La chanson qui ne parlait que du Bon Dieu …

« Dominique » : l’histoire d’une chanson qui deviendra un tube mondial et atteindra la première place aux États-Unis. L’histoire de son auteure, Jeanine Decker qui, ayant fait vœu de pauvreté,fait gagner une somme considérable à sa Congrégation religieuse qui empoche les droits d’auteurs. Par la suite, l’Église se montrera peu charitable à l’égard de Jeanine, plus connue sous le nom de « Sœur Sourire »

Dominique Nique Nique | www.youtube.com

Des paroles qui prêtent à sourire pour une interprète pour le moins atypique.
« Dominique, nique, nique
S’en allait tout simplement,
Routier pauvre et chantant.
En tous chemins, en tous lieux,
Il ne parle que du Bon Dieu,
Il ne parle que du Bon Dieu. »

 Sortie en 1962, « Dominique, nique, nique » est une chanson d’une jeune religieuse belge passionnée de musique. Le titre sera crédité du nom de « Sœur Sourire », mais derrière ce pseudo il s’agit bien de Jeanine Deckers …

Le Destin tragique de Sœur Sourire
raconté par Ici Radio Canada

Soeur Sourire chante avec sa guitare dans un couvent, en Belgique. Un crucifix est accroché au mur derrière elle.
Jeanine Deckers, mieux connue sous le nom de Sœur Sourire, en décembre 1963   Photo : Getty Images / Mirrorpix

En 1963, Jeanine Deckers, alias sœur Sourire, ou sœur Luc-Gabriel, connaît un succès planétaire avec la chanson Dominique. Mais derrière le sourire de la sœur dominicaine se cachent une révolte et une souffrance qu’on ne soupçonne pas, qui la conduiront au suicide. La journaliste Marie-Christine Blais raconte la triste histoire de Jeanine Deckers.

Née en octobre 1933 dans la région de Bruxelles, Jeanine a une enfance glauque avec une mère tyrannique et un père absent. Elle trouve toutefois un début de sens à sa vie lorsqu’elle entre chez les guides. Elle décide alors de devenir religieuse et commence à avoir des velléités artistiques.

Un don pour la chanson
Avec sa guitare, Jeanine entre chez les dominicaines dans le couvent de Fichermont, à Waterloo, en Belgique. Dotée d’une belle voix, elle décide de chanter pour rapprocher la jeunesse de Dieu.
Les textes et les mélodies de sœur Luc-Gabriel charment les religieuses, qui décident de se rendre chez Philipps pour mieux diffuser ses chansons. Après avoir refusé la première requête des sœurs, la compagnie de disque leur demande la permission d’enregistrer un disque et de distribuer les profits obtenus à la communauté religieuse.

Le succès foudroyant de Dominique
Jeanne Deckers obtient le nom de sœur Sourire à la suite d’une enquête faite auprès d’élèves français. En 1963, sa chanson Dominique atteint le sommet des palmarès en Europe. Aux États-Unis, cette mélodie naïve, où il est question de saint Dominique de Guzman, est pendant quatre semaines numéro un du Billboard.

De sœur Sourire à Luc Dominique
Jeanine  dépérit peu à peu parce qu’elle n’est pas heureuse chez les dominicaines. En 1966, en pleine gloire, elle quitte sa communauté religieuse et continue de chanter sous le nom de Luc Dominique.

Le contrat signé avec Philips lui interdisant d’utiliser le pseudonyme qui l’avait rendue célèbre — et qui appartient toujours à son ancien ordre religieux — c’est sous le nom de Luc Dominique que Jeanine tente de poursuivre sa carrière. Elle écrit des titres très engagés par lesquels elle s’en prend aux mères, aux hommes (qu’elle juge violents et dominateurs), à l’Église catholique romaine et au conservatisme (Les Con-conservateurs) et défend la pilule contraceptive (La Pilule d’or, en 1967). Les textes de ses nouvelles chansons compromettent sa tournée au Québec, où elle était auparavant très appréciée du public catholique : le boycott de l’Église entraîne l’annulation d’une partie de ses concerts canadiens et elle est finalement abandonnée sur place par son imprésario.
Elle continue de sortir des disques dont le succès, très modeste, donne raison à un de ses titres de l’époque, « Je ne suis pas une vedette ». Dans la chanson Luc Dominique, elle explique que  « Sœur Sourire est morte » :

Son niveau de vie, très irrégulier, est néanmoins suffisant : elle tire ses revenus de ses écrits, de ses disques, des cours de guitare ou encore d’un travail auprès d’enfants autistes.
À partir de 1974, les services fiscaux belges réclament à Jeanine Deckers les fortunes qu’auraient dû lui rapporter les ventes de Sœur Sourire, et restent sourds à ses explications. Jeanine fait alors appel à son ancien couvent et à son ancienne maison de production, Philips. Si les sœurs lui remettent ce qu’elles estiment être sa part (l’aidant notamment à acquérir son appartement de Wavre, à la condition qu’elle cesse de dénigrer la congrégation et qu’elle signe un document pour solde de tout compte), Philips, qui avait touché 95 % des recettes, ne fait rien. En 1976, elle tente un retour aux États-Unis, mais elle n’intéresse plus personne.

En 1981, elle participe à la sortie de la version remixée de son tube Dominique pour le label Scalp Records dirigé par Gilles Verlant …

Ce disque ne rencontre aucun écho public. Jeanine se passionne alors pour les nouvelles approches de la théologie (entre Vatican II et Mai 1968), cherche à inventer pour elle-même et pour sa compagne Annie Pécher une nouvelle voie religieuse, qui se situe entre la vie régulière et la vie séculière.
Confrontée à une dette importante et aux intérêts accumulés, Jeanine et son amie, thérapeute d’enfants autistes, sombrent dans une dépression . Toutes deux finissent par se suicider ensemble le .

Ironie du sort, le jour de son suicide, la SABAM sortait un état trimestriel de ses droits d’auteur pour 571 658 francs belges !

Sources :  Ici Radio Canada et Wikipédia


 

Pour en savoir plus sur »Sœur Sourire »,
Un film de Stijn Coninx …

Avec Cécile de France dans le rôle-titre, l’histoire de la dominicaine Jeannine Deckers, alias « Soeur Sourire », dont la chanson « Dominique » fut un tube vendu à des millions d’exemplaires.
Ce film est sorti en salles le 29 avril 2009.