En direct de Valparaiso, Le Chili en éruption.

Photo David Cormier Le Télégramme Brest 2016

« Nous sommes lundi. Il est 18 h, c’est le couvre-feu. On est cloîtrés chez nous. Samedi, c’était à minuit. Dimanche, c’était à 20 h. Il y a des manifestants qui sont quand même descendus dans les grandes artères de Valparaiso. Et les militaires sont dans les rues. On entend que ça dégomme, des sortes de balles de caoutchouc. Un hélico de l’armée vient de survoler la ville pendant une quinzaine de minutes » …

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Voir aussi l’ article de David Cormier
publié dans Le Télégramme.fr du 22 octobre 2019

Le témoignage d’un Breton dans un pays « en guerre »

Kevin Morizur, ici à Brest en 2016, vit à Valparaiso. Il décrit une situation très tendue. (Photo David Cormier) © Le Télégramme

Depuis vendredi, le Chili est en éruption.
Au point que son Président l’a déclaré « en guerre » ! La hausse du ticket de métro a fait exploser un pays tenu pour le plus prospère d’Amérique latine, où la démocratie envoie alternativement gauche et droite au pouvoir mais, c’est moins connu, celui où les inégalités croissent le plus vite. Santiago, la capitale, mais aussi Valparaiso sont touchées. Kevin Morizur, du Relecq-Kerhuon (29), y vit.

« Nous sommes lundi. Il est 18 h, c’est le couvre-feu. On est cloîtrés chez nous. Samedi, c’était à minuit. Dimanche, c’était à 20 h. Il y a des manifestants qui sont quand même descendus dans les grandes artères de Valparaiso. Et les militaires sont dans les rues. On entend que ça dégomme, des sortes de balles de caoutchouc. Un hélico de l’armée vient de survoler la ville pendant une quinzaine de minutes ».

Kevin Morizur, 37 ans, originaire du Relecq-Kerhuon, près de Brest, vit à Valparaiso depuis six ans. Il s’est installé dans la ville-port du Chili pour travailler à Teatro Container, une compagnie d’artistes de rue. Elle avait participé à Brest 2016, dans le cadre de son partenariat avec son homologue brestoise, Le Fourneau. Valparaiso, siège du Congrès, mythique cité dont les collines semblent former un amphithéâtre descendant vers le Pacifique, désormais théâtre de scènes qui ne sont pas du spectacle.

« Les gens revendiquent pour pas mal de choses »
« C’est parti, ce week-end, de la hausse du prix du ticket de métro mais les gens revendiquent pour pas mal de choses : la santé, le pouvoir d’achat… », nous indiquait Kevin Morizur, par téléphone, lundi soir, juste après avoir quitté un rassemblement. « En fait, c’est un peu comme le mouvement des gilets jaunes en France ». Il évoque aussi « ces anciens pro-Pinochet (l’ancien dictateur, NDLR) qui occupent aujourd’hui des postes importants, comme le ministre de l’Intérieur, Andrés Chadwick », qui avait fait repentance, en 2012, année où il est devenu ministre pour la première fois.

Kevin Morizur témoigne, sur sa page Facebook, d’un « rassemblement pacifiste réprimé par les carabineros, place de l’Équateur », photos de manifestants brandissant des pancartes ou direct vidéo à l’appui… « Les réseaux de téléphonie mobile sont réduits pour éviter l’envoi de photos et vidéos », estime-t-il, un peu plus tard. Situation volcanique. « La Constitution, qui date de Pinochet, permet ce degré de répression », juge-t-il, même si elle a subi des révisions depuis.

« Si tu sors de chez toi, on t’embarque »
«  Le président Piñera a annoncé qu’il a allait mener une guerre, dans son propre pays ! Le ministre de l’Intérieur incite à plus de violence encore. Ce midi, il y avait une manifestation pacifique, en bas. Mais personne n’a pu s’approcher à cause des flots de lacrymos. Au bout de deux ou trois heures, les flics ont chargé aux lacrymos et tout le monde est remonté sur les collines. Et l’info est tombée du couvre feu à 18 h. Donc, si tu sors de chez toi, on t’embarque et tu passes au tribunal le lendemain, je crois. C’est une restriction des libertés pure et simple. Les écoles et administrations ne fonctionnent plus. Ici, la plupart des supermarchés ont été pillés, saccagés et éventuellement brûlés ».

Alors, il faut s’adapter. « On commence à s’organiser, poursuit le Finistérien. On vit chez les potes parce que rester tout seul, chez soi pendant autant de temps, c’est juste impensable. On a fait une assemblée entre voisins, l’après-midi, et on s’est donné rendez-vous pour demain (ce mardi) pour un repas en commun. On s’occupe des petits, qui demandent des explications. Avec mes potes, on est d’une génération qui n’a pas connu ce qui s’est passé jusqu’en 1990. La tension est palpable et on ne sait pas comment cela va s’arrêter. Quand la nuit tombe, on ne sait pas ce qu’il se passe en bas. Le matin, on peut encore acheter des produits basiques. Il faut qu’on s’organise, on va y arriver ! »

David Cormier
article paru dans Le Télégramme.fr du 22 octobre 2019


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Le mouvement social chilien à travers la presse…

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