Le mot « laïcité » décortiqué par Alain Rey …

« Laïque » s’oppose à « clerc » et à « clérical », et non à « religieux », ni même à « confessionnel ».» Les chroniques d’Alain Rey sur France Inter étaient toujours des moments d’intelligence. Entre 1993 et 2006, le linguiste s’emparait chaque matin d’un mot et le décortiquait, aiguisant ainsi notre regard sur l’actualité. Le 22 octobre 2003, il s’était attaqué au mot «laïcité». A écouter et ré-écouter…

En savoir plus sur Alain Rey …


Alain Rey célébré par François Morel …


(Ré)écoutez « Le Mot de la fin », la chronique d’Alain Rey

Un hommage publié par  France Inter le

Entre 1993 et 2006, il conclut la matinale de France Inter par une chronique intitulée « Le Mot de la fin », où il décortique les vocables de la langue, et aime souvent à traiter de la politique sous son œil libertaire.

Alain Rey
Alain Rey © Getty

Il travaillait sur des disciplines austères, mais son décorticage des mots a toujours pris des allures de fête …  La suite avec de nombreuses chroniques  par ici …


Hommage à Alain Rey, depuis L’Aber-Wrac’h …

La défense des langues régionales était aussi un des leitmotivs d’Alain Rey et il a volontiers accepté d’échanger avec Hervé Lossec, auteur des « Bretonnismes ».
La défense des langues régionales était aussi un des leitmotivs d’Alain Rey et il a volontiers accepté d’échanger avec Hervé Lossec, auteur des « Bretonnismes ». (Photo d’archives Daniel Dargorn)

« Âme » des dictionnaires Le Robert, Alain Rey, décédé à Paris dans la nuit de mardi à mercredi, à l’âge de 92 ans, a dépoussiéré la lexicographie, donnant vie et couleurs aux mots de la langue française. Il aimait la Bretagne où il avait habitudes et amis. L’un d’eux, notre collaborateur Daniel Dagorn, se souvient.

« Les mots sont vivants et ont une histoire, c’est pour cela qu’inlassablement le linguiste Alain Rey a utilisé son énergie. Très attaché à l’Aber-Wrac’h où il venait se ressourcer dans sa maison de Saint-Antoine avec sa compagne Danièle, il était encore à l’ouvrage pour un nouveau livre, il y a quelques jours. De retour à son appartement parisien au début de cette semaine à l’aube de ses 92 ans, il nous a quittés, laissant un grand vide chez ses nombreux amis de Landéda et des environs. Il était aussi fidèle à l’école des filles au Huelgoat où il était régulièrement invité.

« Les mots, comme les êtres et les groupes humains, voyagent, se déplacent, émigrent et immigrent avec des fortunes diverses. Cependant, les mots ne sont pas des vivants, ils peuvent s’effacer mais non pas mourir. Ils appartiennent à l’espèce immense des signes, ces réalités physiques qui donnent aux humains accès au réel et à l’imaginaire, au concret et à l’abstrait, à la matière et à l’Esprit », a-t-il écrit dans « Le voyage des mots : de l’Orient arabe et persan vers la langue française », illustré par le calligraphe Lassaâd Metoui.

Les échanges avec lui étaient des moments de bonheur où l’humilité se mariait avec une grande culture. Il avait rayé la prétention de son vocabulaire au profit du mot respect qui faisait que la conversation évitait ce besoin de dominer l’autre pour simplement décrire. Fin gourmet il ajoutait avec délicatesse le sel de l’humour pour que les choses sérieuses ne le soient pas trop.

« Je crois beaucoup aux vertus du bilinguisme, il y a une formation humaine qui est meilleure ».

Il y a deux ans, un soir d’automne, au bar l’Escale à l’Aber-Wrac’h, découvrant le talent de chanteuse de Christine Chevalier lors du concert du groupe Los Yapas, il avait esquissé quelques pas au son de la musique pop-rock, fier que celle qui était maire de sa commune (Landéda) soit aussi une artiste.

La défense des langues régionales était aussi un de ses leitmotivs et il a volontiers accepté d’échanger avec Hervé Lossec, auteur des « Bretonnismes » au Café du port de Marielle Floch, à l’Aber-Wrac’h, « dont j’aime le franc parlé ». L’émotion est montée d’un cran pour le Lesnevien ! « Il y a beaucoup d’ouvrages sur des dialectes ou des langues parlées en France qui ne sont pas le français mais il y en a très peu qui prennent les choses sous l’angle du contact des langues, de l’intégration d’une langue dans une autre, des impacts, des calques. Pour une fois qu’il y a eu une étude avec cette implication psychologique et sociale, qui tienne compte des réalités linguistiques et qui les analyse vraiment, coup de chapeau ! J’aimerais qu’il y ait un livre équivalent sur les occitanismes, qui n’existe pas ! Non seulement vous avez défendu le breton mais vous avez fait œuvre de pionnier pour la linguistique des français régionaux ! »

Et à Alain Rey d’ajouter : « Je crois beaucoup aux vertus du bilinguisme, il y a une formation humaine qui est meilleure. Pour faire survivre une langue, il faut y mettre le paquet : il faut voir le fric que les Irlandais ont mis pour défendre leur langue avec les émissions de télé et de radio ! ».

Daniel Dagorn