Un ancien patron de la FNSEA de Loire-Atlantique agresse une technicienne naturaliste …

Les tensions montent ces derniers mois entre agriculteurs et acteurs de l’environnement. Le 4 février dernier, une jeune technicienne venue recenser les zones humides à Missillac (44) a été malmenée par 2 agriculteurs sur le terrain d’un exploitant : « Bonnet arraché, saisie de son téléphone et son appareil photo, menaces en des termes effrayants, selon une source proche du dossier. Reporterre a recueilli le témoignage de la victime …

Naturaliste agressée : « Les personnes comme toi méritent d’être égorgées »

Une jeune technicienne naturaliste a été agressée par un agriculteur, ancien patron de la FNSEA de Loire-Atlantique. Un nouvel incident dans la guerre de l’agro-industrie contre les acteurs de l’environnement. Un article signé Antoine Humeau dans Reporterre du 16 mai 2025

C’est un épisode de plus dans le face-à-face délétère installé par des agriculteurs face aux professionnels de l’environnement, régulièrement insultés et menacés sur fond de contestation des normes écologiques. Le 4 février, à Missillac (Loire-Atlantique), une jeune technicienne naturaliste venue faire des relevés sur une parcelle agricole dans le cadre d’un inventaire des zones humides a été agressée verbalement et menacée de mort par le chef d’exploitation, Alain Bernier, ancien président de la chambre d’agriculture et de la FNSEA 44, accompagné de son fils, révèle Médiacités.

L’agriculteur — bien connu dans la région depuis qu’il a organisé un lâcher de ragondins dans les rues de Nantes — accusait la technicienne d’effectuer des prélèvements sur une zone exclue de l’inventaire qu’elle réalisait. Une information exacte, mais que la jeune femme n’avait pas reçue, rapporte Médiacités. Cette dernière et le bureau d’études pour lequel elle travaille ont immédiatement déposé plainte. Après trois mois de silence, elle a accepté de parler à Reporterre, de façon anonyme.

Reporterre — Alain Bernier, l’agriculteur mis en cause dans votre plainte, évoque un simple échange « courtois mais tendu ». Comment se sont déroulés les faits ?

J’étais garée sur le bord d’une parcelle le temps de faire trois ou quatre sondages et quelques photographies techniques. En sortant, je retourne à mon véhicule, je fais demi-tour et, à ce moment-là, je vois deux tracteurs avec deux hommes qui m’attendent au bout du chemin, les bras croisés. Je m’apprête à sortir de ma voiture, mais ils ouvrent violemment la porte, je suis encore attachée. L’agriculteur m’interpelle vivement, il arrache mon bonnet de ma tête, me tutoie et me demande ce que je fais là, me prend mon stylo et commence à hachurer toutes les parcelles sur ma carte.

Il vous reproche d’avoir effectué ces prélèvements sur sa parcelle alors qu’elle était exclue de l’inventaire. Qu’en était-il ?

Sur mon carnet de terrain, toutes les parcelles hachurées sont celles dont les agriculteurs ont refusé l’inventaire. Or, celle-ci n’était pas hachurée, je n’ai pas eu l’information. J’essaye donc de leur expliquer, je leur fais part de ma bonne foi, mais rapidement, je m’aperçois qu’il n’y a rien à en tirer. Ils me disent que je suis entrée en toute connaissance de cause, à aucun moment ils ne m’écoutent.

« Il a dit que les personnes comme moi méritaient d’être égorgées »

Quand je leur suggère d’appeler mon employeur, ils refusent en me disant que c’est moi qu’ils ciblent. Et quand je leur propose de supprimer tout ce qui concerne la parcelle, cela ne leur suffit pas. Il [Alain Bernier] me dit aussi qu’il est sûr que je ne mange pas de viande, je ne me souviens pas de tout dans le détail, mais il mélange alors beaucoup de choses. Ce sont des phrases qui s’enchaînent et qui n’ont pas forcément de lien entre elles.

Alain Bernier vous accuse d’être une militante.
Non. Moi, je fais juste mon métier.

Sur le procès-verbal de votre plainte, il est question de menaces de mort. Que vous a-t-il dit ?
Il a dit que les personnes comme moi méritaient d’être égorgées. Je pense que cela comprenait tous les agents qui travaillent dans le milieu de l’environnement. Il m’a traitée d’écolo, avec beaucoup de préjugés, m’a dit que si je faisais ce métier c’est parce que mes parents devaient être profs, ce genre de choses. Je n’ai pas bien compris le lien.

Votre employeur a également déposé plainte, notamment pour vol de matériel.

En fait, ce jour-là, les deux agriculteurs me demandent de supprimer toutes les preuves de mon passage sur leur parcelle et ils croient que j’ai récolté des échantillons de terre dans ma voiture. Ils commencent donc par vider toutes les photos de mon appareil. Cela représente deux jours de travail, que l’on réussira finalement à récupérer.

« Ce déferlement de violence et d’agressivité me faisait trembler et ils semblaient s’en réjouir »

Ils se mettent ensuite à fouiller partout dans ma voiture, le plus âgé me crie dessus sans discontinuer et son fils ouvre et ferme brutalement les portières, fouille partout dans mes affaires personnelles à la recherche d’échantillons ou d’indices. À un moment, il prend ma tarière [outil permettant de percer le sol] et menace de frapper ma voiture avec. Et ils finissent par me prendre mon matériel, l’appareil photo et la tarière.

Combien de temps a duré cet échange tendu ?
Une quinzaine de minutes. Ce déferlement de violence et d’agressivité me faisait trembler et ils semblaient se réjouir de cette situation. Ils me disaient « Tremble, ça va te faire une bonne leçon ».

Avez-vous élevé la voix ?
En fait, comme ils ne m’écoutaient pas, j’ai vite compris que cela ne servait à rien d’essayer de parler. Je voulais vite que cela s’arrête, donc je les ai laissés s’énerver, et à la fin, ils sont partis.

Avez-vous été mise en arrêt de travail après cet épisode, comme le prétend Alain Bernier ?
Non. En revanche, je ne suis plus retournée sur ce secteur. J’ai aussi peut-être un peu plus d’appréhension qu’avant quand je vais sur le terrain.

+ Lire en complément : L’Office français de la biodiversité, bouc émissaire facile de la crise agricole


 

« Menacée en des termes effrayants » : une technicienne de l’environnement prise à partie par deux agriculteurs

Deux agriculteurs auraient menacé une technicienne de l’environnement en mission à Missillac (Loire-Atlantique).
Deux agriculteurs auraient menacé une technicienne de l’environnement en mission à Missillac (Loire-Atlantique).
© (Photo d’illustration, archives NR)

Une jeune technicienne de l’environnement a été prise à partie par deux agriculteurs en février dernier, à Missillac (Loire-Atlantique). Elle a porté plainte, une enquête est en cours.

Les tensions montent ces derniers mois entre agriculteurs et acteurs de l’environnement. Le 3 février dernier, une jeune technicienne venue recenser les zones humides à Missillac (Loire-Atlantique) a été malmenée sur le terrain d’un exploitant, rapporte Ouest-France.

La jeune femme, employée par le bureau d’études Hydro Concept afin de mener une mission pour la communauté de communes du pays de Pontchâteau, travaillait sur un terrain agricole quand deux hommes sont intervenus. « Ils lui ont arraché son bonnet, l’ont menacée en des termes effrayants, selon une source proche du dossier. Ils lui ont pris son téléphone, son appareil photo, son matériel. »

Deux plaintes déposées

L’un des deux hommes mis en cause serait Alain Bernier, ancien président de la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique de 2019 à 2023 et ex-président de la FNSEA 44. L’exploitant avait interdit l’accès à son terrain pour ce recensement, mais l’information ne serait pas parvenue jusqu’à la technicienne.

La jeune femme a porté plainte à la gendarmerie et une enquête est en cours. Hydro Concept a aussi porté plainte pour vol de matériel, avant de le récupérer quelques jours plus tard. Le maire de Missillac a évoqué des « paroles sans agression physique » et un incident qui ne « mérite pas d’aller plus loin ». La victime a depuis changé de secteur de travail.


Une jeune technicienne de l’environnement, en mission sur le terrain, malmenée par deux agriculteurs

Elle a été bloquée sur un chemin communal, à Missillac (Loire-Atlantique), alors qu’elle faisait des inventaires de zones humides. Intimidation musclée conduite par deux agriculteurs, dont un ex-président de la Chambre d’agriculture. Un article signé Agnès Clermont dans Ouest France du

Une technicienne de l’environnement lors d’une mission sur le terrain (photo d’illustration).
Une technicienne de l’environnement lors d’une mission sur le terrain (photo d’illustration). | ARCHIVES OUEST-FRANCE

Elle était partie seule sur le terrain, pour faire son métier : inventorier les zones humides. Une mission confiée par la communauté de communes du pays de Pontchâteau, dans le nord de la Loire-Atlantique. A priori, pas de quoi s’équiper comme en terrain périlleux. Pourtant, à la tombée de la nuit, un peu avant 18 h, ce 3 février 2025, la jeune technicienne du bureau d’études Hydro Concept (1) s’est retrouvée nez à nez avec deux agriculteurs très remontés, venus en tracteur. Détail qui n’en est pas un : l’un d’eux, selon de multiples témoignages concordants, n’est autre qu’Alain Bernier, qui fut président de la Chambre d’agriculture de Loire-Atlantique de 2019 à 2023, et président de la FNSEA 44 pendant dix ans, jusqu’en 2017. Il avait interdit l’accès à son domaine, mais l’info n’était pas arrivée jusqu’à la salariée.

Confrontation musclée : « Elle a dû descendre de son véhicule, ils lui ont arraché son bonnet, l’ont menacée en des termes effrayants, raconte un proche de l’affaire, qui préfère rester anonyme. Ils lui ont pris son téléphone, son appareil photo, son matériel d’inventaire. »

Secouée, la jeune femme est allée déposer plainte dans la foulée à la gendarmerie. Tout comme Hydro concept, pour le vol de matériel. Matériel qui a été récupéré plus tard, car le voleur, selon plusieurs récits, a fini par le restituer en mairie. Une enquête est en cours, confirme le parquet de Saint-Nazaire.

Omerta

Jean-Louis Mogan, le maire de Missillac, par ailleurs président de la communauté de communes, rappelle que la professionnelle « est allée sur un terrain privé appartenant à l’agriculteur qui avait interdit au bureau d’études, par courrier, d’intervenir chez lui ». Il conclut : « C’est resté des paroles sans agression physique. Pour moi, ça ne mérite pas d’aller plus loin. »

Ce n’est pourtant pas l’avis de nombreux acteurs locaux, scandalisés par l’acte d’intimidation. Pourtant, rares sont ceux qui souhaitent parler à découvert. Ce qui désole profondément l’un de nos interlocuteurs : « Ici, tout le monde se tait. Tout le monde a peur. Même moi. Jamais je n’aurais cru en arriver là un jour. Ça m’impressionne que des agriculteurs soient aussi sûrs qu’ils ne risquent rien. » Alors certes, Alain Bernier avait bien signifié qu’il ne voulait pas qu’Hydro concept pénètre chez lui. Pourquoi ? « Parce que certains exploitants agricoles, très peu nombreux, craignent que leurs parcelles soient classées en zone humide et qu’ils ne puissent plus les cultiver comme ils veulent », poursuit un autre élu du secteur (qui lui aussi, préfère garder l’anonymat).

Si un arrêté préfectoral avait été pris, la liste des zones confiées au bureau d’études pour l’inventaire se serait alors imposée, les propriétaires n’auraient pas pu s’y opposer. Alain Bernier pas plus qu’un autre. Et cela se fait couramment. « Mais nous, on évite toujours d’en arriver là, poursuit l’élu. On préfère jouer la concertation avec les propriétaires, et en général, ça marche. Les exploitants agricoles comprennent que les zones humides ont un rôle déterminant à jouer et que les protéger, c’est capital. »

Mission vitale

Car ces berceaux de la diversité biologique filtrent l’eau, la stockent en cas de crues, la relâchent quand la sécheresse survient. Pas un détail à l’heure des bouleversements climatiques. Par ailleurs, des groupes d’acteurs sont toujours constitués en cas d’inventaire sur les terrains d’exploration, avec les propriétaires, notamment. Ils ont la possibilité d’accompagner les techniciens sur le terrain et de négocier avec eux sur la qualification à donner aux parcelles. Des espaces de dialogues existent bien, dont les agriculteurs ont tout le loisir de se saisir. Beaucoup le font.

Depuis l’agression, la victime a changé de secteur. Elle travaille toujours pour Hydro concept, mais plus à Missillac. Interrogé par Ouest-France sur les raisons de son comportement, en cette soirée d’hiver, Alain Bernier n’a pas contesté. Il a simplement répondu : « Je ne veux pas prendre la parole sur cette affaire. »

(1) Basée en Vendée, Hydro concept est une Scop experte en environnement des milieux aquatiques.

« Rien ne justifie des intimidations »

Chloé Girardot-Moitié, la vice-présidente ressources, milieux naturels, biodiversité et action foncière du conseil départemental de Loire-Atlantique, avait eu vent de l’affaire, dit-elle, « depuis février. Par morceaux ». Elle ajoute : « J’ai aussi entendu des craintes de représailles. C’est inacceptable. Quelles que soient les circonstances, rien ne justifie des menaces physiques ou des intimidations envers quelqu’un qui fait simplement son travail. On peut avoir des désaccords, mais cela doit toujours passer par le dialogue et le respect. »

De façon plus générale, l’incident renvoie forcément aux attaques actuelles contre les professionnels de la biodiversité : « Ce qui m’inquiète aussi, poursuit-elle, c’est que des gens qui œuvrent pour l’environnement deviennent trop souvent les boucs émissaires des difficultés réelles du monde agricole. Ce climat n’est bon pour personne. » Jusque-là, la Loire-Atlantique avait été épargnée par ces tensions.