Label “Les plus belles fêtes de France” lié à Pierre-Édouard Stérin : la riposte s’intensifie !

En obtenant le label “Les plus belles fêtes de France, des communes pensaient avoir saisi une aubaine pour développer leurs festivités traditionnelles. Mais la révélation par L’Humanité, en juillet, de liens entre l’association Les plus belles fêtes de France et la galaxie du milliardaire conservateur Pierre-Edouard Stérin a rendu le macaron soudain embarrassant. La riposte s’organise, notamment en Bretagne …

« Nous, représentants des confédérations Kenleur et Sonerion, engagés dans la valorisation des cultures populaires de Bretagne, tenons à exprimer notre ferme opposition au label « Les Plus Belles Fêtes de France », récemment attribué à plusieurs événements culturels à travers le territoire.

Derrière ce label, présenté comme apolitique, se cache une initiative portée par Pierre-Édouard Stérin, entrepreneur milliardaire et mécène engagé dans des projets politiques ultraconservateurs. Fondateur du Fonds du Bien Commun, il est également à l’origine du projet Périclès, qui vise à structurer l’extrême droite en France et à influencer les politiques culturelles locales. Le label « Les Plus Belles Fêtes de France », attribué par un comité issu de cette galaxie idéologique, s’inscrit dans une stratégie de reprise en main identitaire du secteur culturel, sous couvert de valorisation des terroirs.

Cette labellisation s’accompagne de promesses de soutien financier et de visibilité. Mais elle impose aussi une lecture homogénéisante et idéologisée des cultures régionales, en contradiction avec l’esprit d’ouverture, de diversité et de solidarité qui sont l’essence même de notre culture.

Les fêtes et festivals en Bretagne sont des espaces de transmission, de création et de rassemblement. Elles incarnent la richesse de notre culture, la diversité des expressions artistiques et l’ouverture aux autres. Nous appelons l’ensemble des organisateurs de fêtes populaires, des collectivités locales et des acteurs culturels à la vigilance et à refuser toute labellisation ou subvention qui compromettrait l’indépendance, la pluralité et les valeurs humanistes de nos événements.

Nous tenons également à préciser que notre démarche ne vise pas à blâmer les organisateurs des événements concernés. Beaucoup d’entre eux n’étaient pas informés de l’origine et des implications idéologiques de ce label, et agissent dans un contexte de fortes contraintes économiques. Nous comprenons les difficultés auxquelles ils sont confrontés pour maintenir leurs manifestations culturelles vivantes et accessibles. Ces évènements sont un élément essentiel du vivre ensemble, ils participent à la cohésion sociale, à la transmission intergénérationnelle et à l’ouverture aux autres. Cet épisode doit être l’occasion d’un sursaut collectif : celui des fêtes et festivals eux-mêmes, mais aussi des élus, des acteurs culturels, des institutions et des citoyens, pour réaffirmer avec force les valeurs d’indépendance, de pluralité et d’humanisme qui fondent notre culture populaire.

Nous réaffirmons notre attachement à une culture populaire libre, inclusive et émancipatrice, et continuerons à œuvrer pour qu’elle reste un espace de partage, de mémoire et de création, loin de toute récupération. »

Par les conseils d’administration
des confédérations Kenleur et Sonerion
 


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Une vidéo de 20 minutes pour savoir qui est Pierre Edouard Stérin …


Le label “Les plus belles fêtes de France”, lié à Pierre-Édouard Stérin, créé un malaise dans les festivals bretons

Écrit par Séverine Breton  pour France 3 Bretagne du

A Plœuc-L’Hermitage, les préparatifs pour « La pomme de terre en fête » sont un peu gâchés par la polémique sur « Les Plus Belles Fêtes de France ». Pierre-Édouard Stérin, le milliardaire qui ne cache pas sa volonté de voir l’extrême droite remporter les élections, aurait investi dans le label. Plusieurs festivals bretons refusent d’être associés à son nom.

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« On avait candidaté au label des ‘Plus belles fêtes de France’ parce qu’on trouvait que c’était une bonne idée de défendre les fêtes rurales, se souvient Pascal Allo, président de La Belle du Lié qui organise « La pomme de terre en fête » à Ploeuc-L’Hermitage dans les Côtes d’Armor. On a monté un dossier. On y a mis de l’énergie.  »

Tout cela s’est déroulé au printemps, et puis, fin mai, la nouvelle est arrivée : « Parmi les 170 dossiers déposés, on faisait partie des 44 fêtes labellisées. Pour nous c’était une petite fierté, les bénévoles étaient très heureux, c’était une reconnaissance de leur travail et de leur investissement ». Et Patatras !

« Ils avançaient masqués »

Comme plusieurs autres organisateurs de fêtes ou de festivals bretons, Pascal Allo ne s’était pas méfié de cette association Les Plus belles fêtes de France.« C’était une association qui avait pignon sur rue, elle avait été reçue au Sénat, reçue aussi par l’association des maires de France. »

Sur son site internet, l’association Les Plus Belles Fêtes de France propose de défendre fêtes et festivals, avec un agenda à la clé : « issues de nos traditions agricoles, de nos légendes, de nos modes de vie, de notre histoire ou de notre gastronomie, les fêtes sont l’expression de notre identité culturelle et sociale. L’association des plus belles fêtes de France s’engage pour que les traditions locales se perpétuent et pour que nos territoires demeurent des lieux vivants, facteurs de lien social. »

Mais récemment, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin est entré au capital de l’association. Et cela invite à relire les phrases avec attention. L’homme qui a fait fortune avec les Smartbox affiche vouloir mettre ses millions au service de ses idées. Catholique traditionaliste, militant pro-vie (anti-avortement), il souhaite unir les droites et l’extrême droite pour leur permettre d’accéder au pouvoir. Son projet, nommé « Périclès », est ainsi l’acronyme de Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes.

« Infiltration, manipulation »

Sur leur page Facebook, par exemple, Les plus belles fêtes de France fait la promotion de la Fête du piment à Espelette, celle de la Madeleine à Commercy.

« En fait, il voulait infiltrer le monde rural, s’indigne Thibaut Guignard, le maire de Ploeuc-L’Hermitage. C’est une tentative de manipulation.  »
« On était loin de tout ça ! s’agace Pascal Allo. Cette polémique m’exaspère. La politique n’a rien à foutre là-dedans. »

« Cela fait 25 ans qu’on organise cette fête, témoigne-t-il, que tout le monde est uni, se parle. Il y a 650 bénévoles, c’est presque toutes les maisons de Ploeuc qui s’investissent. Il n’y a jamais eu de politique.
Notre projet c’était de dynamiser une production qui en avait bien besoin, de faire bouger les gens. »

S’il y a des gens qui s’investissent avec pour seul but de tirer profit de ce genre de choses, ça déconne complètement !

Pascal Allo, co-président de La Belle du Lié

« S’il y a des gens qui s’investissent avec pour seul but de tirer profit de ce genre de choses, ça déconne complètement ! Ça aurait été l’extrême gauche, ça aurait été pareil. La politique n’a rien à faire là-dedans ! » martèle-t-il.

L’association a décidé de se retirer du label et a aussitôt cessé d’apposer son macaron sur ses documents. « On fait des T-shirts pour les bénévoles, on était fiers de mettre le label dessus. Dès qu’on a eu écho de l’affaire, on a tout arrêté. Heureusement. Je ne me voyais pas porter fièrement quelque chose qui est entaché de ces conneries-là » tempête Pascal Allo.

L’association dément toute implication politique

Dans un communiqué, le label des Plus belles fêtes de France se défend de ces accusations : « L’association Les plus belles fêtes de France a été créée en 2024 pour valoriser les fêtes populaires traditionnelles et soutenir leurs organisateurs, en réponse aux difficultés rencontrées par ceux-ci : crise du bénévolat, difficultés de financement, manque de reconnaissance des équipes, manque de visibilité. L’association est strictement apolitique, non lucrative et désintéressée. »

Des dénégations qui n’ont pas convaincu les festivals. La Fête des Islandais à Paimpol, Grain d’Pirate à Binic ou les Grandes régates de Port Navalo ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient plus que ce label soit accolé à leur événement.

 

L’association Les Plus Belles Fêtes de France promettait pourtant des subventions et de la promotion, avec notamment une parution dans un guide Michelin à paraître. Thibaut Guignard, le maire de Ploeuc-L’Hermitage, préfère y renoncer.

On a le sentiment d’avoir été roulés dans la farine. Thibault Guignard, maire de Ploeuc-L’Hermitage

« Ce n’est pas grave pour nous parce que 2 000 euros sur un budget de 215 000, ce n’est pas ça qui va changer la face de la fête. Notre fête existe depuis longtemps, elle rassemble des milliers de personnes. Ce n’est pas grave dans les faits, mais ça l’est sur le principe. On a le sentiment d’avoir été roulés dans la farine. « 

« Instrumentaliser les festivals à coups de billets »

Une opinion partagée par Fanny Chappé, la maire de Paimpol qui dénonce une absence totale de transparence dans cette histoire. « À aucun moment, ils n’ont annoncé la couleur, indique-t-elle, et soudain, on découvre une intention politique derrière cette association. »

L’élue rappelle que la Fête des Islandais a été créée pour se souvenir du passé maritime de la ville, de l’époque où les marins s’embarquaient de longs mois en mer pour pêcher la morue. « Pour ce genre de fête, il ne doit pas y avoir de subvention politique, quelle qu’elle soit. Et encore moins quand le projet est de participer à la montée de l’extrême droite. »

« Pierre-Édouard Stérin veut instrumentaliser les festivals à coups de billets, accuse-t-elle. Mais, nous n’avons pas besoin de l’extrême droite pour valoriser notre patrimoine et notre culture. On n’a pas besoin d’eux ! « 

Le danger du complotisme

Après le temps de l’agacement, vient celui de l’inquiétude. Fanny Chappé s’interroge sur l’impact de cette tentative d’infiltration. « Cela va conforter la tendance complotiste de toutes celles et tous ceux qui pensent que nous sommes soumis à des manipulations, regrette-t-elle. Quand on est élu, qu’on est bénévoles, qu’on se démène et qu’on fait ça de bonne foi, cela met particulièrement en colère. « 

À Ploeuc-L’Hermitage, Pascal Allo est retourné à ses préparatifs. Il attend quelque 30 000 visiteurs autour des animations sur les pommes de terre, des concerts, des dégustations… « La page est tournée, dit-il. On passe à autre chose. Cette histoire de label, c’est pas ça qui va nous faire vivre, c’est pas ça qui va nous faire mourir ! »