Avec Amine Kessaci, se lever durablement et ensemble contre le narcotrafic …

Le militant écologiste Amine Kessaci venait d’étre placé sous protection policière en raison de son engagement contre le trafic de drogue : c’est Mehdi, son jeune frère de 20 ans qui a été lâchement assassiné le 13 novembre dans son quartier populaire de Marseille ! Pour que sa mort ne soit pas recouverte par les sables de l’indifférence et de l’oubli, Amine Kessaci appelle avec un courage exemplaire, à une mobilisation durable et collective face au narcotrafic …

Amine Kessaci, militant écologiste : « Non, je ne me tairai pas. Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic »

Tribune publiée en libre accès dans Le Monde.fr du 19 novembre 2025 ,

Amine Kessaci, à Marseille, le 8 octobre 2024.
Amine Kessaci, à Marseille, le 8 octobre 2024. MIGUEL MEDINA/AFP

Parce que sa mort ne doit pas être recouverte par les sables de l’indifférence et de l’oubli. Mille fois j’écrirai son nom et je ferai face à ses assassins. Je serai le gardien de sa mémoire. Non, je ne me tairai pas.

Je dirai et répéterai que Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic. Son emprise. Je dirai la lâcheté des commanditaires des crimes. Je dirai la dérive folle de ceux qui exécutent des contrats, brisent des vies et souillent leur âme à jamais. Je dirai pour trouer le silence comme eux trouent les corps de nos proches. Je dirai les carences de l’Etat, les failles de la République, les territoires abandonnés et les populations oblitérées.

Un jour du mois d’août, la police m’a demandé de quitter ma ville et de fermer les locaux de l’Association Conscience parce que j’étais ciblé. Sans m’en dire plus. Les semaines ont passé, sans m’en dire plus. Devant mon insistance à savoir, et parce que les menaces ne se tarissaient pas, on m’a accordé une protection policière, mais sans l’étendre aux miens. Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang ? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?

Il est temps d’agir

Alors maintenant j’entends les discours. Mais qui rendra ses enfants assassinés à ma mère ? Le premier tombé, Brahim [dont le corps a été retrouvé le 29 décembre 2020], repose à Alger. Le second, Mehdi, avait 20 ans. Il a été touché en plein thorax par ses assassins. Il n’était coupable que d’être mon frère. Qui me rendra nos jeux, ses moqueries, sa tendresse, son soutien ?

On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n’est jamais un avertissement. Le sang versé l’est pour toujours, et a plongé ma famille dans l’infini de la mort. On nous frappe pour nous briser, pour nous domestiquer, pour nous asservir. Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies.

Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu’il se passe et comprendre qu’une lutte à mort est engagée. Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?

Hier, j’ai enterré mon frère, et aujourd’hui je parle. Je parle et je ne me tairai pas parce que ma mère m’a appris à ne pas baisser la tête. Je parle, depuis mon deuil, depuis l’épicentre de ma souffrance, pour demander justice pour les miens, mais aussi pour toutes les autres victimes. Je parle parce que je ne peux que lutter si je ne veux pas mourir. Je parle parce que je sais que le silence est l’abri de nos ennemis. Je parle parce que je veux que mille voix s’épanouissent. Que notre révolte face au narcotrafic soit durable, et collective. Levons-nous ensemble. Courage. On ne peut pas tuer tout un peuple. « 

Amine Kessaci, frère de Brahim et de Mehdi, militant écologiste et


Amine Kessaci dans le studio de la Grande Matinale de France Inter le 20 novembre 2025 ©Radio France. Une vidéo de 9’45 » …


Amine Kessaci, « debout » contre le narcotrafic et pour une écologie populaire

Amine Kessaci dans le quartier marseillais de Frais-Vallon, dont il est originaire. – © Léonor Lumineau / Hans Lucas / Reporterre

Militant écologiste engagé contre le narcotrafic, Amine Kessaci vient d’enterrer son frère, assassiné à Marseille. Face à ce crime, il appelle à une mobilisation massive, et à apporter des réponses sociales et de santé publique. Un article signé Justine Guitton-Boussion et Lorène Lavocat dans Reporterre du 22 novembre 2025 …

« Mon petit frère est dans son cercueil à ma place. » Le cœur gros, Amine Kessaci enchaîne les plateaux de médias depuis les obsèques de son frère, Mehdi Kessaci, le 18 novembre. Ce dernier a été tué par balles le 13 novembre à Marseille. Il avait 20 ans.

Amine Kessaci est une tête bien connue dans la cité phocéenne : militant écologiste, il est engagé contre le narcotrafic depuis cinq ans, depuis la mort de son frère aîné, Brahim Kessaci. Le jeune homme, alors âgé de 22 ans, avait été retrouvé brûlé dans une voiture en décembre 2020. Il était impliqué dans le trafic de drogue.

Depuis, son petit frère n’a cessé de s’engager contre le narcotrafic. Il a créé une association, nommée Conscience, pour accompagner les familles des victimes liées au trafic de stupéfiants. Il s’est présenté aux élections européennes sur la liste écologiste menée par Marie Toussaint, puis aux législatives anticipées en tant que tête de liste du Nouveau front populaire, sans parvenir à se faire élire.

« Les narcotrafiquants ont besoin de gens à genoux »

C’est cet engagement associatif et politique qui conduit le parquet de Marseille à penser que l’assassinat de Mehdi Kessaci, en pleine journée, alors qu’il n’était aucunement lié au narcotrafic, pourrait être un « assassinat d’avertissement » — autrement dit, un meurtre pour intimider Amine Kessaci.

« Il ne s’agit pas d’un crime d’avertissement, il s’agit d’un crime politique, de lâches qui ont assassiné un jeune innocent », a réagi le jeune militant sur le plateau du 20 Heures de France 2. « La famille Kessaci vit debout, malgré les drames, indique Marie Toussaint, eurodéputée écologiste, jointe par Reporterre. Les narcotrafiquants ont besoin de gens à genoux, qui se taisent. »

Un meurtre politique, parce que son combat dérange. À tel point qu’il vit sous protection policière depuis cet été. À 22 ans seulement, Amine Kessaci porte une vision écologiste, de gauche, sur la question du trafic de stupéfiants et la sécurité. Une lecture sociale et radicale, bien loin du « tout répressif » du gouvernement, ou du « laxisme » dont est parfois accusée la gauche.

Une question de santé et de société

Pour le militant, le trafic de drogue est avant tout une affaire de santé publique. « Pourquoi les gens se mettent à prendre de la drogue en France aujourd’hui ? interrogeait-il en janvier 2025, dans un entretien à Reporterre. Pourquoi les gens boivent de l’alcool ? Pourquoi ils prennent des antidépresseurs, pourquoi ils se suicident ? »

L’explosion du trafic de drogue est ainsi à mettre en regard avec « l’effondrement des structures collectives de soin, de solidarité et de sens », écrit-il dans son livre Marseille, essuie tes larmes, publié un mois avant la mort de son frère Mehdi. « On a abandonné les gens à eux-mêmes, et dans ce vide, les drogues s’installent. » D’où son combat, profondément écologiste, pour « un changement culturel radical : réhabiliter le temps long, la solidarité, le soin des autres ».

« Il faut créer l’alternative économique au trafic de drogue »

Selon le militant marseillais, l’État devrait lutter contre le trafic de stupéfiants en prenant le problème à la source : la détérioration de la santé mentale des Français. Les budgets de l’État, dont celui de la Sécurité sociale discuté actuellement au Parlement, limitent pourtant drastiquement les dépenses liées à la santé, alors que les besoins ne cessent de croître. Amine Kessaci plaide également pour légaliser le cannabis, ce qui permettrait selon lui de développer des programmes de santé publique et des consultations médicales prises en charge par la Sécurité sociale, pour soigner les personnes et les sortir de leurs dépendances.

D’après lui, le système actuel « arrange tout le monde » : « Le trafic permet d’éviter la question sociale, il sert de paravent, écrit-il dans son livre. Tant qu’on peut parler de dealers, on n’est pas obligés de parler de chômage. Tant qu’on désigne un ennemi intérieur, on peut esquiver la faillite d’un modèle. » Le militant estime que le trafic de drogue est désormais « le seul employeur dans les cités » et qu’il « faut créer l’alternative économique au trafic de drogue », comme il le disait à Reporterre en janvier 2025. Il croit aussi beaucoup à l’école, qui est « bien souvent la dernière digue » dans les quartiers, constate-t-il dans son ouvrage. Une digue qui « craque sous les inégalités, sous l’abandon institutionnalisé ».

Un discours qui dérange à droite… mais aussi à gauche. Ainsi, il répète depuis cinq ans que la gauche devrait se saisir davantage des enjeux de sécurité et de narcotrafic. « Aujourd’hui la question de la sécurité est une priorité, et elle ne peut être que sociale et de santé publique. C’est à la gauche d’apporter ces réponses », disait-il encore à Reporterre au début de l’année. « Le combat contre le narcotrafic est un combat écologiste, soutient aussi Marie Toussaint. Car c’est un combat pour la dignité, un plaidoyer pour que chacun, chacune puisse vivre debout. »

Contre le tout répressif

Amine Kessaci alerte depuis 2020 sur la mauvaise gestion, selon lui, de ce sujet par l’État, qui consiste principalement à réprimer les consommateurs et les petits dealers. « Si on veut réellement gagner une guerre, on doit y mettre tous les moyens. Eux n’ont rien mis, juste de la communication et les opérations Place nette [des opérations menées par les forces de police depuis la fin de l’année 2023] », dénonçait-il déjà en janvier.

Le militant plaide pour une réelle politique de prévention, une augmentation des moyens accordés aux enquêteurs sur le narcotrafic, ainsi que pour un retour de la police de proximité — supprimée par Nicolas Sarkozy en 2003 alors qu’il était ministre de l’Intérieur — pour retrouver un lien entre les forces de l’ordre et les jeunes habitants des quartiers populaires. Mehdi Kessaci, lui-même, rêvait du métier de policier, et s’apprêtait à passer le concours pour devenir gardien de la paix.

Amine Kessaci fustige nombre de positions de droite et d’extrême droite très répressives visant à supprimer les allocations familiales pour lutter contre la délinquance. Ici, dans la cité de Frais-Vallon, dans le 13e arrondissement de Marseille, l’une des plus importantes de la ville. © Léonor Lumineau / Hans Lucas / Reporterre

Une position qui semble (enfin) avoir fait mouche au sommet de l’État : lors du Conseil des ministres, le 19 novembre, Emmanuel Macron a souligné « l’importance d’une politique de prévention et de sensibilisation », ajoutant qu’on ne pouvait pas « déplorer d’un côté les morts, et de l’autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail ».
Le 20 novembre à Marseille, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a reconnu que « la bataille [était] très, très dure contre une organisation criminelle qui sans doute fait entre 5 à 6 milliards d’euros d’argent liquide ».

Amine Kessaci fustige aussi nombre de positions de droite et d’extrême droite très répressives — comme celle des Républicains et du Rassemblement national visant à supprimer les allocations familiales pour lutter contre la délinquance. « C’est clouer nos familles au pilori pour satisfaire l’opinion », écrit-il dans son livre. Il y rend un hommage vibrant aux mères des quartiers « qui ont besoin d’être accompagnées, pas montrées du doigt ». « Ce dont nous avons besoin, c’est de meilleures écoles, d’un avenir, pas d’une punition collective. »

Construire un horizon pour les quartiers par l’écologie populaire

Amine Kessaci ne fait pas que dénoncer, il propose aussi « un autre horizon » via son engagement au sein des Écologistes. Dans ce parti politique « parfois déconnecté » de la réalité des quartiers populaires, il a voulu « porter la voix de l’écologie populaire », écrit-il, « pour que les quartiers soient enfin considérés comme des priorités de la transition écologique et plus comme des zones à surveiller ».
Dans Marseille, essuie tes larmes, Amine Kessaci explique avoir « vu dans ce mouvement une chance, une brèche dans ce système qui nous opprime, écrit-il. L’amélioration de notre cadre de vie, c’est la base. » À condition qu’elle soit populaire, l’écologie peut ainsi participer à redonner de la dignité, du sens et de la vie dans les banlieues — car « tant que la fierté nous habitera, nous vivrons », conclut-il dans son livre. « La bourgeoisie a les mains pleines, et nous avons le ventre vide. Ils ont les beaux quartiers et nous avons le béton délabré, dénonce-t-il encore. Alors, qu’il nous soit au moins permis d’agir pour préserver nos vies de la pollution et la planète de la destruction. »

Il existe un continuum entre l’engagement écologiste d’Amine Kessaci et son combat contre le narcotrafic. L’un nourrit l’autre, et donne au militant « la force de ne rien lâcher », comme il l’écrit. Pour l’heure, lui et sa famille aspirent à « un moment d’hommage et de cohésion nationale », selon les mots de Marie Toussaint. « Il faut un sursaut républicain sur cette question », souligne l’élue, présente à Marseille depuis une semaine.

Une marche blanche se tiendra en mémoire de Mehdi, samedi 22 novembre, à 15 heures à Marseille. Amine Kessaci appelle à une mobilisation massive. « Il faut qu’on soit des milliers à se lever, a-t-il déclaré sur le plateau de France 2. On ne pourra pas tuer tout un peuple, on ne pourra pas tuer toute une nation. »


« Plus on sera nombreux, moins ce sera possible de nous faire taire » : à Marseille, l’émotion et la colère lors de l’hommage à Mehdi Kessaci

Plus de 6 000 personnes se sont rassemblées samedi après-midi dans la cité phocéenne, une semaine après l’assassinat du frère d’Amine Kessaci. Le militant a appelé à « entrer en résistance » face à l’emprise du narcotrafic.
Un article rédigé par Paolo Philippe, envoyé spécial France Info à Marseille l

Plusieurs milliers de personnes ont rendu hommage à Mehdi Kessaci, le 22 novembre 2025 à Marseille (Bouches-du-Rhône). (FELICE ROSA / HANS LUCAS)
Plusieurs milliers de personnes ont rendu hommage à Mehdi Kessaci, le 22 novembre 2025 à Marseille (Bouches-du-Rhône). (FELICE ROSA / HANS LUCAS)

Mehdi Kessaci était un jeune homme « doux, attentionné, attentif ». Il aimait la vie, voulait devenir gardien de la paix et faisait la fierté de sa mère, Ouassila Kessaci, qui l’a honoré lors d’un discours chargé en émotion, samedi 22 novembre à Marseille, lors du rassemblement à sa mémoire. Le garçon de 20 ans, dont le visage s’affichait sur le sweat-shirt blanc de sa mère, a été « assassiné jeudi 13 novembre, tombé sous les balles criminelles qui l’ont touché en plein thorax », a-t-elle rappelé. « Mon cœur est déchiré, je suis inconsolable. Aucune mère ne peut supporter de voir l’enfant sorti de son ventre devenir un cadavre », a lancé, micro à la main, Ouassila Kessaci face à une foule de plus de 6 000 personnes, rassemblées à l’appel d’Amine Kessaci, frère de Mehdi, et encadrée par un important dispositif policier.

Face à l’hypothèse privilégiée par les enquêteurs d’un « crime d’avertissement » qui lui était adressé, le militant engagé contre le narcotrafic avait appelé les Marseillais à se rassembler pour honorer la mémoire de son frère et se lever contre « la violence du narcotrafic », qui gangrène la citée phocéenne comme le reste du pays.

Amine Kessaci embrasse sa mère, Ouassila Kessaci, le 22 novembre 2025 lors de l'hommage à Mehdi Kessaci à Marseille (Bouches-du-Rhône). (CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)
Amine Kessaci embrasse sa mère, Ouassila Kessaci, le 22 novembre 2025 lors de l’hommage à Mehdi Kessaci à Marseille (Bouches-du-Rhône). (CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)

La foule, digne, compacte et silencieuse, a répondu présent à Marseille, où plusieurs banderoles ont rendu hommage à Mehdi Kessaci, assassiné en plein jour par un commando de deux hommes à moto. « Justice pour Mehdi » ; « Pour la vie, pour Mehdi, pour la République, pour Marseille, nous marchons », figuraient parmi les messages dans la foule, qui s’est recueillie en blanc et de manière statique sur le rond-point Claudie Darcy dans le 4e arrondissement, là où Mehdi Kessaci a été exécuté.

« Il nous faut moins de paroles et plus d’actes »

« C’est la première fois que je vois autant de monde [pour un crime lié au narcotrafic], et cela veut dire qu’il s’est passé quelque chose de différent. On a tué quelqu’un pour faire taire, mais plus on sera nombreux, moins ce sera possible de nous faire taire », dit Virginie, qui avait revêtu une blouse blanche au milieu d’une foule hétéroclite − des jeunes, des moins jeunes et des familles issus d’horizons différents − mais aussi de nombreuses personnalités politiques (Yaël Braun-Pivet, Eric Dupond-Moretti, Benoît Payan, Manuel Bompard, Raphaël Glucksmann, Marine Tondelier…). Pourtant, cette Marseillaise redoutait ce moment, tant les homicides liés au narcotrafic sont devenus le quotidien de la ville, surtout dans les quartiers populaires. « Il y a une léthargie et du fatalisme, alors j’espère que cet événement va tous nous faire réagir : aujourd’hui, il y a tout Marseille, et il faut qu’on se rende compte qu’on est tous concernés » par le fléau du narcotrafic, dit la jeune femme, partagée entre dignité, « tristesse et colère ».

Comme elles, plusieurs personnes interrogées par franceinfo expliquent n’avoir jamais vu autant de monde pour ce type de mobilisation. Omhani, une femme qui connaissait Amine Kessaci − déjà endeuillé par la mort d’un autre frère, Brahim, dans un narcomicide en 2020 − espère que cet assassinat fera date, qu’il fera prendre conscience de l’emprise du narcotrafic. Mais tous ne croient pas « au tournant ». « Les politiques défilent tous aujourd’hui, et ensuite ? », interroge Michel, un septuagénaire croisé avec une fleur à la main.

Michel lors du rassemblement en hommage à Mehdi Kessaci, le 22 novembre 2025 à Marseille (Bouches-du-Rhône). (PAOLO PHILIPPE / FRANCEINFO)
Michel lors du rassemblement en hommage à Mehdi Kessaci, le 22 novembre 2025 à Marseille (Bouches-du-Rhône). (PAOLO PHILIPPE / FRANCEINFO)

« Il nous faut moins de paroles et plus d’actes. Qu’on ramène des services publics dans les quartiers, qu’on réintroduise la police de proximité et que la peur change de champ. Car là, le message c’est ‘calmez-vous et laissez-nous tranquilles' », dit-il à propos des narcotrafiquants que certains, dans la foule, qualifient de « mafia ».

« Est-ce que cela va changer des choses ? »

« Il y a une loi du silence », dit Mariam, qui vit dans les quartiers nord de Marseille. Les coups de feu réguliers, les jeunes qui font la loi en bas des « fours » (les points de deal), les grosses berlines : elle décrit un « système bien huilé », dans des endroits où des jeunes sont livrés à eux-mêmes, appâtés par l’argent facile. « Là, cette mort a un caractère symbolique, mais est-ce que cela va changer des choses ? Je ne sais pas », tempère Mariam.
« Que veut dire cet assassinat ? Que demain ce sera un journaliste, un magistrat, un élu ? », a interrogé de son côté Benoît Payan, le maire de Marseille, appelant à lutter contre une « mafia qui assassine pour l’argent ». « Nous devons nous dresser et leur dire que nous n’avons pas peur », a aussi dit l’édile de la deuxième ville de France, qui a rencontré Amine Kessaci et sa famille en aparté. Dans un discours enregistré, le militant, un temps annoncé absent pour des raisons de sécurité mais finalement présent, a appelé à continuer le combat. « Mes frères sont morts, mais vous tous vous êtes vivants. Nous sommes vivants. Je ne sais pas ce que ma vie sera maintenant, mais ce que je sais, c’est que j’ai besoin de vous, de votre engagement dans la durée. Entrer en résistance, lutter, parce que lutter, c’est vivre. »