Depuis la Russie, ils et elles dénoncent « une guerre injuste et inutile » …

🇺🇦 En ce sinistre jeudi 24 février 2022, plusieurs centaines de scientifiques russes ont pris la plume pour s’opposer au conflit armé déclenché par Vladimir Poutine en Ukraine. Le monde de la culture n’est pas en reste à l’image d’Elena Kovalskay, directrice du théâtre d’État et du Centre culturel Vsevolod Meyerhold de Moscou qui a démissionné en signe de protestation …

Plus de 600 scientifiques russes dénoncent « une guerre injuste et inutile » …

Un article de Johanne Montay  paru dans RTBF du vendredi 25 février 2022 .

La Tribune des scientifiques
« Nous, scientifiques et journalistes scientifiques russes, déclarons une vive protestation contre les hostilités lancées par les forces armées de notre pays sur le territoire de l’Ukraine. Cette étape fatale entraîne d’énormes pertes humaines et sape les fondements du système établi de sécurité internationale. La responsabilité de déclencher une nouvelle guerre en Europe incombe entièrement à la Russie.

« Il n’y a aucune justification rationnelle à cette guerre. Les tentatives d’utiliser la situation dans le Donbass comme prétexte pour lancer une opération militaire n’inspirent aucune confiance. Il est clair que l’Ukraine ne représente pas une menace pour la sécurité de notre pays. La guerre contre elle est injuste et franchement insensée.
« L’Ukraine a été et reste un pays proche de nous. Beaucoup d’entre nous ont des parents, des amis et des collègues scientifiques vivant en Ukraine. Nos pères, grands-pères et arrière-grand-pères se sont battus ensemble contre le nazisme. Libérer une guerre au nom des ambitions géopolitiques des dirigeants de la Fédération de Russie, poussés par des fantasmes historiques douteux, est une trahison cynique de leur mémoire.

« Nous respectons le statut d’État ukrainien, qui repose sur des institutions démocratiques vraiment fonctionnelles. Nous traitons le choix européen de nos voisins avec compréhension. Nous sommes convaincus que tous les problèmes dans les relations entre nos pays peuvent être résolus pacifiquement. »

 

Dans cette tribune, on est aux antipodes du discours de Vladimir Poutine, estimant devoir procéder à la « dénazification » et la « démilitarisation » de l’Ukraine. Car pour les signataires de cette lettre, « il n’y a aucune justification raisonnable pour cette guerre. Les tentatives d’utiliser la situation dans le Donbas comme prétexte pour déployer une opération militaire ne sont pas crédibles« .
Prendre cette position est un acte de courage, dans un pays comme la Russie. Georgy Kourakine, bio-informaticien et biologiste, est l’un des scientifiques russes qui a apposé sa signature en bas de ce texte. Il travaille à l’Université nationale de recherche médicale Pirogov à Moscou. Il travaille sur les bactéries qui provoquent des maladies nosocomiales. Il se dit pacifiste, « contre toutes les guerres ». Il sait que déjà cette phrase, déjà, pourrait être la phrase de trop, en ce moment, dans son pays. Mais il assume : « Oui, c’est dangereux. Je pense que c’est dangereux pour n’importe qui de dire « je suis contre la guerre » en Russie. Mais c’est le moment où nous avons besoin de le dire. C’est le minimum qu’on puisse faire. Et on a besoin de le faire. »

L’isolement scientifique aussi

Comme les plus de 600 signataires (à l’heure actuelle) de cette lettre, Georgy Kurakin veut clamer que la guerre risque d’isoler la Russie, y compris sur le plan scientifique. C’est ce qu’il craint : « Je crains qu’on ne soit confronté à un isolement très strict du pays, y compris dans la sphère scientifique. Je pense qu’une guerre risque de tuer la science russe. Parce qu’on ne peut pas faire de la science sans une collaboration internationale normale. »

Sans parler du scénario du pire, d’une aggravation du conflit, de morts dans la population, parmi les scientifiques, aussi. « En déclenchant la guerre, la Russie s’est condamnée à l’isolement international, à la position de pays paria. Cela signifie que nous, scientifiques, ne pourrons plus faire notre travail correctement : la recherche scientifique est inconcevable sans une coopération totale avec des collègues d’autres pays. Isoler la Russie du monde signifie une nouvelle dégradation culturelle et technologique de notre pays, sans perspectives positives. La guerre avec l’Ukraine est un pas vers le néant« , poursuit le texte.

« L’Ukraine ne constitue pas une menace »

La lettre tend la main aux Ukrainiens : « Il est clair que l’Ukraine ne constitue pas une menace pour la sécurité de notre pays. Une guerre contre elle est injuste et franchement inutile. L’Ukraine était et reste un pays proche de nous. Beaucoup d’entre nous ont des parents, des amis et des collègues en Ukraine. Nos pères, grands-pères et arrière-grands-pères ont combattu ensemble le nazisme. Le déclenchement de la guerre pour les ambitions géopolitiques des dirigeants russes, mus par des fantasmes historiosophiques douteux, est une trahison cynique de leur mémoire. Nous respectons le statut d’État ukrainien, qui repose sur des institutions démocratiques qui fonctionnent réellement. Nous avons de la sympathie pour le choix européen de nos voisins. Nous sommes convaincus que tous les problèmes dans les relations entre nos pays peuvent être résolus pacifiquement« .

Pourquoi cette Tribune est notable.

Le texte de la Tribune vient directement percuter la propagande russe concernant l’invasion de l’Ukraine, notamment exposée par Vladimir Poutine dans son allocution du 21 février. «Les tentatives de manipuler la situation dans le Donbass et de s’en servir comme prétexte (…) ne dupent absolument personne», affirment-ils. En se manifestant ainsi, dans un contexte de raidissement du pouvoir sur la scène intérieure, les signataires prennent un risque évident. En Turquie, la mobilisation des universitaires contre la guerre au Kurdistan en 2016 avait initié le début de persécutions judiciaires et d’une purge sauvage dans les universités publiques.

Les Russes vont- ils courageusement protester contre ce régime comme ils l’ont fait à plusieurs reprises auparavant ?

Manifestation anti-guerre à Saint-Pétersbourg, le 24 février au soir ( Photo Anton Vaganov de Reuters). Plus de 800 personnes ont été arrêtées.

On dit parfois que ce que Poutine craint et déteste en Ukraine est une société démocratique à la frontière russe, avec beaucoup plus de liberté que les Russes, et c’est la menace qu’il voit en Ukraine. En l’attaquant, il peut libérer le désir de ces choses dans son propre pays. Je n’assume rien, y compris que l’emprise de Poutine prendra fin facilement ou bientôt. Mais il y a souvent des moments où la société civile perd sa peur ou sa foi dans le pouvoir ou l’invulnérabilité des dirigeants, et rien ne peut le restaurer. Mais que va – t- il se passer dans les prochains jours en Russie ?


Elena Kovalskaya, directrice du théâtre d’État et du Centre culturel Vsevolod Meyerhold de Moscou, annonce sa démission

25 février 2022 | Par Marion Allard-Latour pour Toutelaculture.com

Le monde de la culture dénonce très fermement les attaques menées en Ukraine par Vladimir Poutine. La directrice du théâtre d’État et du Centre culturel Vsevolod Meyerhold de Moscou, Elena Kovalskaya, a démissionné en signe de protestation.

« Mes amis, en protestation contre l’invasion en Ukraine, je démissionne du poste de directrice du théâtre d’État – CIM (…) », a indiqué Elena Kovalskaya sur les réseaux sociaux. Elle avait été nommée directrice artistique de l’institution en 2013 avant d’en prendre les rênes en 2020.

Marina Davydova, rédactrice en chef de la revue russe TEATR et directrice d’un festival, « dénonce une guerre contre le fraternel peuple d’Ukraine ». Elle « appelle tous les membres de la communauté théâtrale russe à signer un appel adressé aux leaders qui nous dirigent et personnellement à Vladimir Poutine, pour que cesse immédiatement les hostilités sur le territoire d’un état proche », selon des paroles rapportées par le journaliste Jean-Pierre Thibaudat sur Médiapart.


Guerre en Ukraine : la Russie est « coupée du monde, du point de vue de l’information », déplore Reporters Sans Frontières

Les médias russe sont contraints par le gouvernement de supprimer toute référence à des civils tués par l’armée russe en Ukraine, ainsi que les termes « d’invasion », « d’offensive » ou de « déclaration de guerre ».

Article rédigé par France Info publié
Dans la salle de bain d'une maison touchée par une frappe aérienne russe à Donetsk en ukraine le 26 février 2022. (VIKTOR ANTONYUK / AFP)

La population russe est « coupée du monde, du point de vue de l’information », déplore samedi 26 février, sur franceinfo, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières. Le pouvoir exerce une censure dans les médias sur le récit du conflit en Ukraine. « On a l’impression de revenir 50 ans en arrière avec des mots interdits, comme ‘invasion’ ou ‘offensive' », relate Christophe Deloire.

« L’ensemble des Russes sont privés de leur droit légitime à l’information », dénonce le secrétaire général de Reporters Sans Frontières alors que le régulateur russe des médias a ordonné aux médias nationaux, samedi 26 février, de supprimer de leurs contenus toute référence à des civils tués par l’armée russe en Ukraine, ainsi que les termes « d’invasion », « d’offensive » ou de « déclaration de guerre ». Le régulateur impose aussi aux médias de ne reprendre que des sources officielles pour parler de la guerre. L’accès aux réseaux sociaux est aussi limité.

Les journalistes réduits au silence

« J’ai rencontré, il y a quelques jours, un journaliste russe qui était à Paris et qui me racontait comment des journalistes qui avaient simplement des abonnés occidentaux étaient accusés d’être des agents de l’étranger », relate encore Christophe Deloire. « Vous pouvez être accusé d’à peu près n’importe quoi, ce qui permet d’intimer le silence aux journalistes dignes de ce nom et de remplir le silence d’un appareil de propagande ».

Les médias indépendants sont « peu nombreux » en Russie, indique Christophe Deloire. « Il y a Novaïa Gazeta, le journal de Dmitri Mouratov qui a obtenu cette année le prix Nobel de la Paix mais qui, au cours de son histoire, a eu cinq journalistes tués dont Anna Politkovskaïa », ajoute-t-il.


 Une grande majorité de la population russe soutient Poutine  !
Source : https://www.arte.tv/fr/videos/108080-000-A/manifestation-en-russie-non-a-la-guerre/Source :