Pourquoi l’Australie brûle …

Plus de dix millions d’hectares ont été détruits par les violents incendies que subit l’Australie depuis septembre, ce qui place cet été 2019-2020 parmi les saisons  les plus dévastatrices qu’ait jamais connues ce pays. Nourrie par la sécheresse, cette catastrophe ravive le débat national sur la lutte contre le réchauffement climatique, d’autant que le premier ministre, Scott Morrison, est critiqué pour son manque d’ambition …

Pourquoi les incendies en Australie sont-ils si vastes et violents cette année ? Quelle part le changement climatique joue-t-il ?
Réponse dans cette vidéo de 5’06 » publiée par dans Le Monde.fr du 12 janvier 2020.

Le dipôle de l’Océan Indien : derrière les immenses incendies en Australie, une anomalie des courants marins dans l’océan Indien

Depuis trente ans, les chercheurs cherchent à comprendre le dipôle de l’océan Indien, qui bouleverse la répartition des pluies …

Par , publié dans Le Monde du 16 janvier 2020

Australie, une saison des feux dévastatrice

Une trentaine de morts, des territoires dévastés, la faune et la flore durablement affectées… Quelle est la situation en Australie ? Comment l’expliquer ? Comment réagissent les autorités ?

Vingt-huit morts, un milliard d’animaux tués, 80 000 kilomètres carrés de terres carbonisées, et plus de deux mille maisons détruites… Les incendies qui ravagent l’Australie depuis plusieurs mois ont atteint un niveau d’intensité record, dans un pays pourtant habitué à affronter chaque année les feux de l’été austral.

Derrière cette dévastation ignée, on trouve une conjonction de facteurs, parmi lesquels une anomalie de circulation atmosphérique identifiée voilà seulement trente ans : le dipôle de l’océan Indien (DOI).

Durant l’été boréal, une remontée d’eau froide à la surface est observée à l’est du bassin océanique

D’ordinaire, dans l’océan Indien, les températures de l’eau de surface au niveau de l’équateur sont, en moyenne, relativement plus chaudes à l’est, sur les côtes indonésiennes, et plus froides à l’ouest, le long de l’Afrique. Du fait de cette différence, les vents soufflent généralement d’ouest en est. Saisonnièrement, durant l’été boréal, une remontée d’eau froide à la surface est observée à l’est du bassin océanique, avec les vents de mousson. Mais cette situation, qui constitue la « phase neutre » du DOI, peut connaître de forts bouleversements.

Certaines années, de septembre à novembre, le phénomène d’interaction entre l’océan et l’atmosphère est accentué. On assiste alors à une remontée plus importante des eaux froides de surface vers l’est de l’océan Indien, autour des îles indonésiennes, qui engendre une baisse des précipitations.

A l’inverse, le long des côtes africaines, une hausse soudaine des températures de l’océan est constatée. On parle alors de « phase positive » du dipôle, qui rappelle un phénomène bien connu dans le Pacifique pour le lot de catastrophes meurtrières qu’il engendre : El Niño. « C’est un phénomène comparable, mais sa durée et ses mécanismes diffèrent », résume Eric Guilyardi, climatologue au CNRS …

La suite dans Le Monde du 16 janvier 2020 …


Climat. Le dipôle de l’océan Indien, cousin d’El Niño, assèche l’Australie

Il s’appelle le dipôle de l’océan Indien. Les chercheurs étudient depuis 1985 seulement ce perturbateur de climat, qui cause inondations en Afrique de l’Est et sécheresse dans le nord australien.

Pascal Terray, chercheur au laboratoire Locean (IRD, CNRS), à Sorbonne Université répond aux questions de Ouest-France

À cause de la sécheresse l’Australie est ravagée par des incendies monstres.
À cause de la sécheresse l’Australie est ravagée par des incendies monstres. | AFP / Peter Parks

La sécheresse et les feux en Australie seraient liés au dipôle de l’océan indien. De quoi s’agit-il ?

Le dipôle de l’océan Indien est un phénomène d’interaction entre l’océan et l’atmosphère, assez proche d’El Niño. Dans l’océan Indien, au niveau de l’équateur, vous avez des températures de surface, en moyenne, relativement plus chaudes à l’est, sur les côtes de Sumatra-Java, et des températures plus froides du côté de l’Afrique, à l’ouest. Liés à cette différence (gradient) de température, les vents équatoriaux ont tendance à souffler d’ouest en est, aux saisons intermédiaires, pendant le printemps et l’automne. Cette situation décrit les conditions normales. On parle aussi de dipôle négatif.

Pendant l’été boréal, les vents de mousson (du sud vers le nord) provoquent des remontées d’eau froide, qui refroidissent la partie est. C’est une fenêtre où le système peut être déstabilisé. Le phénomène du dipôle de l’océan Indien peut alors s’inverser, devenir positif, avec des températures qui ont tendance à être plus chaudes à l’ouest, et plus froides de l’autre côté du bassin.

Pascal Terray, chercheur au laboratoire Locean (IRD, CNRS), à Sorbonne Université |

Que se passe-t-il concrètement ?

Les eaux plus chaudes génèrent des précipitations et causent des inondations sur l’Afrique de l’Est. Et les eaux plus froides engendrent la sécheresse que l’on observe actuellement dans le nord de l’Australie. Le dipôle connaît en général son pic en septembre-octobre-novembre, ce qui correspond au printemps austral.

Depuis quand la science s’intéresse-t-elle à ce phénomène ?

Depuis peu, contrairement à El Niño qui a été découvert et étudié par les Anglais lorsqu’ils ont colonisé l’Inde et qu’ils ont mis en place des premiers systèmes de prévisions pour éviter les problèmes de famine liés à la mousson. Les premières études sur le dipôle de l’océan indien datent de 1985. Il n’a pas été facile à distinguer, car ces effets peuvent correspondre à la signature d’El Niño dans l’océan Indien, sauf que ce dernier s’étale plutôt sur une année.

Il faut savoir que les deux bassins, indien et pacifique, sont très liés par une piscine d’eau chaude (tropical warm pool) qui entoure le Continent maritime (de l’Indonésie à la Papouasie-Nouvelle-Guinée) et le nord de l’Australie. C’est une zone extrêmement sensible aux variations de température de ces deux océans tropicaux.

Le gouvernement australien connaît-il l’existence du dipôle et ses conséquences ?

L’inversion de ce changement de température est un phénomène lent. Il se développe pendant plusieurs mois avec un maximum pendant le printemps austral. Ses effets sur le climat estival en Australie sont donc prévisibles, pas du tout comme une tempête qui vous arrive dessus en deux jours. Les prémices de ce dipôle positif sont apparues fin juillet, bien avant la période chaude en Australie. Les scientifiques ont fait leur travail d’alerte. Mais, malgré les systèmes d’alarme qui sont bien développés en Australie, les décisions législatives et politiques indispensables pour protéger le territoire et mettre en place des solutions qui pourraient empêcher la récurrence de ces feux de forêt et les conséquences de ces vagues de chaleur liées aux aléas climatiques, tardent à venir. Le gouvernement australien actuel est négationniste et ne tient pas compte de l’impact du changement climatique et des alertes des scientifiques.

Le réchauffement climatique accentue-t-il le phénomène ?

Certaines études suggèrent qu’il pourrait avoir une incidence sur la fréquence du dipôle, car le réchauffement observé est plus significatif à l’ouest qu’à l’est. Le système climatique régional est donc plus facilement déstabilisable. À cause de cette répartition spatiale du changement climatique, il n’est pas impossible que vous ayez davantage de dipôles positifs dans l’avenir avec plus de sécheresse dans le nord de l’Australie.

Mais le sud-est, autour de Sydney et Melbourne, brûle aussi…

La sécheresse de l’Australie n’est pas liée uniquement au dipôle ou à El Niño. Au sud, entre l’Antarctique et le continent australien, un autre phénomène de variabilité atmosphérique connu, le mode annulaire, inhibe actuellement les précipitations dans la région sud-est. Il faut ajouter à cela la sensibilité accrue du centre désertique de la grande île au réchauffement climatique. Les températures y augmentent plus significativement qu’ailleurs à cause des activités humaines.