Alain Benzoni, surnommé « Benzo » dans la famille du Théâtre de rue, avait fondé Le Théâtre de La Toupine et inventé notamment le « Fabuleux Village à Evian » et le festival « Au Bonheur des mômes au Grand-Bornand ». Il vient de s’éteindre à 70 ans, laissant derrière lui un héritage incommensurable en Haute Savoie et au delà, . Quelques Brestois se souviennent encore des « FrèresTopolino » programmés aux Jeudis du Port 1992 …
Alain Benzoni, l’homme qui a fait rêver des milliers de Haut-Savoyards …
Un article signé Mathieu Gaillac dans Le Messager du
Alain Benzoni, surnommé Benzo, s’est éteint à l’âge de 70 ans. Fondateur du théâtre de la Toupine et inventeur de nombreux festivals et spectacles, il laisse derrière lui un héritage artistique sans commune mesure en Haute-Savoie.
Petit, le Chablaisien rêvait de jouer du piano, mais ses parents ne pouvaient lui offrir cette possibilité. Cette frustration initiale semble avoir nourri sa volonté de rendre la culture accessible à tous. L’ancien baba cool se définissait, il y a encore quatre ans, comme un « dinosaure en voie de disparition sans projet de retraite à 66 ans, mais au trac intact ».

En 1977, le jeune homme qui a fait sa scolarité à Thonon-les-Bains, fonde, avec Patrick Isnard, le théâtre du Petit Rond dans la capitale du Chablais, débutant dans la rue avec des spectacles de marionnettes avant de se produire en salle. Leur premier spectacle, Le pays du silence, racontait l’histoire d’un peuple opprimé qui se révolte pour offrir la musique à tous, mêlant humour, engagement et… poésie déjà.
Très vite, Alain Benzoni crée le Théâtre de la Toupine, qu’il incarnait à merveille, en insistant toujours sur le caractère collectif de son travail, associant comédiens, musiciens, écrivains et techniciens pour donner vie à des spectacles engagés, poétiques (toujours) et accessibles à tous.
« Faut-il prendre au sérieux une existence dans laquelle nous ne sortirons pas vivants ? »
Le truculent Haut-Savoyard a également été à l’origine de nombreux festivals et événements emblématiques. Il a lancé Au Bonheur des mômes, au Grand-Bornand, premier festival européen de spectacle jeune public, et bien sûr le festival des Flottins à Evian, imaginé pour offrir un événement populaire et poétique à contre-courant de la marchandisation de Noël. Avec une devise scandée « Lâche tes écrans, viens voir du vivant », il a conçu des installations spectaculaires et ludiques, comme des manèges-théâtres, des sculptures monumentales et le Fabuleux village, qui attire chaque année des dizaines de milliers de visiteurs à Evian.
Enfin, comment ne pas citer cette phrase de lui qui le résume si bien ? « Faut-il prendre au sérieux une existence dans laquelle nous ne sortirons pas vivants ? » Sa réponse, vous la connaissez. Le Messager adresse ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.
Clin d’oeil aux « Frères Topolino » du Théâtre de La Toupine programmés par les Grains de Folie aux Jeudis du Port de Brest le 6 août 1992 …
Les Frères TOPOLINO
« Spectacle Mécanicomique »
Spectacle mécanicomique de plein air visuel et sans parole pour tout public, pouvant être joué dans le cadre de festivals, villes en fête et toutes manifestations de plein air.
Sur un rythme soutenu, se déroule une suite de scènes spectaculaires où s ‘exprime la rivalité de 2 automobilistes pour qui la voiture est avant tout un moyen de paraître.
Le spectacle se déroule en 3 temps :
Tout d’abord, dans un rituel étrange et sonore, 3 personnages installent en place publique un monument dédié à l’automobile, symbolisé par une énorme voiture.
Un peu plus tard partant de lieux différents, les frères Topolino, à bord de leurs FIAT 500 extraordinaires, traversent bruyamment la ville lors d’une parade burlesque et musicale, et se retrouvent sur la place publique pour une confrontation époustouflante.
Rivalisant d’audace et d’astuces, ils tentent de se prouver mutuellement, qu’ils sont propriétaires, l’un et l’autre, du plus beau, du plus extraordinaire véhicule qui soit. Joute fratricide à grands coups de gags visuels et auditifs. Ne reculant devant rien, les Frères Topolino transforment, tour à tour, leurs voitures en piscine, barbecue, accordéon, guitare, serpent, lion se cabrant sur les roues arrières, taureau fumant, engins de course, etc. Jusqu’à ce que les 2 FIAT, échappant à leur maître, connaissent enfin l’amour… et c’est là que tout se gâte !
Alain Benzoni, dit Benzo, figure emblématique du spectacle vivant en Haute-Savoie…
Alain Benzoni, dit Benzo, créateur de rêves pour petits et grands, s’est éteint à l’âge de 70 ans. Inventeur de nombreux événements culturels dans le département, il laisse derrière lui un héritage artistique immense et une imagination qui a fait rêver plusieurs générations. Un hommage signé
« Quand j’étais petit, je disais : quand je serai grand, comme métier, je ferai pestacle », nous avait-il dit un jour. L’homme qui a incarné cette promesse toute sa vie s’est éteint ce lundi 17 novembre à l’âge de 70 ans. Figure majeure du spectacle vivant en Haute-Savoie, Alain Benzoni, connu de tous sous le surnom Benzo, laisse derrière lui une œuvre foisonnante, une énergie créatrice rare et un imaginaire qui a marqué plusieurs générations.
Fasciné par la liberté, le rire et l’exubérance des saltimbanques, il choisit très tôt de s’affranchir des attentes familiales pour suivre sa propre voie. Il devient clown et cracheur de feu sous le pseudonyme de Ricky l’Étincelle, un personnage incandescent dont l’audace annonce déjà la poésie irrévérencieuse qui caractérisera toute son œuvre. Après des études au collège Jean-Jacques-Rousseau et au lycée de la Versoie à Thonon-les-Bains, il rejoint la section photo de l’École des Beaux-Arts de Genève. La scène le rattrapera vite.

Le Théâtre de la Toupine : un univers poétique et engagé
En 1977, à seulement 22 ans, il fonde le Théâtre de la Toupine. À l’origine simple compagnie de marionnettes, la Toupine se transforme rapidement sous son impulsion en véritable fabrique d’imaginaire. Benzo y déploie un univers qui lui ressemble : artisanal, ingénieux, drôle, un peu fou, toujours tourné vers l’enfance et la magie du quotidien. « Nous sommes des bouffons, des saltimbanques, animés par la passion du spectacle, du vivant, du vivre ensemble et de l’humanisme, si on veut dire des grands mots », expliquait-il. « Mais nous sommes aussi de véritables professionnels, pour donner le meilleur. »
Homme au caractère bien trempé, il savait fédérer autour de lui des artistes, constructeurs, inventeurs, machinistes et conteurs, jusqu’à faire de la Toupine une équipe d’une cinquantaine de collaborateurs, voyageant toute l’année dans une dizaine de camions à travers l’Europe. L’été 2025 marque une étape majeure : deux manèges du Théâtre de la Toupine investissent le prestigieux Off du Festival d’Avignon, une consécration pour la compagnie et, surtout, pour son fondateur – le dernier fait d’armes d’un créateur sans limite.
Toujours attentif aux singularités et aux différences, Benzo aimait dire : « J’aime bien les fêlés, car ils laissent passer la lumière », résumant à lui seul sa bienveillance et sa capacité à révéler la beauté cachée dans chacun. En parallèle de sa vie artistique, il partageait, avec sa femme Fabienne la joie d’élever leurs jumeaux de 11 ans, qu’il chérissait, et avec lesquels il transmettait sa curiosité et son émerveillement pour le monde.
Des Flottins et des Mômes orphelins
Visionnaire, le génie aux petites lunettes rondes ne se contente pas de créer des spectacles : il invente des mondes. En 2007, il crée à Évian le Fabuleux Village des Flottins, village hivernal peuplé de sculptures monumentales en bois flotté, habité par des créatures fantastiques et des artistes venus raconter des histoires d’ailleurs. Devenu emblématique , ce projet illustre parfaitement sa capacité à transformer la matière brute en rêve collectif. « Je suis triste, très triste. Mes premières pensées vont à Fabienne, Alice et Jean [NDLR : sa femme et ses enfants], ainsi qu’à l’équipe de la Toupine et à toute sa grande famille. J’ai perdu un ami, un poète, un rêveur, un saltimbanque » , a réagi la maire d’Évian, Josiane Lei, très proche de l’artiste.
Benzo est également le créateur du festival Au Bonheur des Mômes , au Grand-Bornand, qu’il a lancé il y a 33 ans – aujourd’hui l’un des plus grands rendez-vous européens dédiés au jeune public – mais aussi du festival de rue Bonjour l’Hiver, à Annemasse, créé il y a 27 ans. Convaincu que l’art pour enfants et pour tous doit être exigeant, audacieux et inventif, il a imposé une ligne artistique mêlant humour, poésie, engagement et liberté. Sous sa direction, ces festivals ont accueilli des milliers de familles et des centaines de compagnies, séduites par sa générosité et son sens du merveilleux.
Pendant près de 50 ans, il n’a jamais cessé d’explorer, de bousculer, de surprendre. Même lorsque la maladie s’est invitée dans sa vie, il refusait de ralentir : « Je suis malade, un peu tout cassé, mais j’irai jusqu’au bout, à fond la caisse », confiait-il en 2021, fidèle à cette énergie indomptable qui le portait depuis l’enfance. Sa devise – « Avoir des rêves assez grands, pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit »- résume, elle aussi, son chemin de créateur entier, acharné, habité par l’envie de partager la beauté et la fantaisie.
Alain Benzoni laisse derrière lui un héritage artistique immense. Ses mondes continueront de vivre dans les rues, les montagnes, les villages illuminés de bois flotté… et surtout dans les yeux des enfants qui, grâce à lui, ont appris à croire à la poésie du réel.
Le festival Au bonheur des Mômes, c’est lui
Benzo, c’est aussi le créateur et le patron du festival Au bonheur des Mômes, au Grand-Bornand, devenu en 33 ans d’existence le premier rendez-vous hexagonal de spectacle jeune public. 90 000 festivaliers s’y pressent la dernière semaine d’août pour assister à quelque 400 représentations dans des genres très variés : arts de la rue, marionnette, cirque, clown ou danse.
Les points communs aux compagnies programmées ? L’originalité, l’exigence, l’impertinence, l’engagement. Bref la qualité, tant dans l’expression artistique que dans le message délivré aux jeunes spectateurs. « On n’est pas là pour gnagnatiser, on n’est pas un festival de guimauve et de paillettes », avait coutume de dire le maître de cérémonie.
En 1985, Alain Benzoni avait lancé au Grand-Bornand un “Festival en culottes courtes”. Un peu trop déjanté pour le Grand-Bornand, tranquille village de montagne, l’ancêtre d’Au bonheur des Mômes s’était arrêté après deux éditions. En 1992, le patron de La Toupine a créé le festival actuel avec la complicité du jeune maire de la station, André Perrillat-Amédée.
Benzo aimait distiller des petites phrases, comme « quoi qu’il arrive, on joue. » Elle a aujourd’hui une résonance particulière aux oreilles des Bornandins qui ont été à ses côtés dans l’aventure et vont devoir la mettre en pratique.

