La scène écologiste française s’enrichit d’une voix captivante, celle de Sendo, un slammeur qui cherche à populariser l’écologie tout en conservant son authenticité. Dans un monde où les crises environnementales se multiplient, il cultive un style musical qui respire la durabilité et la responsabilité. Reporterre l’a suivi lors d’une session d’enregistrement en studio …
En studio avec Sendo, voix d’une écologie « stylée » et populaire …
9 h 47
Les rues du XXe arrondissement de Paris s’habillent déjà en fournaise en ce début d’été caniculaire. Le bitume ramollit, les feux rouges rôtissent les rétines, les pigeons claudiquent en slow-motion : plus personne n’a le courage de battre des ailes.
C’est dans cette canopée urbaine en surchauffe que le slammeur écolo Sendo — « L’arbre qui pousse », sur les réseaux sociaux — nous a filé rencard au… Magma Studio. Un rendez-vous au cœur du feu, avec un artiste qui mêle poésie et engagement à haute température.
Dans la moiteur du bus 96, on se repasse ses sons, encore méconnus — quelques milliers d’écoutes tout au plus sur Spotify — qui racontent parfois sa vie, l’amour, mais surtout les failles d’un monde de plus en plus incandescent : inégalités, urgence climatique, effondrement du vivant.
À 28 ans, le slammeur originaire de Villepinte (Seine-Saint-Denis) écrit au bord du gouffre. Sa musique dégage une chaleur douce comme une infusion miellée avant le sommeil, avec des paroles qui rassemblent sans lisser. Une écologie qu’il nous expliquera vouloir « rendre stylée » et, surtout, pas hors-sol.
10 h 08
Arrivée au studio, changement d’ambiance : les sueurs du dehors tranchent avec l’ébullition créative du dedans. On débarque dans une sorte de vaisseau interstellaire climatisé, avec sa salle de pilotage truffée de commandes et sa chambre magmatique : une cabine insonorisée où les MCs balancent leurs flows comme des nuées ardentes.
Le capitaine ici, c’est Somath, casquette et tee-shirt noirs sur short gris, fine chaîne dorée, chaussettes hautes à virgule sur chaussures à virgule. Ingénieur du son, artisan de l’ombre, c’est lui qui enregistre, nettoie, équilibre, magnifie les voix.
Dans le Magma débarque Sendo, le slammeur enraciné dans le bitume et les luttes sociales et écologistes des quartiers populaires. Boule à zéro, lunettes à monture marron, léger cheveu sur la langue qui fait siffler ses « s » comme du sable chauffé à blanc. Tout de noir vêtu malgré la chaleur. À ses côtés : François-Henri, son manager stratège, et Carlos, photographe-caméraman, frère d’armes rencontré à l’internat du lycée.
10 h 17
Somath enclenche l’instru. Planante, au tempo lent, comme en apesanteur. Sendo hoche la tête en rythme, assis au bord de la console, le dos légèrement voûté.
« Le morceau s’appelle “Rat des champs”, en référence à la fable de Jean de La Fontaine, présente-t-il. C’est une éloge du slow, d’une forme de tranquillité, en opposition à un monde qui refuse de ralentir. »
10 h 24
L’artiste entre dans la cabine, referme soigneusement la porte. Met son casque, dont es mousses épousent ses tempes. Ajuste le micro. Moment suspendu. À quoi pense-t-il, là, les yeux baissés ?
Peut-être à cette chambre d’enfant à Villepinte, où son grand frère rappait depuis leur lit superposé. Les morceaux débordaient de mots crus, trop durs alors pour ses jeunes oreilles. Mais ils disaient, comprendrait-il plus tard, la violence sociale, la rage de ceux qu’on relègue dans des environnements où l’air est plus vicié qu’ailleurs. C’est grâce à ce frère qu’il s’est découvert une passion précoce pour l’écriture et la danse. À 8 ans, il griffonnait ses premiers poèmes. Au collège, il freestylait en récré.
Peut-être pense-t-il à sa sœur, fauchée par un cancer au début de la trentaine. Une blessure qu’il relie aux effondrements en cours. « Avec toutes les substances qui traînent jusque dans notre alimentation, avec l’empoisonnement du monde… pas besoin d’un +4 °C pour que certains tombent. Ma sœur est probablement une « effondrée » », glissera-t-il plus tard, autour d’un plat indien (il est végétarien). Pas victime d’un effondrement plus ou moins lointain, mais de celui qu’on vit déjà : un monde où l’air est nocif, les aliments pollués, les corps abîmés en silence.
« Défendre la nature depuis la ville, à travers l’art »
Peut-être aussi à cette forêt amazonienne du Pérou, qu’il a traversée, tout jeune adulte, pour assister une équipe de chercheurs — sa famille avait économisé pour lui offrir cette expérience. Il y a découvert les logiques de destruction à grande échelle, la fragilité du vivant. « J’ai compris que je ne serai pas chercheur, dit-il. Mais défendre la nature, oui. Depuis la ville. À travers l’art. » Le micro à la place du microscope.
Dans ses oreilles, la voix grave de Somath : « C’est parti, Sendo. »
10 h 57
« Derrière j’entends l’bruit des chênes,
La Soufrière, l’enfer qui se déchaîne
Vert feuille, rouge feu
J’me cache pour jouer où j’peux
J’vois l’océan en marche comme ma mère qui déferle
Énervée, par le bruit qu’j’fais la nuit des fois
J’connais mieux l’Pokédex
Que l’vrai son des espèces »
Il cherche le ton juste. Une fois, deux fois.
« J’ai buggé un peu. On peut la refaire ? » dit-il sans pression. Il sait qu’il est entouré. De l’autre côté de la vitre, François-Henri écoute, affine, encourage : « Celle d’avant était mieux sur la fin. Mais le début ici est plus propre. Tu y es presque. »
Carlos, en retrait, filme sans bruit. Parfois, il pose l’appareil et s’ambiance. Il ressent une forme de fierté à être là. Avec Sendo. C’est ensemble qu’ils montent Re-Room, une garde-robe mutualisée où les artistes pourront emprunter des vêtements pour leurs clips, concerts ou apparitions publiques, sans avoir à acheter du neuf.
« Il croit en ses idées, fédère sans forcer, dit Carlos. Ce qui m’impressionne avec lui, c’est que tout est toujours articulé avec une mission. » Comme Bœuf sans viande, ces soirées bimensuelles où il mêle jazz, slam et cuisine végétarienne. « Il crée des espaces où les gens viennent pour le style… et repartent avec autre chose. »
11 h 22
Au moment du refrain, François-Henri et Somath l’encouragent à explorer une autre nuance. « Fais-le un peu plus chanté », propose le premier. « Comme un chanteur de R’n’B », précise le second. Sendo s’exécute. Sa voix s’adoucit, se courbe, épouse l’instru. Un timbre plus aigu, comme une caresse. Ça fonctionne. Le studio est en orbite.
11 h 42
Fin de l’enregistrement. Dans la cabine, Sendo enlève son casque. Inspire. Sourit. Il aime ce moment : quand le morceau est forgé. Quand il n’y a plus rien à rajouter. « C’est comme si tu arrivais avec un croquis, et qu’il se révélait enfin en peinture », dit-il, un peu essoufflé. Sur les enceintes, la voix tourne encore. Somath peaufine.
Sendo, lui, pense à l’après. Sa réussite, il la rêve ailleurs que dans les chiffres : dans les imaginaires. « Si des gens de Villepinte, ou d’ailleurs, finissent par se dire : “Grâce à cette chanson, je me sens un peu plus concerné”, alors on avance. »
Ce qu’il veut, c’est être un pont. Entre ceux qui luttent et ceux qui ne se sentent pas légitimes. Le mot qui revient, chez lui, c’est « transition ». Pas au sens technocratique. Plutôt comme un passage entre mondes, d’une écologie encore trop blanche, portée par des privilégiés, et pas assez dans le soin des plus démunis. Il se méfie des bulles qui ne réunissent que des convaincus. Veut amplifier l’écologie dans d’autres récits : ceux des quartiers populaires, de la mode, du hip-hop, de la débrouille. Avec son stylo, ses potes, et la certitude que ce rat des champs — son alter ego poétique — peut encore changer la donne.
11 h 54
La session touche à sa fin. Sendo tente d’esquiver la question de sa propre réussite matérielle. « Anticapitaliste mais j’dirais pas non à du khalis [du fric] », glisse-t-il pourtant, dans un autre morceau. Il vit chichement. Dort parfois chez sa mère, parfois chez l’une de ses sœurs. Il lui arrive de ne manger qu’un repas par jour.
Il s’en accommode. « Être artiste requiert du temps, de la patience », veut-il croire. Pas de job « alimentaire », pas de compromis. Pas par posture : par cohérence. Il a foi en ses projets. Un peu comme son père, resté droit dans ses bottes au Congo-Brazzaville : agriculture naturelle, refus de la corruption, au prix d’une stabilité financière qui a souvent flanché. « Je me dis qu’il y a une fierté à rester aligné. Même quand c’est dur. »
On remet la tête dehors, et on regrette immédiatement la fraîcheur du Magma. Le thermomètre a encore grimpé. « C’est un temps qui va encore faire des « effondrés », notamment chez les classes populaires, soupire-t-il. Il faut vraiment que notre récit soit gagnant, et le plus vite possible. » Poser des mots qui changent la donne, dans un monde déjà en éruption.
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Le parcours engagé de Sendo : de la banlieue au studio
Originaire de Villepinte, en Seine-Saint-Denis, Sendo, de son vrai nom Elota, a grandi dans un environnement où les inégalités sociales et environnementales marquent le quotidien. Son enfance l’a confronté aux réalités brutales de la vie urbaine, mais elle lui a aussi inculqué une passion immense pour la culture et la créativité. Ses premiers pas dans l’écriture se sont faits dans une chambre d’enfant où son grand frère l’a initié au rap et à la musique. À 28 ans, Sendo est devenu un acteur de la scène musicale et écologiste, prônant une écologie qui n’est pas un privilège, mais un droit accessible à tous.
Sendo ne se contente pas de dénoncer les injustices, il cherche à transmettre un message durable et éthique à travers son art. Sa musique, qui mêle slam et influences diverses, vise à éveiller les consciences tout en évitant le ton moralisateur. Lors de nos entretiens, il insiste sur l’importance de raconter des histoires qui résonnent, qui touchent le public dans ses aspirations et ses préoccupations quotidiennes. En studio, il exprime l’envie de créer des morceaux qui inspirent des réflexions et qui incitent à l’action, notamment en ce qui concerne l’urgence climatique.

Du slam au temps du changement
La session d’enregistrement à laquelle j’ai assisté au Magma Studio à Paris est un parfait exemple de cet élan créatif. A l’intérieur, l’atmosphère est chargée de passion et d’engagement. Épaulé par son ingé son Somath et son manager François-Henri, Sendo se lance dans l’enregistrement de son morceau intitulé “Rat des champs”, une ode à la tranquillité face à un monde survolté.
Ses textes reflètent ses préoccupations et sa volonté de faire évoluer les mentalités :
- Les racines sociales de l’écologie
- Le lien entre injustices et crises écologiques
- La nécessité de retrouver un rythme de vie plus apaisé
À travers ses mots, il aborde des thématiques graves tels que l’empoisonnement de notre environnement et les conséquences dramatiques sur les populations les plus vulnérables. Pour lui, la transition écologique doit être inclusive et adaptée aux réalités de chacun.
Thématiques abordées | Messages clés |
---|---|
Inégalités environnementales | L’écologie doit s’adresser à toutes les strates de la société. |
Urgence climatique | Chaque geste compte, l’engagement doit être collectif. |
Culture et responsabilité | La culture peut servir de levier pour le changement. |
Sendo : une voix authentique pour les quartiers populaires
Ce qui distingue véritablement Sendo, c’est sa capacité à s’adresser à des publics souvent oubliés par le mouvement écologiste traditionnel. En cherchant à relier l’art à des luttes sociales, il prône une approche décoloniale de l’écologie. Pour lui, l’art doit être un véhicule de messages puissants qui unissent les gens plutôt que de les diviser. Lors de ses concerts et événements, il crée des espaces où le public découvre non seulement des performances artistiques mais également des discussions sur des sujets cruciaux tels que la mobilisation écologique dans les quartiers populaires.

Des initiatives concrètes et fédératrices
Dans sa quête d’engagement, Sendo ne se limite pas aux paroles. Il a rejoint des collectifs qui militent pour une écologie accessible à tous, notamment par le biais d’initiatives comme « Bœuf sans viande », où il mélange musique, cuisine végétalienne, et discussions autour du développement durable. Ces événements attirent des personnes de différents horizons, rendant l’écologie tangible et engageante.
Il s’implique également dans la création de projets collaboratifs tels que Re-Room, une garde-robe mutualisée pour artistes souhaitant promouvoir une mode responsable, loin des pratiques de consommation de masse. Ceci démontre que l’écologie peut revêtir des formes variées, insérées dans la culture contemporaine.
- Concerts engagés et inclusifs
- Ateliers de sensibilisation
- Collectifs de créativité et de recyclage
L’empreinte de la culture urbaine dans l’écologie
Le parcours de Sendo illustre parfaitement la manière dont la culture urbaine peut servir de plateforme pour véhiculer des messages écologiques. La scène du rap et du slam français est un terreau fertile pour des récits riches et diversifiés. Les artistes de ce milieu sont souvent ancrés dans leurs territoires et portent un regard critique sur les enjeux qui les entourent.
Dans cet univers, Sendo ne déroge pas à la règle. Il fait entendre une voix qui résonne dans les rues, dans la vie quotidienne des jeunes qui vivent dans des quartiers populaires. Ses performances ne se cantonnent pas à divertir mais cherchent à éveiller les consciences sur les enjeux écologiques et sociaux d’aujourd’hui.
La musique comme outil de transformation
La démarche de Sendo tourne autour de l’idée que la musique peut transformer des réalités. Chaque morceau qu’il crée est une pièce du puzzle qu’il tente de monter : un monde où l’écologie et la justice sociale coexistent et se renforcent mutuellement. En ce sens, il prône une responsabilité partagée qui ne s’arrête pas à la scène, mais qui engage chacun à agir dans son quotidien.
En 2025, son influence dépasse les murs des studios. De plus en plus de jeunes de son quartier commencent à s’intéresser à l’écologie grâce à son travail. C’est un véritable mouvement qui s’opère afin de faire de la durabilité et de l’éthique un standard dans leur manière de penser et d’agir.
Impact de l’art sur la prise de conscience écologique | Exemples |
---|---|
Inspiration pour l’action | Ateliers participatifs sur les thèmes environnementaux |
Cohésion sociale | Evénements mêlant musique et débat sur les enjeux écologiques |
Changements de comportements | Engagement dans des pratiques éco-responsables |
L’avenir de l’écologie selon Sendo
En regardant vers l’avenir, l’artiste réfléchit à la manière dont ses actions peuvent affecter son environnement. Il aspire à créer un mouvement qui offre une alternative réelle aux discours traditionnels sur l’écologie, souvent perçus comme éloignés des réalités vécues par les jeunes des quartiers populaires.
La vision de Sendo repose sur l’idée que, pour permettre une transition écologique efficace, il faut commencer par écouter et intégrer les voix souvent marginalisées dans ce discours. Il crée un pont entre l’art et la science, entre ceux qui parlent et ceux qui écoutent. En cultivant cette approche active, il vague à l’encontre d’une vision technocratique et exclusionnaire de l’écologie. Au contraire, il souligne l’importance de l’inclusivité dans chaque acte de création artistique.
Engagement local et ambitions globales
Pour Sendo, chaque engagement local peut avoir des répercussions globales. Avec son approche artisanale et sa volonté d’inclure les histoires de toutes et de tous dans son art, il incarne une vision de l’écologie qui s’élève contre les inégalités. À travers ses chansons et ses projets, il espère faire entendre une voix qui remet en question le statu quo et incite chacun à participer au changement, même à petite échelle.
- Inspirer les jeunes à prendre part à des initiatives écologiques
- Sensibiliser sur les enjeux sociaux liés à la crise climatique
- Éduquer sur l’importance des choix de consommation éthique
En somme, Sendo représente une nouvelle vague d’artistes qui rallient la culture urbaine aux enjeux environnementaux, démontrant que la musique, alliée à la conscience sociale, peut transformer la réalité et inspirer une génération à agir pour un monde plus juste et durable. Dans chaque note, chaque mot, il s’efforce de tisser un récit d’espoir pour un avenir où l’écologie est non seulement un choix, mais une nécessité partagée.