Marseille : immersion dans les quartiers Nord confinés

Bassens, c’est un quartier populaire du 15e arrondissement de Marseille. Sortie de terre au milieu des années 60, la cité avait été créée de toute urgence pour répondre à une crise du logement. Le coronavirus et le confinement ont des conséquences très concrètes. Pour Brut, Camille Reporter s’est rendue sur place à Bassens pour rencontrer les habitants et découvrir la réalité du quartier.

 

 

Marseille : immersion dans les quartiers nord confinés

À Marseille dans les quartiers nord, le coronavirus et le confinement ont des conséquences très concrètes. Pour Brut, Camille Reporter s’est rendue sur place à Bassens pour rencontrer les habitants et découvrir la réalité du quartier.

Bassens, cité de Marseille confinée et livrée à elle-même

Immersion dans cette cité du 15ème arrondissement de Marseille où l’entraide aide à mieux vivre, malgré le confinement, l’absence de services publics et l’insalubrité.

Brut s’est rendu à Marseille, dans la cité Bassens, située dans le 15ème arrondissement. Depuis des années déjà, les habitants se sont habitués à la quasi-absence de services publics. Ici, presque aucun transport, pas de centre aéré, pas d’activités, et des habitants complètement isolés, qui peuvent seulement compter sur une boulangerie.

Comme d’autres quartiers français, Bassens été construit dans les années 1960 pour reloger des familles algériennes et gitanes qui vivaient alors dans des bidonvilles. 60 ans plus tard, cette cité, pourtant prévue pour être provisoire, est toujours là.

Les bénévoles remplacent les services publics

Pendant la crise économique due à l’épidémie de Covid-19, ce sont les femmes de la cité marseillaise qui prennent les choses en main. Brut s’est rendu local au de l’association des femmes de Bassens, où les habitantes proposent notamment de s’occuper des enfants et de les aider pour le travail à la maison. « Tous les enfants n’ont pas des parents qui peuvent les aider, qui parlent ou écrivent français », explique une des bénévoles.

Les cours et les devoirs, c’est Nadia qui s’en charge. « J’ai dix enfants du collège, cinq ou six des lycées, après j’ai les primaires… Je ne sais pas, j’en ai beaucoup ! » L’un des problèmes majeurs pour ces élèves, c’est l’absence d’accès à Internet, voire à un ordinateur, constate Nadia. Tous les jours, elle s’occupe également des autres habitants de la cité : courses, paperasse, administratif… « Je les emmène aussi chez le médecin, à la pharmacie… Je fais la bénévole toute la journée », ajoute Nadia.

Depuis le début du confinement à Marseille, les résidents de Bassens se voient distribuer des chèques-service afin d’acheter des produits d’alimentation et d’hygiène. Sans ces aides, de nombreuses familles ne pourraient pas boucler leurs fins de mois, assure Nadia. « D’autant qu’on est en plein ramadan. » Mais personne ne se plaint à Bassens. Car la cité est avant tout une grande famille. « J’ai l’impression que Bassens, c’est une maison, et que chaque appartement, c’est une chambre », confie Nadia.

Des logements insalubres et non respectueux des normes sécuritaires

Difficile toutefois de passer outre l’insalubrité des bâtiments. Une habitante nous fait visiter son immeuble pour nous faire constater l’étendue des dégâts. « Moi, j’habite dans le bâtiment G. Il n’y a pas le « G ». On n’a pas de rambarde sur les escaliers. Les escaliers étaient cassés, ils nous ont remis des barres en fer. Il n’y a pas de lumière. Les murs se fissurent tout seuls », détaille cette femme.

Même sa porte d’entrée est cassée. « Ça fait presque deux ans. Un jour, la porte est restée bloquée et ma fille est restée coincée à l’intérieur. On a été obligés de mettre un coup de pied pour la casser. » Les logements sont si détériorés que la sécurité des résidents est parfois menacée. « Une prise était en train de prendre feu à cause des cafards », se souvient amèrement la Marseillaise.

Malgré le non-respect des normes sanitaires et sécuritaires, le loyer est de 400 euros par mois, et cette résidente, mère de famille, n’est pas toujours en mesure de le payer. Elle aurait d’ailleurs dû être expulsée de son logement avant le confinement. « J’ai eu deux mois en retard de loyer. Mais ils n’ont pas eu le droit de me mettre dehors avec mes cinq enfants. Pour le moment, je touche le RSA, je paye le loyer, l’électricité, la cantine, l’assurance… Avec ce qu’on a, on vit avec. »

Pour s’en sortir, certains vivent de petits trafics

À Bassens, les habitants ont l’impression d’être des citoyens de seconde zone. Et quand le travail manque, c’est la débrouille qui s’impose. Pour certains jeunes, ça passe par de petits trafics. C’est le cas d’un garçon du coin, qui deale près des HLM. Sur le mur derrière lui, un tag du nom du quartier, « Bassens », et le message « direction du drive ». « Là, il y a le menu. Les morceaux à 10 c’est du « bon jaune », les morceaux à 30 aussi, les morceaux à 50 c’est de la « moula », les 300 c’est « plak », « bonne fumette » », explique le garçon.

Ça fait longtemps que ces jeunes ne prennent plus la peine de se cacher. « Dès qu’on voit des personnes âgées, on cache ça par respect. Mais après, les habitants… ils sont droits avec toi. Après, c’est un bon quartier, c’est pas un quartier de fils de pute », tempère le jeune homme. L’adolescent deale depuis qu’il a 12 ans. Aujourd’hui, il en a 16. Et depuis le confinement, il travaille encore plus. « C’est passé de 10 heures à 21 heures », détaille-t-il. Pour lui, c’est « de l’argent facile ».

Mais il assure ne presque rien dépenser. Les recettes du trafic, c’est pour sa famille, à qui il verse 1.500 euros par mois. « Le reste, c’est pour moi. » Il affirme toutefois que sa famille n’est pas réellement au courant de ses activités. Même si l’école lui manque, le garçon ne se fait pas vraiment de soucis pour son avenir. Selon lui, la pire chose qui puisse lui arriver, c’est la prison. Et la prison, c’est déjà mieux que des représailles ou des règlements de compte.

« C’est un quartier fabuleux, c’est tout une fratrie »

Kera est une autre habitante de Bassens, où elle vit depuis 20 ans. Et elle est touchée de plein fouet par l’épidémie : Kera travaille comme aide-soignante en réanimation. « Et en ce moment, je suis en plein secteur Covid-19 », précise-t-elle. Tous les jours, elle se rend à l’hôpital avec la boule au ventre. « De jour en jour on a moins de matériel, malheureusement. » Ce qui console Kera quand elle rentre chez elle au soir, c’est l’ambiance dans sa cité : « C’est un quartier fabuleux. Il faut être né à Bassens. C’est génial, c’est tout une fratrie. »