Le comédien Denis Lavant n’en n’est pas à sa première expérience avec le théâtre de rue. Que ce soit avec « Les 26 000 Couverts » ou « 2 Rien Merci » de Jérôme Bouvet, il est fasciné par les coulisses de l’éphémère, de l’imaginaire, « Moi, ce qui me plaît, c’est de retrouver le plein air et un rapport direct avec le public. Le fait que tout le monde fait tout, change les décors, fait la musique : cette vie-là, elle est épatante ! »
En juillet 2019, Denis Lavant, seul en scène s’illustrait à Avignon dans une pièce de Samuel Beckett mise en scène par Jacques Osinski, “La Dernière bande”, au Théâtre des Halles. Ses rôles, les maîtres qui l’ont formé ou ses pires souvenirs… Il s’était prêté au jeu des questions sur petits papiers colorés de “Télérama”. Une vidéo de 9’19 » …
Denis Lavant : « L’idéal, c’est d’avoir un rapport poétique à la vie, au quotidien, et de ne pas avoir besoin de scène pour exercer cela »
Au micro d’Arnaud Laporte, Denis Lavant fait sa Masterclasse. À Avignon, au milieu des cigales, il évoque son parcours de comédien, sa recherche d’un idéal (celui du clown), son rapport aux arts et aux metteurs en scène qu’il a rencontrés depuis ses débuts, dans les années 1980.
Denis Lavant est un comédien de théâtre et de cinéma. Vers 13 ans, il entame des cours d’expression corporelle et parallèlement à ceux-ci, il s’exerce seul à acquérir des disciplines de cirque : jongler, marcher sur les mains, pratiquer le monocycle, le funambulisme… Il avait davantage de facilité avec son corps qu’avec la parole mais s’est rapidement déterminé à devenir comédien, après avoir hésité un moment à se diriger vers les arts du cirque dont il aimait l’énergie et l’excentricité. Il choisit le théâtre plutôt que le cirque pour « aller vers la parole« .
Il commence à jouer avec une troupe dès le lycée, un endroit de liberté selon lui, avant d’aller étudier à l’ENSATT, rue Blanche, à Paris. Il part ensuite avec une troupe de théâtre sur les routes de Belgique où il y apprend « le rapport à la vie », avant d’intégrer le Conservatoire.
La recherche d’un idéal clownesque et poétique
Mon option cachée, mon option occulte, mon plan de navigation très intime, c’est d’être clown. Mais, curieusement, on ne va pas forcément où on veut. La navigation c’est de prendre des caps, de tirer des bords… et puis il y a la dérive, le vent. Mon idéal, c’est d’être un clown sur une piste de cirque. Le clown est le poète de la piste. Denis Lavant
Leos Carax et Denis Lavant, une histoire d’identité
Dès ses premiers pas sur scène et face à la caméra, Denis Lavant travaille avec des metteurs en scène prestigieux comme Antoine Vitez, Claude Lelouch, Patrice Chéreau, Matthias Langhoff, et enfin Leos Carax, qui le fera tourner dans cinq films, et avec qui il noue une relation hors-norme.
« Entre nous, c’est une histoire d’identité. Parmi tous les comédiens de ma génération, il a décidé que c’était moi qui pouvais être son personnage de fiction, sa projection cinématographique, celui qui va être le personnage d’Alex dans trois films aux personnalités différentes : « Boy Meets Girl », « Mauvais Sang » et « Les Amants du Pont-Neuf ». Tout l’univers de l’enfance nous liait et continue à nous lier. Il a perçu chez moi une capacité de jeu naturaliste et excentrique. C’est le premier qui m’a fait danser… Il m’a fait sortir de moi-même. « Denis Lavant
Le théâtre comme présent absolu
De tous les arts qu’il pratique, Denis Lavant préfère avant tout le théâtre, pour son essentialité.
Le comédien est forcément dans une création, dans une proposition, lui-même matériau et démiurge de son jeu. (…) Le théâtre est un exercice qui n’a pas son pareil, un acte archaïque, un phénomène humain de l’ordre de la cérémonie magique, une assemblée de gens qui accepte de croire qu’un groupe d’artisans sont les personnages d’une histoire fictive. Ils acceptent cette illusion, d’être à distance et en même temps partie prenante de ce qui est en train de se raconter. Au cinéma, c’est factice. Je ne tiens pas à tourner absolument au cinéma car c’est rentrer dans un domaine factice qui veut faire croire que c’est du réel : on a davantage tendance à identifier l’acteur à son personnage, il y a une sorte de confusion que je trouve bête. J’ai aimé en faire, j’aime en faire, mais je méfie du cinéma, dans ce que ça implique dans la relation humaine. Je continue l’artisanat du théâtre car c’est un des seuls endroits de l’existence où on peut être, sans arrière-pensées, dans du présent, un présent le plus absolu possible… Denis Lavant