L’hommage à « la femme du Soldat inconnu »…

Le 26 août 1970, une poignée de féministes déposent une gerbe en hommage à la femme du Soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe. Elles sont 9, aussitôt arrêtées par la police. Mais dès le lendemain la presse présente cette première action comme  » la naissance du MLF  » (Mouvement de libération des femmes) …

Le 26 août 1970, parmi les 9 femmes qui rendent « hommage à la femme du Soldat inconnu », il y a la sociologue Christine Delphy.  En témoignent  ces images d’archives INA : une vidéo de 3’58 »


L’hommage à la femme du soldat inconnu :
Trois des 9 protagonistes de ce dépôt de gerbe à Paris racontent cette journée si particulière.

Un article paru le 26 août 2020 dans Terriennes / TV5 Monde

 

"Un homme sur deux est une femme !", "Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme !", deux des quatre banderoles retenues par l'histoire, ce 26 août 1970, lors du rassemblement de militantes féministes, qui donna le coup d'envoi au Mouvement de Libération des Femmes en France. 

« Un homme sur deux est une femme ! », « Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme !« , deux des quatre banderoles retenues par l’histoire de ce 26 août 1970,

Plus inconnue que le soldat, sa femme

« Une partie d’entre-nous a déposé la gerbe à la femme du soldat inconnu le 26 août 1970 en solidarité avec la grève des féministes américaines du Mouvement de libération des femmes. C’est une action qui avait été planifiée comme une action spectaculaire avec une charge hautement symbolique et qui a été bien médiatisée car il ne se passe rien en août en général.
Nous avions mis au courant une amie journaliste qui avait prévenu la télévision. Un an après, j’ai lu dans Paris Match que nous étions 200 ou 400 !
Deux ans après, j’ai lu qu’on était 5000 ! Je sais qu’on était exactement neuf, nous avions quatre banderoles, il fallait deux personnes pour en porter une et qu’au dernier moment je me suis retrouvée seule pour porter cette gerbe.

Christine Delphy

Christine Delphy

 « Quand nous sommes arrivées, un policier s’est approché de moi et a pris un côté de la gerbe, je pensais qu’il allait m’aider à la porter mais en fait il nous a conduit au poste de police, et finalement nous n’avons jamais pu déposer vraiment cette gerbe ! Un des policiers un peu énervé ne comprenait ce qu’on voulait, il disait ‘Quand même il y a de vrais hommes’, il avait cru que notre banderole voulait dire qu’un homme sur deux n’était pas vraiment viril !
Et puis, il y a un commissaire qui est venu nous voir en nous disant ‘Mais vous n’avez pas honte ?’ Comme si le simple fait que des femmes manifestent sur la tombe du soldat inconnu avait un caractère sacrilège.

Une fois embarquées dans un fourgon, ils ont arrêté les sirènes ce qui nous a vexé car nous voulions nous faire remarquer, du coup on s’est mis aux fenêtres en criant ‘Pin pon, pin pon' ». 

Christine Delphy, sociologue, en 1965, elle travaille pour la Washington Urban League (une organisation de défense des droits civiques des Noirs). Elle entre au CNRS en 1970 et est actuellement directrice de recherche émérite.  Auteure de nombreux livres dont L’Ennemi principal (éditions Syllepse) Tome 1 (1998): économie politique du patriarcat. Tome 2 Penser le genre (2001).

Le 26 août 1970, non loin de l'Arc de Triomphe, neuf femmes tentent de déposer une gerbe en l'honneur de la femme du soldat inconnu. 

Le 26 août 1970, non loin de l’Arc de Triomphe, neuf femmes tentent de déposer une gerbe en l’honneur de la femme du soldat inconnu.
©inconnu/ sources matilda.education

1 homme sur 2 est une femme, un slogan mal compris

« On était quelques-unes dans un petit groupe qu’on appelait les ‘petites marguerites’. On a vraiment réfléchi et on a eu des idées qui ont fusé. Et puis, on s’est dit ‘Tiens, on va faire ça!’ C’est cette action-là précisément qui nous a fait connaitre du reste des femmes qui commençaient à s’interroger.

« Nous notre truc, c’était ça, ‘Sachez qu’un homme sur deux est une femme », si vous sentez ça, c’est le moment de bouger. Et c’est ce qui s’est passé. Donc pour moi, c’est la naissance du Mouvement de Libération des Femmes et c’est surtout la naissance d’une prise de conscience collective de ce travail.

Cathy Bernheim

Cathy Bernheim
©matilda.education.fr

C’était marrant, ils avaient des casquettes comme ça (les policiers) et ils ne savaient pas quoi faire du tout!
Il y avait Christiane Rochefort, écrivaine et Monique Vitti, également écrivaine, toutes deux minuscules qui brandissaient cette banderole, avec des grands baraqués qui se demandaient qu’est-ce-qu’ils allaient pouvoir faire avec ces bonnes femmes ! On s’est retrouvées dans un poste de police qui se trouvait dans un des piliers de l’Arc de Triomphe.
Ils nous ont trimballées jusqu’à un autre commissariat où ils ont pris nos identités et puis ils nous ont relâchées. Et nous pendant tout ce temps-là, on chantait nos chansons. Nous on a fait ça dans la bonne humeur, c’était la libération ! On se libérait, sans obliger les autres à se joindre à nous. On se libérait ensemble ! »

Cathy Bernheim, écrivaine et journaliste, traductrice des autobiographies d’Angela Davis et Emma Goldman (avec Annette Lévy Willard), auteure de biographies (Mary Shelley, Valentine Hugo, Picabia, Hippolyte Bernheim), de romans et d’essais.
(Propos recueillis par Matilda.education, 2019)

Neuf femmes pour une action fondatrice

Emmanuelle de Lesseps

Emmanuelle de Lesseps ©Debout/Carole Roussopoulos

« Notre première grande action, où nous n’étions que neuf, ce fut ce dépôt de gerbe à la femme du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe.

Je suppose que personne n’imaginait que neuf femmes pouvaient faire quelque chose d’un peu osé.

Ce qu’on voulait, c’était faire quelque chose d’un peu spectaculaire pour qu’on parle de l’existence d’un noyau du Mouvement de Libération des Femmes.
Ce n’était pas grave si nous n’étions que 9, mais il fallait qu’on en parle, donc on avait prévenu la presse. Je me souviens que lorsque nous sommes arrivées avec notre banderole ‘Un homme sur deux est une femme’, il y a un flic un peu affolé que j’ai entendu téléphoner et qui a dit ‘Il faut plusieurs cars, il y a une manifestation, on sait pas ce qu’il peut se passer’, ça nous a rendu hilares.
Je suppose que personne n’imaginait que neuf femmes pouvaient faire quelque chose d’un peu osé ». 

Emmanuelle de Lesseps, traductrice, journaliste, et adaptatrice d’ouvrages pour la jeunesse. Militante féministe de la première heure, elle s’engage en 1968 dans le groupe FMA (Féminin, Masculin, Avenir), très active de 1970 à 1972 dans la tendance féministe révolutionnaire du MLF.

(Témoignages de Christine Delphy et d’Emmanuelle de Lesseps extraits du film Debout! de Carole Roussopoulos, 1999)


L’histoire du féminisme et du MLF

Une vidéo de 4’18 » / Archives INA

8 mars 1982 – Archive vidéo INA
Condition de la femme : Historique du mouvement des femmes pour l’égalité grâce à des images d’archives, des photos et des gravures. Images Gaumont Bristish News Archives où la suffragette David AMILSON se jette sous les sabots du cheval du roi / archives : manifestation de femmes dans la rue / banc-titre : documents de la bibliothèque Margueritte DURAND gravures/ Banc-titre : dessin du mouvement des femmes sous la commune / archives manifestation de femmes aux USA, en Grande Bretagne du début du siècle / affiches anglaises / archives : appel d’un garde champêtre qui annonce le vote des dames / manifestation de femmes / Photos Simone DE BEAUVOIR, Betty FRIEDAN, Kate MILLET, Benoîte GROULT/ archives Pathé avec Louise WEISS, Hélène BOUCHER, Maryse BASTIE . Images d’archive INA