Libertaire, pacifique, écolo avant l’heure, Aguigui Mouna, clochard magnifique, sillonnait les rues pour haranguer les foules : il aurait aujourd’hui 111 ans . Pendant près de cinquante ans, il a prêché sa bonne parole. Très connu des parisiens, il sillonnait la capitale sur son vélo, du Quartier Latin jusqu’à Beaubourg, ou à la Bourse. On pouvait aussi le rencontrer en région quand il y avait un combat à mener : à Avignon, le Larzac, Cray-Malville, Pierrelatte ou Plogoff …
Combien sommes-nous à avoir bu ses paroles -ne serait-ce qu’une fois- devant Beaubourg ? Un documentaire de 18 minutes à partager sans modération …
Les causes qu’il a défendues dans sa vie furent très nombreuses. Il faisait preuve d’une détermination sans faille, d’un engagement total, d’un grand humour et d’un profond humanisme Ce court documentaire, sous forme d’un diaporama avec quelques séquences vidéos, est destiné à maintenir vivant son souvenir et à le faire connaitre aux jeunes générations Plusieurs extraits vidéos proviennent d’un film que Bernard Baissat lui a consacré en 1989. Film très instructif, drôle et émouvant qui mérite d’être vu et revu. Anne Gallois a écrit sur Mouna un très beau livre biographique, très documenté, avec une riche iconographie. Mouna était un rebelle, un philosophe, un pacifiste, un poète et un attachant tribun. Il exprimait sa révolte, à sa manière, et œuvrait par la parole et par l’absurde, pour un monde meilleur. Il mérite de rester présent dans notre mémoire et de nous inspirer…
MOUNA
le film de Bernard Baissat, 1989
RESUME
Tout le monde connait AGUIGUI MOUNA, le bouffon qui harangue la foule sur l’esplanade de Beaubourg, à Paris, et parcourt les manifs avec son vélo. Mais beaucoup ne connaissent pas l’itinéraire d’ANDRE DUPONT, savoyard élevé à la dure, contraint à la violence dans la marine pour s’imposer et à la démerde dans la vie civile pour survivre.
ANTIBES 1952, la mutation: AGUIGUI MOUNA est né.
Le rire, la solidarité, la non-violence, l’humanisme, Mouna a trouvé les raisons de son existence. Il va essayer de les faire partager à tous les robots de la société “ caca-pipi-capitaliste”.
Un personnage de bande dessinée qui, à travers ses aventures, révèle les absurdités de son siècle.
FICHE TECHNIQUE
Durée: 1 heure 26 minutes
Production: Productions Bernard Baissat
Montage: Marie-Claude Rajon-Coleman
Musique: Clovis, Jonas, Reboul, Mouna
Réalisation: Bernard Baissat
Vélorution 1974 Paris
Portrait d’Aguigui Mouna par Anne Gallois – Extrait de « Aguigui Mouna : gueule ou crève »
L’homme a sorti d’une sacoche écornée ses instruments de travail : un téléphone rouge, une cloche, un sac de graines, un mètre ruban. En deux enjambées, il s’est hissé sur le couvercle d’une poubelle géante. Embrassant le public d’un coup d’œil connaisseur, il bat le rappel en baladin virtuose, distribue les calembours, fait le clown puis, brusquement, explose soulevé par un subit accès de colère : « Bande de robots… j’en ai marre de cette société de merde. Pas vous ?… »
C’est un petit vieux vif-argent à la barbe de patriarche, au corps élastique. Des yeux fureteurs, toujours aux aguets. Les poils embroussaillés encerclent la bouche qui découvre, dans un sourire, candide, les derniers chicots.
« Qu’est-ce qui se passe ? Rien. Rien d’humain. L’arnaque, la barbaque, la matraque… »
La voix, tour à tour gouailleuse ou tonitruante, s’accorde à la cacophonie ambiante.
« Le monde est à l’envers, le monde ne tourne pas rond. Et moi je crie. Je crie dans le désert. Ça fait trente ans que ça dure et il n’y a que la mort qui me fera taire. Oui, je suis utopiste. Mais qu’est-ce que l’utopie, sinon une vérité anticipée ?… »
Une jeune fille, au pied de la poubelle, s’est exclamée : « J’aurais dû venir l’écouter avant de faire ma dissert’ ». Son professeur de philosophie le lui avait bien dit : « À Beaubourg, il y a une espèce de Diogène. Il s’appelle Mouna ».
Anne Gallois, in Aguigui Mouna. Gueule ou crève, Ed. les Dossiers d’Aquitaine, 1997