Sur les rives de l’Elorn, il y a chaque dimanche, « La Revue de La Z’Maine » publiée par PrendreParti depuis Le Relecq-Kerhuon , et … « La Chronique du Dimanche » éditée par Hervé Bellec depuis Landerneau ! L’occasion d’un coup de chapeau à cet écrivain chevronné qui raconte les malheurs de sa semaine avec talent, humour et légèreté. Et cette gymnastique hebdomadaire, Hervé Bellec se l’impose depuis dix ans !
Nouvelle livraison pour les rendez-vous du dimanche d’Hervé Bellec à Landerneau
L’écrivain landernéen Hervé Bellec publie aux éditions Palémon un recueil des chroniques qu’il délivre chaque dimanche sur son réseau social.
« C’est la première fois que j’ai ma tête en couverture ». Chapeau de paille sur le chef, comme pour saluer l’apparition soudaine de l’été, Hervé Bellec découvre ses « Chroniques du dimanche », qui viennent d’être rassemblées par Palémon, la maison d’édition de l’auteur de polars quimpérois Jean Failler. Sous le portrait malicieux et le regard en coin, une soixantaine de chroniques inédites, dont la lecture était réservée jusque-là au millier de fidèles qui suivent, avec fébrilité, son compte Facebook chaque dimanche matin, en quête de leur dose d’espièglerie et d’air du temps hebdomadaires. « J’ai commencé un week-end où je n’avais eu que des « emmerdes » : des inondations dans ma maison, j’avais cassé ma bagnole… ».
La gymnastique du dimanche
Alors, comme un exutoire, l’écrivain a commencé à raconter ses malheurs sur son compte Facebook, avec la légèreté, la tendresse et la pointe d’ironie qui caractérisent son écriture. Cette gymnastique hebdomadaire, Hervé Bellec se l’impose depuis dix ans, excepté une période d’interruption, dans sa petite retraite du quartier Saint-Thomas, à Landerneau, où il a décidé d’accoster pour de bon. « J’avais arrêté, et je ne sais pas pourquoi j’ai repris. Je poste le dimanche matin, cela m‘oblige à me lever tôt et à me creuser le ciboulot pour trouver une idée. C’est un millier de lecteurs tous les dimanches ». Alors, face à la demande d’un lectorat aussi fidèle, pas question de rater le rendez-vous sous peine de réprimande. « Je me suis déjà fait engueuler parce que je n’avais pas posté », confirme, sourire en coin, l’intéressé.
De Bretagne et d’ailleurs
Cet exercice, si singulier, Hervé Bellec adore. « 3 000 signes, c’est l’équivalent d’une chanson. Il faut exprimer une idée sur une page. Et puis on reçoit plein de commentaires immédiats, ce que l’on ne retrouve pas dans la vie ». Des chroniques, Hervé Bellec en a livré plus de 200 au fil des années, racontant des enchantements du quotidien comme des accidents de la vie, avec une totale liberté dans le choix des sujets. Les premières chroniques ont fait l’objet de deux recueils il y a quelques années déjà. Les éditions Palémon se sont emparées de cette troisième livrée, où la Bretagne, comme presque toujours, est un personnage central ou une référence pour l’écrivain voyageur.
Pratique
Chroniques du dimanche par Hervé Bellec. Palémon éditions. 176 pages, 11 €.
A l’occasion de la publication de LA REVUE DE LA Z’MAINE (345), La CHRONIQUE DU DIMANCHE (222) datée du 10 août 2025
L’océan, le vrai
C’était une tripotée de gamins, moitié filles, moitié garçons, entre 14 et 18 ans, des ados en somme, qu’on trimballait de ci de là dans des minibus Ford empruntés au club de foot. Quatre adultes les encadraient. La plupart venait de Kiev et quelques uns de villes européennes où leur famille avait trouvé refuge. Une association de Landerneau* les avait invités à se mettre au vert pour une quinzaine de jours. Ils avaient parcouru 3000 kilomètres en car ou en train pour venir s’échouer dans ce petit coin perdu de la rade de Brest où de bons moines leur avaient offert quelques arpents de bois pour y planter leurs tentes. Le site était d’un calme extraordinaire et d’une beauté subtile. Ils avaient le droit de faire du feu mais étaient tenus de ne pas faire trop de bruit après 21 h afin de ne pas troubler le sommeil des moines.
On m’avait demandé un coup de main pour les accueillir, on m’avait dit « toi la randonnée, ça te connaît, débrouille-toi pour leur faire prendre l’air ! » Bien que n’ayant pas la moindre compétence en matière de scoutisme, j’étais disponible pour les faire crapahuter. La jeunesse a besoin de se dépenser et puis, faut-il le dire, les balades en Ukraine sont interdites pour des questions de sécurité. On a rempli les minibus et direction Camaret, vous allez voir ce que vous allez voir, jeunes gens, the best of Brittany, la pointe de Toulinguet, les Tas de Pois, tout ça en une matinée et pour pas un rond. Béats comme des gosses de pauvres devant la vitrine d’une pâtisserie, ils en prenaient plein les mirettes, c’est moi qui vous le dis, car en face d’eux, ce n’était pas leur petite Mer Noire que leur disputait Poutine, c’était l’océan, le vrai, sa majesté l’Atlantique en personne. C’était la première fois qu’il le voyait. Je ne connaissais pas vraiment leur histoire personnelle. Certains avaient perdu un frère ou un père au front, d’autres avaient vu leur maison en ruine, ils avaient le regard un peu perdu des enfants habitués à être réveillés par les sirènes d’alerte et contraints de finir leur nuit dans des abris suintant d’humidité.
On a suivi le GR pendant deux bonnes heures et puis la grande plage du Veryac’h leur est apparue. Ils m’ont demandé s’ils pouvaient s’y baigner, ils avaient leur maillot avec eux. Faites comme chez vous, j’ai dit, l’océan est assez grand pour tout le monde ! La marée descendait et la brise était frisquette, l’eau n’en parlons pas, à peine 16°, mais je les ai vus se changer en un rien de temps, se prendre tous par la main pour former un rang d’une trentaine de mètres de long et courir tous ensemble en riant vers les vagues jusqu’à ce que l’océan les engloutisse. On les a raccompagnés hier matin à la gare routière de Brest. Un car Flixbus les attendait pour Paris, puis un second pour Prague avant de monter dans un train pour Kiev, via Varsovie.
Retour à la maison si tant est qu’elle soit encore debout. Je ne suis pas le genre de mec à chialer pour un oui pour un non, mais quand on s’est fait une dernière accolade, bien obligé d’admettre que j’ai pris sur moi pour retenir mes larmes. »
Le 10 août 2025.
