Une rareté dans le secteur. Enfin, et c’est une source d’économies non négligeables, Primark ne dépense rien, ou presque rien, en publicité, sur les canaux traditionnels (affichage, télé, etc.), préférant profiter du buzz généré par ses clients sur les réseaux sociaux.

    • > … et de nombreuses critiques

L’enseigne est régulièrement critiquée, en premier lieu pour son impact environnemental. Le textile est une industrie polluante mais c’est encore plus vrai pour les marques qui font dans la « fast fashion », comme Primark. Par leur modèle basé sur la production à grande échelle, elles impliquent une intensification des cultures de matières premières comme le coton, extrêmement gourmand en eau, et l’utilisation massive de matières non-renouvelables et polluantes (polyester, acrylique…). Les vêtements n’étant eux-mêmes pas durables, le modèle « fast fashion » implique une notion de surconsommation. L’impact social est aussi critiqué puisque les vêtements sont souvent fabriqués dans des pays où les droits élémentaires des travailleurs ne sont pas respectés. En 2013, l’image de Primark – et celle d’autres marques – avait été sérieusement écornée par l’effondrement d’un immeuble dans lequel étaient fabriqués certains de ses vêtements, au Bangladesh. Plus de 1 100 personnes avaient perdu la vie.


Pourquoi Primark cartonne autant, malgré son impact sur l’environnement

Propos recueillis par Nicolas Arzur dans Le Télégramme du 09 février 2023

 

Primark ouvre le 21 février à Brest.
Primark ouvre le 21 février à Brest. (Photo Le Télégramme/David Cormier)

Tant attendu, le magasin de vêtements Primark sera inauguré le mardi 21 février 2023, à Brest. Pascale Hébel, économiste spécialisée dans le comportement des consommateurs et directrice associée du cabinet de conseil en marketing C-Ways, explique les raisons du succès de l’enseigne et ses limites.

Le Télégramme : Quelles sont les raisons du succès de Primark ?

Pascale Hébel : C’est son positionnement : du pas cher, pour les jeunes, qui veulent acheter vite, avec un renouvellement constant de la collection, pour avoir le sentiment d’avoir toujours de la nouveauté. Dit autrement, la ligne c’est : on répond à vos envies et désirs immédiats. Dans cette optique, le prix est central : il faut que ça ne soit pas cher, pour que l’enseigne soit attractive, et pour capter les jeunes, qui ont peu de moyens mais qui ont un gros besoin pour s’équiper. On est pile dans le modèle de la grande consommation. Cela peut choquer, compte tenu de l’actuelle prise de conscience écologique, mais c’est quand même ce qu’on a vécu pendant 60 ans. Les enquêtes montrent aussi que les jeunes, les 18-24 ans, se sont sentis tellement frustrés durant les confinements que depuis, il y a une vraie volonté de consommer.

Quelles différences avec Kiabi, H & M, Zara ?

Kiabi est plus familial, centré sur les basics, l’utile, et s’implante dans les périphéries. H & M et Zara cherchent plutôt à copier les grands créateurs, pour des prix attractifs. Primark est différent : implanté dans les centres-villes, on reste dans le low cost, mais dans le low cost de moindre qualité. On sait que c’est produit hors d’Europe, que ça ne va pas tenir dans le temps, mais ce n’est pas grave pour les clients, car ça va répondre à une demande ponctuelle, à une envie d’acheter. Les codes visuels des vêtements répondent à cela : ça brille, ça claque, c’est fluo. Et ça, les jeunes adorent. L’idée, c’est de ne pas faire investir au client ni de l’argent, ni du temps pour acheter leur produit. Ça a vocation de toute façon à être très peu porté, pour quelques occasions seulement. C’est une sorte d’équivalent d’HEMA, version habillement. Ou de Shein, à la différence qu’ici, il y a une boutique pour toucher et essayer les vêtements.

Spécialiste de la consommation, Pascale Hébel est directrice associée de C-Ways.
Spécialiste de la consommation, Pascale Hébel est directrice associée de C-Ways. (Photo C-Ways)

Les enseignes traditionnelles (Camaïeu, Pimkie, Kookaï, André…) enchaînent les difficultés. Alors que la fast fashion, comme Primark, a la cote. Il y a même une attente énorme lorsqu’on annonce une nouvelle implantation. Comment expliquer ce décalage ?

L’engouement autour de Primark s’explique par le côté nouveauté : jusqu’à présent, l’enseigne était peu présente en France. Cela fait aussi du buzz grâce aux réseaux sociaux : on l’a dit, du Primark, c’est fait pour être porté peu de fois. Ce sont donc des vêtements parfaits pour les publications sur les réseaux sociaux. Les jeunes voient ça, et ça leur donne envie d’avoir eux aussi un Primark à côté de chez eux. Plus généralement, il y a un effet de génération. Camaïeu, Kookaï, André… Ce sont des enseignes qui ont vieilli avec leur clientèle. Or, les dépenses en habillement baissent continuellement après 30 ans. Et c’est difficile, pour une marque, de se renouveler quand on capte déjà une génération, quand on existe depuis longtemps, car la facilité, c’est de garder sa clientèle et de vieillir avec. Donc il y a de nouvelles enseignes qui apparaissent, pour les nouvelles générations. D’une certaine façon, Primark, c’est le nouveau Tati. Et il vient concurrencer de plus anciennes, comme H & M, qui perd des parts de marché.

Primark est aussi accusé d’être une enseigne très polluante…

C’est polluant au sens de la qualité moindre des vêtements : puisque le but n’est pas de porter longtemps un vêtement Primark, le produit sera rapidement jeté. Ça fait alors beaucoup de déchets pour une durée d’utilisation très courte.

Une enseigne polluante qui cible les jeunes, alors que, dans le même temps, ces derniers se disent préoccupés par leur impact environnemental. Cela n’est-il pas contradictoire ?

Les jeunes ne sont pas tous les mêmes. Effectivement, il y a les jeunes surdiplômés qui ont cette préoccupation-là, mais ils ne vont pas chez Primark. Ils s’orienteront plutôt vers les vêtements d’occasion ou de bonnes qualités. S’ils vont chez Primark, c’est vraiment pour de l’occasionnel ou pour répondre à un besoin spécifique – comme à un code couleur pour une soirée par exemple.

À l’inverse, les jeunes des classes plus populaires ont d’autres préoccupations. Ce n’est pas qu’ils ne veulent pas sauver la planète, c’est qu’ils n’ont pas le choix. Ils ont des petits moyens donc pour se faire plaisir, une enseigne comme Primark répond à leurs besoins. Mais cela ne veut pas dire qu’ils polluent plus que les autres : comme ils ont des petits moyens, ils achètent plus de Primark certes, mais à côté, ils ne s’offrent pas de SUV, ne prennent pas l’avion…