Symbole d’un modèle dépassé d’hyper-consommation, de la mondialisation non maîtrisée, de la destruction de l’environnement et des économies locales, Amazon veut poursuivre son implantation en France, y compris en Bretagne. C’est sans compter sur les sérieuses oppositions de collectifs citoyens, voire de collectivités locales comme à Rennes et Nantes …
Consommer à la mode de Bretagne
[Un Clin d’œil de René Perez paru dans Le Télégramme du 13 novembre 2021]
« Le gouvernement l’affirme, l’Insee le confirme : le pays a connu une vigoureuse reprise économique. Et la consommation des Français y est pour beaucoup, précise l’Insee, notamment durant les vacances d’été. Notre bas de laine constitué sous l’effet de la covid a un peu fondu, ce qui a contribué à doper la croissance.
Mais le mot consommation a, aujourd’hui, un contenu très ambivalent. Du côté gouvernemental, on y voit un levier de croissance mais chez les écologistes de la Cop26 de Glasgow, c’est le frein sur lequel il faut appuyer d’urgence. Consommer par impératif économique ou faire ceinture par devoir écologique, là est la question.
Sur ce sujet très controversé, la Bretagne apporte des réponses porteuses de quelques vertus. Ainsi, la forte affluence estivale dans la péninsule bretonne est restée dans les eaux d’un tourisme raisonnable. Celui de la proximité, invitant à rayonner autour de son lieu de séjour pour éviter les concentrations de masse et la consommation à la pelle. Ce tourisme-là est le seul à pouvoir s’inscrire dans la durée pour, à la fois, faire vivre un secteur d’activité essentiel et freiner les effets de l’attractivité de la Bretagne. Au passage, ceux qui s’inquiètent de cette affluence auront retenu un signe du ciel : la météo de cet été a dû en refroidir quelques-uns. Et, comme dit Kersauson, la pluie a des vertus sélectives. La consommation raisonnable, c’est aussi cette particularité qui fait des Bretons les plus engagés du pays dans le recyclage des déchets. Ils sont, et de loin, les plus respectueux des consignes de tri.
« La réponse la plus cinglante a été donnée par Rennes et Nantes, s’opposant toutes deux à l’implantation de plateformes Amazon promettant pourtant des emplois par centaines. »
Pour expliquer cette sensibilité bretonne à la problématique des déchets, des sociologues évoquent les chocs qu’ont pu représenter des catastrophes comme l’Amoco ou les algues vertes. Un effet goélands aussi, peut-être… Les nouveaux impératifs écologiques poussent, également, à consommer dans des circuits courts en achetant en priorité ce qui est produit près de chez soi. Et, là encore, la pointe bretonne était en avance avec la création, il y a près de trente ans déjà, de Produit en Bretagne, groupement unique en son genre. C’était déjà une invitation à passer par des circuits courts, bien avant la tendance actuelle à la consommation de proximité.
Mais la réponse la plus cinglante a été donnée par Rennes et Nantes, s’opposant toutes deux à l’implantation de plateformes Amazon, dont une géante en banlieue nantaise, sur 180 000 m², soit une vingtaine de terrains de foot, vestiaires compris. La société américaine promet pourtant un millier d’emplois à la clef mais il faut croire qu’à force de tirer sur la corde, le vase de la crémière a fini par déborder.
Ces rejets symbolisent une prise de conscience plus collective des effets néfastes de ce modèle de distribution, détruisant bien plus d’emplois qu’il n’en crée et écologiquement absurde quand une camionnette transporte parfois un seul petit colis, en bout de ligne, pour tenir les délais promis. Avec, en prime, des dirigeants qui, depuis des années, font un bras d’honneur aux règles fiscales françaises en mobilisant leurs avocats fiscalistes pour ne pas payer d’impôts sur les sociétés.
Mais la faute n’est-elle pas partagée ? Que l’on ait recours au commerce en ligne pour des produits de grande consommation, pourquoi pas. Mais qu’on y commande des livres que l’on peut trouver au même prix (oui, au même prix !) chez le libraire qui, lui, paie des taxes et impôts locaux, c’est un égarement économique, fiscal et éthique. Et, plus que jamais, il va nous falloir désormais mettre de l’écologie dans notre économie, des emplois dans nos emplettes et de l’éthique dans les étiquettes. »
René Perez
Amazon : ces communes qui n’en veulent pas
Les projets d’implantation de plateformes d’Amazon dans les territoires français doivent souvent faire face à de sérieuses oppositions.
1. À Briec (29), les militants ne désarment pas
Les travaux de terrassement de la plateforme de logistique d’Amazon France à Briec, en bordure de la voie express RN 165, ont débuté en octobre. Cet entrepôt de 9 000 m², dit « du dernier kilomètre », sur un terrain dont la superficie est passée – après renégociation avec les nouveaux dirigeants de la communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale – de 6 à 4,8 hectares, est le premier du genre en Bretagne. Il devrait permettre des livraisons dans un rayon de 100 à 150 km et générer, à terme, de 80 à 100 CDI et, selon ses dirigeants, « environ 250 emplois de chauffeurs livreurs d’entreprises de messagerie, soit environ 350 emplois directs ».
Il est vivement contesté depuis son annonce, il y a plus d’un an, par le collectif Stop Amazon Briec. Celui-ci explique son opposition par des raisons à la fois économiques, sociales et environnementales. « C’est le monde du travail et des métiers qui fait la richesse de la Bretagne, et non des sociétés comme Amazon qui les exploitent pour leur unique profit », ont expliqué, dans un communiqué, ses militants. Une soixantaine d’entre eux se sont enchaînés aux grilles du site, le 5 novembre, en réclamant l’arrêt du chantier et un référendum départemental sur le sujet.
2. À Montbert (Loire-Atlantique), les élus ont dit non
Le géant du e-commerce est également tombé sur un os, le 25 octobre 2021, en Loire-Atlantique, lorsque les élus de Grand Lieu communauté ont dit non à l’implantation d’une plateforme Amazon de 185 000 m² à Montbert, au sud de Nantes, en raison, officiellement, d’« une accumulation de contraintes techniques et juridiques décalant largement le calendrier initial ».
Depuis l’annonce du projet, en septembre 2020, de nombreuses manifestations avaient eu lieu contre l’installation de cette plateforme avec, dans les esprits, la crainte d’une nouvelle Zad dans ce secteur marqué par 50 années de lutte autour du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, abandonné en 2018.
Christelle Morançais, présidente du conseil régional des Pays de la Loire, n’a cependant pas renoncé au projet et recherche une solution alternative, éventuellement dans la Sarthe. Yannick Bordes, maire de Saint-Berthevin, dans l’agglomération de Laval, s’est également déclaré prêt à défendre la relocalisation du projet dans la Mayenne.
3. À Fournès (Gard), la justice s’en mêle
Autre revers majeur pour Amazon, celui encaissé après l’annulation, mardi 9 novembre, par le tribunal administratif de Nîmes, de l’autorisation environnementale qui avait été accordée à un projet de centre de tri de colis de la multinationale, à Fournès (Gard).
La justice ne reconnaît pas « l’intérêt public majeur » du projet, qui prévoit la construction d’un bâtiment de 38 800 m² sur un terrain de 13,7 hectares près de l’autoroute A9. Cette annulation « fait obstacle à la mise en œuvre du permis de construire », a précisé le tribunal, ajoutant qu’il allait « se prononcer très prochainement sur les sept requêtes dont il a été saisi et contestant le permis de construire ». Ce projet est notamment combattu par les défenseurs du Pont du Gard, un joyau du patrimoine mondial.
Briec, novembre 2021 : les travaux ont commencé mais la lutte contre Amazon et son monde ne cessera pas …
« La dévastation des terres, déjà très conséquente dans la ZI de Briec, va donc s’augmenter des hectares sacrifiés à la construction d’un énième entrepôt ; à l’accumulation d’objets pour la plupart non nécessaires ; au transport de marchandises, déjà considérable, et à la production de déchets. Sacrifiés surtout à l’appétit d’une de ces transnationales pour lesquelles le sort des humains et du vivant, est indifférent.
Cette folie, car c’en est une, se fait avec l’assentiment de ceux qui nous représentent, et en notre nom rendent possibles des projets qui sont d’ores et déjà obsolètes. C’est bien le modèle économique perpétué par Amazon qui est responsable de la dégradation entamée de nos écosystèmes vitaux.
La sérieuse menace climatique qui obscurcit désormais l’horizon, aurait dû nous arrêter tous. Nous le réclamions : il fallait mener ensemble une réflexion sur l’autre monde qu’il faut faire advenir, vite. Il fallait sans attendre, et en toute conviction, déclarer l’urgence climatique avant tout autre urgence. Il fallait être cohérent.
Nous, qui n’avons pas cessé de répéter cela, nous constatons :
Que ces décisions inappropriées ont été prises en pleine crise sanitaire par des élus qui n’ont pas cru nécessaire d’informer la population, ni de répondre à nos questions, et, plus grave, sans qu’ils les aient assumées publiquement. Surtout : sans qu’ils aient accepté de considérer qu’ils pouvaient y renoncer, comme nous le leur demandions.
La présidente de QBO et le maire de Briec auront peut-être à rendre des comptes :
– aux citoyens électeurs qui leur ont accordé leur confiance ;
– à tous ceux dont l’activité va être détruite ;
– à tous ceux qui devront mettre leurs forces et leur temps au service d’un travail pénible et mal payé exécuté sous le contrôle constant d ’Amazon ;
– et à tous ceux, aux jeunes gens, aux enfants, que l’avenir commence à effrayer, et pour lesquels Demain pourrait bien être annulé.
Parce que nous pensons que ce projet nous engage tous, nous demandons l’arrêt immédiat des travaux, et la tenue d’un référendum départemental.
Nous ne sommes pas résignés,
le combat contre Amazon et son monde continue.
Rejoignez-nous. »
Le Collectif « Stop Amazon – Briec »
www.stopamazon.bzh
Comment Rennes a coupé l’herbe sous le pied d’Amazon
Opposée à l’implantation d’Amazon à la Janais, près de Rennes, la Métropole a finalisé le rachat des terrains visés par le géant du numérique, qui devra aller voir ailleurs. Publié dans Le Télégramme du 09 novembre 2021
Un entrepôt d’Amazon sur la métropole rennaise, ce n’est sans doute pas demain la veille. Pour s’en apercevoir, il fallait bien prêter l’oreille lors du conseil métropolitain du 23 septembre, où l’annonce est passée comme un colis à la poste. La collectivité est sur le point de racheter à Stellantis (ex-PSA) 22 ha de son usine automobile de la Janais, au sud de Rennes. 16 millions d’euros d’argent public, apportés par la Métropole et par l’Établissement public foncier de Bretagne, sont mobilisés pour l’opération. Le hic ? Une partie de ces terrains était dans le collimateur d’Amazon, dont l’installation dans ce secteur semble enterrée pour de bon.
« C’est plus simple d’être propriétaire des terrains que soumis à une vente qui est souvent au plus offrant », justifie à la tribune Sébastien Sémeril, vice-président à l’économie, en prenant soin de ne pas citer la firme de Jeff Bezos. « On peut se retrouver avec des occupants qui ne sont pas en adéquation avec nos objectifs ». Ces 22 ha s’ajoutent au 53 déjà dans le giron de la Métropole, rachetés en 2015 à PSA pour l’empêcher de plier bagage. La collectivité entend reconvertir le site en « laboratoire de l’industrie du XXIe siècle », tourné vers les mobilités décarbonées et le bâtiment durable. Une « vitrine » où Amazon n’avait pas sa place, aux yeux des élus. Accepteraient-ils de l’installer ailleurs ? Le Mensuel de Rennes n’a jamais eu la réponse. Les écologistes, membres de la majorité, n’ont pas fait mystère quant à eux de leur opposition.
Cette vente entre Stellantis et la Métropole s’est faite un peu sous le manteau
Ce projet d’implantation à Rennes est longtemps resté secret. C’est Montea, une société belge, qui avait jeté son dévolu sur ces terrains pour y construire, entre autres, un entrepôt. Elle l’aurait ensuite loué au géant de l’e-commerce. Les parcelles ont été bloquées pendant près d’un an, le temps des discussions et des études. La vente devait à l’origine intervenir fin 2020. C’était sans compter sur le refus catégorique de la Métropole. Et là aussi, les Rennais ont failli ne pas être au courant. C’est Carole Gandon, cheffe de file de l’opposition LRM, qui avait levé le lièvre en mars, dénonçant le blocage rennais. Amazon, d’ordinaire discret, avait fini par reconnaître l’existence du projet au Mensuel : « Un projet nous a été proposé et nous pourrions l’activer si les conditions étaient réunies ». Elles le sont moins que jamais.
« Cette vente entre Stellantis et la Métropole s’est faite un peu sous le manteau », regrette une source proche du dossier, intéressée par l’arrivée d’Amazon. « En général, les territoires sont prêts à accueillir des investisseurs qui déploient des moyens, pas à se substituer à eux ». Pire, accuse-t-elle, la collectivité se serait portée acquéreur uniquement pour empêcher la pieuvre américaine de débarquer à Rennes. Ce que corrobore un autre acteur de l’affaire. De concert, ces deux sources l’affirment : « Amazon saura trouver des territoires prêts à l’accueillir, juste derrière les frontières de la Métropole ».
À lire en complément : Comment Nantes et Rennes ont barré la route à Amazon
Publié dans Le Télégramme du 25 octobre 2021
Les négociations engagées avec le groupe Amazon pour implanter un grand entrepôt de 180 000 m² à Montbert, une commune au sud de Nantes, ont été stoppées, a annoncé, dans un communiqué, Johann Boblin, le président de la communauté de communes de Grand-Lieu, ce lundi matin.
L’élu justifie cette décision par « une accumulation de contraintes techniques et juridiques », qui décalait le calendrier initial de cette vaste plateforme automatisée de distribution de colis, dont la construction était prévue sur une fiche hospitalière. Le permis de construire avait été déposé en septembre 2020 par une filiale d’Amazon à la mairie de Montbert. Mille emplois étaient à la clef, selon les promoteurs de ce projet, qui suscitait d’intenses oppositions. Fin novembre 2020, près de 2 500 personnes avaient pris part à une manifestation pour s’y opposer.
Ce dernier revirement semble marquer la fin du feuilleton Amazon, dont les velléités d’implantations ont été douchées dans les deux agglomérations de Nantes et de Rennes ces derniers mois. Le géant du e-commerce, qui cristallise de nombreuses critiques, n’y est définitivement pas le bienvenu.
L’arrivée d’Amazon à Nantes ? Ce n’est pas une bonne nouvelle pour notre agglomération
À Nantes, Amazon cherchait depuis plusieurs années à implanter l’un de ses entrepôts géants. D’abord pressentie dans le nord de l’agglomération, son installation avait ensuite glissé au sud, dans la communauté de communes de Grand Lieu, un territoire non soumis à la tutelle de Johanna Rolland.
Amazon visait les anciens terrains de PSA
En juillet 2020, la maire-présidente de l’agglo nantaise, soutien d’Anne Hidalgo à la présidentielle, avait jugé que le projet de création d’un petit entrepôt de 9 000 m² à Carquefou « n’était pas une bonne nouvelle pour l’agglomération ». Johanna Rolland avait alors confié à Médiacités qu’elle espérait pouvoir le « bloquer », alors même qu’il était piloté par les services de sa collectivité. Le petit entrepôt a néanmoins ouvert ses portes en octobre 2020 et le projet de méga-plateforme subsistait à Montbert.
À Rennes, Amazon réfléchissait à implanter un entrepôt de 26 000 m², dit du « last mile », sur les anciens terrains de PSA Rennes – La Janais, à Chartres-de-Bretagne. Appuyé par la commune de Chartres et le ministère de l’Industrie, ce projet (450 emplois selon ses promoteurs) s’est néanmoins heurté à l’opposition de la Métropole de Rennes, présidée par la socialiste Nathalie Appéré, également soutien d’Anne Hidalgo à la présidentielle.
Dans une enquête parue en avril, Le Mensuel de Rennes avait révélé les détails de ces tractations alors que l’existence même d’un tel projet a toujours été niée par la Métropole rennaise.
Celui-ci était pourtant dans les tuyaux depuis novembre 2019. Une société belge d’investissement, Montea, avait prévu de racheter les 14 ha de l’ancien site de PSA pour le louer au géant du commerce en ligne. Un accord avait été signé entre Montea et Amazon avec la bénédiction de Bercy. Présenté à Sébastien Sémeril, le vice-président de la Métropole en charge des affaires économiques en juin 2020, le projet avait suscité une levée immédiate de boucliers de l’exécutif métropolitain.
Des market place qui interrogent sur leurs modèles sociaux et fiscaux
Pas question, pour les élus de la majorité rose et verte rennaise, de laisser le terrain à une telle plateforme, alors que les commerces de proximité se révélaient déjà fragilisés par la crise sanitaire. En novembre 2020, Nathalie Appéré avait fustigé ces « market place » qui « interrogent sur leurs modèles sociaux et fiscaux » et appelé à consommer « local ».
Plutôt qu’Amazon, Nathalie Appéré privilégie de créer une « vitrine de l’industrie du futur » sur l’ex-site de PSA. Hasard du calendrier, elle y a convié les médias, ce mardi. Ce rendez-vous sera dédié « à la transition énergétique et au développement du pôle d’excellence industrielle ». La maire sera accompagnée du président de Région, Loïg Chesnais-Girard, et d’Étienne Martin-Commandeur, le directeur de l’usine Stellantis (ex-PSA). Les premières annonces d’implantations de la future « vitrine de l’industrie du futur » devraient y être dévoilées.
Quels sont les impacts climatiques et sociaux du e-commerce ? Quelle différence entre surconsommation et surproduction ?
Réponse avec cette vidéo de 6’39 » signée Les Amis de la Terre
Dernière minute … Les habitant·e·s de Fournès dans le Gard infligent un sérieux revers à Amazon : la justice vient d’annuler l’autorisation environnementale accordée au projet d’entrepôt !
Avec Attac France et Les Amis de la Terre France, HK et Juga ont accompagné ce combat, et en ont fait une chanson intitulée « À MA ZONE »
Venu dévaster ma zone