Spectacle et mesures sanitaires : l’équation impossible ?

Est-il possible d’organiser en ce moment un événement artistique en France, à l’heure de la distanciation sociale ? Loin d’avoir des réponses définitives, Philippe Cuvelette et Scott Delhaise-Ramond cofondateurs de Moë-kan et passionnés pour les « objets artistiques » viennent d’expérimenter à Brest l’organisation d’une journée de spectacles avec « dispositif Covid ». Ils nous livrent quelques éléments concrets de réponse…

Mettre en place le retour d’activité

Depuis le déconfinement, Moë-Kan est actif dans le domaine de l’aide aux entreprises pour appliquer les mesures sanitaires et accompagner le retour à l’activité. Le Centre Dramatique National La Commune d’Aubervilliers a, par exemple, fait appel à nous afin de permettre le redémarrage de son activité dans le strict respect des mesures préconisées. Nous l’accompagnons jusqu’à la fin du mois de juillet.

Jusque là, cependant, nous n’avions pas eu affaire à la gestion du public, uniquement à des travailleurs. Quand Yano Benay, de la compagnie Dédale de Clown, nous a sollicités pour « La Cour des Miracles », Philippe Cuvelette et moi-même avons accepté car cela nous permettait de revenir à l’essence même de notre société, c’est-à-dire permettre la rencontre entre le public et le propos artistique.

Pourtant, le contexte est peu réjouissant. Tous les concerts et festivals sont annulés, et le peu d’événements qui ont lieu semblent se dérouler, selon les comptes-rendus de la presse et des politiques, sans aucun respect des mesures barrières. Est-il seulement possible d’amener un public devant un spectacle et de respecter les mesures sanitaires ?

Parmi les artistes aussi, beaucoup de voix se font entendre pour dire qu’il n’est pas possible d’appliquer les mesures barrières dans le cadre d’un spectacle, voire que c’est la mort du spectacle et que la subversion de l’artiste passe par le non-respect des demandes de l’Etat dans ce domaine…

Ce n’est pas le cas de Yano, qui nous investit de la mission de résoudre l’équation Mesures Sanitaires + Public + Spectacles et nous fait confiance pour réussir !

Quel Bilan ?

Force est de constater que le bilan est extrêmement positif. La jauge public maximum est quasiment atteinte tout l’après-midi, le public est ravi, et six spectacles ont pu se relayer entre 11h30 et 19h30.

Les mesures sanitaires ont bien fonctionné. Tout d’abord, le public joue le jeu, en venant équipé de masque (nous l’avions indiqué sur la communication préalable et, au final, nous en avons fourni très peu), le masque est majoritairement porté dans l’enceinte, les distances de sécurité sont naturellement respectées. Le choix de la signalétique et de l’accompagnement plutôt que la coercition semble porter ses fruits.

Tout cela a été rendu possible grâce au soutien volontaire de l’organisateur, la Compagnie Dédale de Clown et son Directeur Artistique Yano Benay. Sans ce rôle moteur, nous n’aurions pas été en mesure de déployer ces mesures. Les 17 bénévoles de l’Association se sont particulièrement sentis investis. Un grand merci donc pour avoir fait appel à nous et nous avoir fait confiance.

Merci également aux artistes qui ont joué le jeu et ont participé également en incluant de manière humoristique le contexte et les mesures s’y rapportant.

Merci enfin à nos compagnons de route, dont Claude Guillou, Régisseur Général plein de talent et d’humanité qui a participé à la faisabilité de l’ensemble.

Philippe Cuvelette indique aux bénévoles l'emplacement de la signalétique dans le lieu du festival

Des demandes préfectorales précises

Quelle a été notre démarche ? Une fois un premier repérage effectué, il s’agit de remplir le dossier de sécurité demandé par la Mairie et la Préfecture. Il est presque curieux de constater qu’il ne semble subsister qu’un risque, et que celui-ci est sanitaire. Exit la peur de l’attentat ou les risques d’incendie. Bon, j’exagère, mais la place accordée aux mesures sanitaires est prédominante.

Fort de notre expérience récente et de notre veille permanente, nous construisons un dispositif avec en tête deux éléments essentiels :

  • Les demandes officielles,
  • L’incitation et l’information plutôt que la coercition.

Quelques grands axes se dessinent alors :

  • Le placement du public,
  • La détermination de la jauge,
  • La gestion des flux,
  • Les files d’attente, particulièrement à l’espace convivialité,
  • L’hygiène,
  • La signalétique et l’information du public.

Le placement du public

Marquage au sol, quadrillage de 2m par 2m servant de guide aux équipes de placement du public

Bien que nous soyons en plein air, le public doit être assis. En effet le Haut Conseil de la santé publique déconseille les espaces type « fosse » avec public debout mais propose quand même cette possibilité en respectant la distanciation physique, et la Préfecture de Brest demande explicitement que le public soit placé et assis. Nous avons opté pour des gradins (avec une place laissée vacante entre chaque groupe mais, vu la taille des gradins, les groupes occupaient la majorité des places) et une assise au sol avec un marquage léger servant de guide aux équipes plaçant le public à l’aide de frites en mousse permettant de vérifier le mètre de distanciation.

La détermination de la jauge

Panneau indiquant la distanciation pour le placement du public

Afin de garantir la distanciation, nous avons bloqué, compte-tenu des contraintes de placement, la jauge à 350 personnes. Nous devons pouvoir garantir cette jauge maximum tout au long de la manifestions, d’où un contrôle régulier (tous les quarts d’heure) du PCO vers les entrées et les sorties (équipées de compte-brebis), via un canal de talkie-walkies dédié.

La gestion des flux

Mise en place de flux d'entrée et d'aller et retour à l'espace convivialité séparés

Autre impératif, garantir des flux séparés au maximum sur le site. Séparer l’entrée et la sortie du public était bien sûr une évidence.

Il faut également séparer les flux internes en particulier les flux vers l’espace convivialité, d’où l’installation de trois flux différents (voir photo ci-contre) avec barriérage et marquage au sol.

Enfin pour les toilettes, nous optons pour un fléchage au sol avec deux flux derrière les gradins sans barriérage (pour éviter les soucis de compression ainsi que les problèmes en cas de panique ou d’évacuation), comme par exemple sur les quais dans le métro parisien.

Les files d’attente

File d'attente pour la crêperie installée sur l'espace convivialité

Qui dit flux vers la convivialité ou les toilettes dit files d’attente. Selon les lieux nous mettons en place un marquage au sol et des barrières à certains endroits. Et, conformément aux recommandations, il n’est pas possible de s’installer à proximité du bar ou de la crêperie pour boire et / ou manger. Nous installons plutôt un ensemble de tables distanciées dans un lieu à proximité des spectacles.

L’hygiène

Pour rendre efficientes ces mesures, le volet hygiène est évidemment réfléchi. Dès l’entrée, les spectateurs sont invités à utiliser le gel hydro-alcoolique. D’autres points sur le site (toilettes avec également savon et essuie-mains à usage unique, espace de convivialité) sont également équipés de gel hydro-alcoolique. Enfin, une équipe de bénévoles est spécialement dédiée à la gestion des poubelles.

La signalétique et l’information du public

Panneau d'information sur les mesures sanitaires

Ces mesures doivent nécessairement s’accompagner d’une information à destination du public. Ce dernier est sensibilisé par deux équipes à l’entrée (une en amont et une à l’entrée effective du festival). L’affichage est judicieusement réparti sur le site avec quelques panneaux d’informations exhaustifs et un rappel plus léger des mesures par endroit. Les toilettes et l’espace convivialité font l’objet d’une information spécifique.

Rédigé par Scott Delhaise-Ramond
Consultant / Formateur / responsable administratif chez Moë-kan SAS


En savoir plus sur l’histoire des Moë-Kan

Passionnés par le théâtre, ils décident  dès 1985 de travailler auprès des auteurs du spectacle vivant… et de prendre en charge tous les aspects techniques et logistiques pour que leurs écritures rencontrent le public.
Certains de participer à quelque chose d’extraordinaire et de vital, ils deviennent un maillon essentiel pour servir le spectacle vivant et l’événement. Suivent de nombreuses missions dans des fonctions managériales sur le territoire national et international.

Fin 1999, ils rencontrent, entre autre, les auteurs du « Théâtre de Rue », leurs poésies et scénographies parfois monumentales. Ainsi que les artistes circassiens et leur énergie à lutter poétiquement contre les lois de l’apesanteur.

Dans des villes d’ici et d’ailleurs, ils et elles posent des objets artistiques aux étonnantes jauges publiques (70 000 personnes, et plus encore…) et aux nombreuses contraintes techniques, réglementaires et logistiques.

Ils et elles confrontent leurs méthodes de travail à la réglementation applicable, aux acteurs de la sécurité publique et à l’espace public (de Morlaix à Caracas, de Chalon sur Saône à Ottawa,….). Avec à cœur de manager des projets complexes aux formes artistiques différentes, et de grandes équipes multiculturelles au fort tempérament.

Parallèlement ils et elles qualifient individuellement leurs parcours par de la formation dans les domaines, entre autre ; du management et de la conduite de projet, de la prévention des risques professionnels, de la sécurité incendie, de la gestion de crise, de la conduite du changement, de la gestion financière et d’entreprise, du recrutement, etc….

Depuis 2001 ils et elles sont sollicités régulièrement pour des interventions pédagogiques dans leursdomaines de compétences.


Aujourd’hui…


« La société MOË-KAN est née de notre passion pour les « objets artistiques », de la convergence de nos compétences avérées et de notre volonté de servir l’événement, la conduite du changement et le management de la sécurité.
Mais aussi, de notre souhait de valoriser notre secteur d’activité et ces protagonistes.
Notre façon de participer aussi à la « résistance » contre l’invasion de l’austérité en servant l’utopie et la poésie, la métaphore poétique et parfois militante proposée par les auteurs du spectacle vivant ou de l’événement. »

Philippe Cuvelette et Scott Delhaise-Ramond cofondateurs de Moë-kan