Un stade en plein champ ? Après des années de controverse, le projet du club de foot de Montpellier vient enfin d’être abandonné. » C’est une victoire, mais une victoire amère », résume Julia Mignaca, qui dénonce depuis 2023 un projet « inutile et coûteux, pensé sans les habitants », qui devait s’implanter sur des terres agricoles et une zone humide … Brest ferait bien d’en tirer les leçons !
Une victoire « amère » contre un stade de foot dans les champs
Un stade en plein champ ? Ce projet du club de foot de Montpellier est enfin abandonné. Le stade actuel et ses alentours, dans le quartier populaire de La Paillade, seront rénovés. La victoire reste « amère » pour les opposants. Un article signé Alexandre-Reza Kokabi dans Reporterre du 17 octobre 2025 …

Après des années de controverse, le projet de stade du club de football Montpellier Hérault SC (MHSC), prévu à Pérols, au sud de la métropole, a été officiellement abandonné début octobre. « C’est une victoire, mais une victoire amère », résume Julia Mignaca, membre des Écologistes et cofondatrice du collectif Restons Pailladins. Depuis 2023, il dénonçait un projet « inutile et coûteux, pensé sans les habitants », qui devait s’implanter sur des terres agricoles et une zone humide.
C’est le maire de Pérols, Jean-Pierre Rico (centre-droit), qui a vendu la mèche début septembre : « Le futur stade de Montpellier sera à la Mosson », a-t-il déclaré lors d’une inauguration publique. Un mois plus tard, le maire de Montpellier, le socialiste Michaël Delafosse, a confirmé l’abandon du projet : « L’équation financière est devenue insoluble. Cette solution ne fonctionne pas. » Il a annoncé vouloir « rénover le stade de la Mosson », l’actuel écrin du club de football, situé dans le quartier populaire de La Paillade, à l’ouest de la ville.
Un projet à 130 millions d’euros
Le projet initial, initié en 2016 et relancé par la métropole en 2021, devait coûter 130 millions d’euros. Entièrement privé, il reposait sur la famille Nicollin, propriétaire du MHSC, et comportait un important volet commercial : hôtels, boutiques, restaurants. Mais la Caisse des dépôts a refusé d’accorder le prêt de 100 millions d’euros demandé, la crise des droits TV a fragilisé les clubs français, et la relégation du MHSC en Ligue 2 a scellé le sort du dossier.
« Ce n’est pas l’argent privé qui doit être mobilisé, mais la collectivité qui doit faire son devoir », a expliqué Michaël Delafosse, promettant une rénovation inscrite « dans un quartier en pleine transformation ».
Pour les opposants, ce revirement marque la fin d’un modèle de développement à bout de souffle. « Dans la logique d’une ville écologique, on bâtit sur le bâti. On ne rase pas des terres agricoles pour construire de nouvelles infrastructures », plaide l’élue écologiste Julia Mignaca. Selon elle, le projet de Pérols cumulait les absurdités : destruction de zones humides, engorgement automobile et absence de concertation.
Zone inondable
« Le départ du stade aurait signifié l’abandon de La Paillade, l’un des quartiers les plus populaires de Montpellier. » Elle se félicite donc du maintien du club sur son site historique, tout en prévenant : « C’est une victoire, mais le combat n’est pas fini. » Elle redoute qu’une rénovation « faite au rabais et sans dialogue » reproduise les erreurs du passé.
Le stade de la Mosson, inauguré en 1972 et remanié pour la Coupe du monde 1998, compte deux lignes de tramway à proximité. Il lie intimement l’histoire du club de football à celle de La Paillade. Mais à l’image du quartier qui l’abrite, il n’a plus fait l’objet d’investissements conséquents depuis vingt-cinq ans.
« Dans une ville écologique, on bâtit sur le bâti »
Implanté au bord de la rivière du même nom, il a subi plusieurs inondations, notamment en 2014. Le risque hydraulique reste donc un enjeu majeur. Jean-Pierre Rico, le maire de Pérols, avait d’ailleurs indiqué, en septembre, qu’il voterait « contre investir 70 millions d’euros pour rénover un stade dans une zone inondable ».
Le précédent du Lez
Sur Ici Hérault, le maire de Montpellier Michaël Delafosse se voulait rassurant : « On peut traiter la question de la vulnérabilité inondation de la Mosson. Nous l’avons fait pour le Lez, nous le ferons pour la Mosson. »
Le Lez, autre fleuve montpelliérain, a fait l’objet ces dernières années d’importants aménagements pour prévenir les crues et créer des promenades urbaines sur ses berges. Le maire évoque la même ambition à l’ouest : transformer les rives de la Mosson en espace public paysager, tout en protégeant le quartier et le stade.
La municipalité, contactée par Reporterre, indique avoir lancé des études hydrauliques et urbanistiques, dont les conclusions sont attendues dans plusieurs mois. « Cette rénovation doit servir à mieux protéger le quartier, pas seulement le stade », souligne-t-on à la mairie.
Un stade à repenser avec ses habitants
Le projet reste flou sur son financement et son calendrier, mais la collectivité avance quelques pistes : 15 000 m² d’activités commerciales (bars, restaurants, boutique du club), des cheminements repensés depuis le tramway et la transformation d’une des artères — la rue de Heidelberg — en « grande allée des supporters ». Objectif : faire du stade un lieu de vie au-delà des jours de match.
Pour les acteurs locaux, ce projet ne pourra réussir qu’à condition d’être réellement partagé. « La Mosson ne doit pas devenir un simple chantier municipal, mais un projet collectif », affirme Soufyan Heutte, éducateur et porte-parole du mouvement municipaliste Cause commune. Originaire de La Paillade, il a lancé une consultation citoyenne pour recueillir les attentes des habitants : « On va sur les marchés, on fait du porte-à-porte, on organise des discussions en pied d’immeuble. »

Et d’ajouter : « Les habitants sont experts de leur propre expérience. » Pour lui, le maintien du stade à la Mosson peut devenir une chance, « à condition d’impliquer vraiment celles et ceux qui y vivent ».
L’association prépare un cahier de propositions sur la place du sport, de la culture et de l’écologie dans le futur du quartier : « On ne veut pas seulement être des acteurs, on veut être des producteurs du projet. »
Un gâchis à transformer en opportunité
« Avec le projet de nouveau stade, on a perdu cinq ans, soupire Julia Mignaca. Cinq ans pendant lesquels on aurait pu rénover la Mosson plutôt que rêver d’un stade-vitrine au milieu des champs. »
Pour les habitants, l’heure est donc à la reconstruction d’un projet commun, loin des logiques de prestige. « Un stade, ce n’est pas seulement du sport, c’est un lieu de vie, de mémoire et d’identité populaire », poursuit Julia Mignaca. À Montpellier, cette victoire amère marque la fin d’un grand projet. Et, peut-être, le début d’une autre manière de faire la ville ?
Contactée par Reporterre, la municipalité de Pérols n’a pas répondu à notre sollicitation. Le MHSC non plus, indiquant qu’« aucune prise de parole n’est prévue » sur le sujet.