Jour J au Chili pour ou contre la nouvelle constitution …

Ce dimanche 4 septembre 2022, la population du Chili vote pour dire si elle approuve ou rejette le projet de nouvelle Constitution. Le jeudi 1er septembre, au terme d’une campagne sans relâche pour tenter de convaincre les indécis, près de 500 000 personnes marchaient le long de l’avenue Alameda à Santiago sous le slogan « J’approuve«  pendant que 500 partisans du rejet se retrouvaient sur la colline de San Cristobal …

Pendant que dans la rue, « L’Apruebo » fait largement la course en tête comme en témoigne cette vidéo aérienne captée le 1er septembre à Santiago …

 

… les partisans du rejet inondent les réseaux sociaux et bénéficient de la puissance des télévisions et quotidiens, majoritairement conservateurs. Et si tous les sondages, sans exception, prédisent que le «rejet» l’emportera, les jeux ne sont cependant pas faits avec l’incertitude autour du vote obligatoire !

J-1 pour le référendum sur la nouvelle Constitution au Chili: les jeunes prennent la parole

Manifestation étudiante à Santiago du Chili, le 25 mars 2022.
Manifestation étudiante à Santiago du Chili, le 25 mars 2022. REUTERS – IVAN ALVARADO

C’est demain, dimanche 4 septembre 2022, que les Chiliens votent pour approuver ou rejeter la proposition de nouvelle constitution. Ce référendum c’est le résultat, trois ans après, des manifestations massives qui avaient secoué le pays en 2019. Une crise sociale lancée par les lycéens qui protestaient contre l’augmentation du prix du ticket de métro, puis, très vite, toute la population était sortie dans la rue pour manifester contre le système ultra néolibéral chilien. Pour sortir de la crise, un accord entre les partis politiques avait été trouvé pour entamer un processus constitutionnel. Aujourd’hui, les jeunes qui avait lancé les protestations en 2019 sont majeurs et vont pouvoir voter pour la première fois de leur vie lors du référendum demain.

Matías avait 15 ans en 2019 lorsque la crise sociale a éclaté dans le pays. « Je crois que c’est grâce à nous les jeunes que la mobilisation a eu lieu, quand nous avons commencé à frauder les transports en commun, à protester dans la rue, à faire grève dans les lycées. »

Il se souvient aussi des violences policières lors des manifestations qui avaient fait une trentaine de morts, des milliers de blessés et des mutilés. « On manifestait pacifiquement dans la rue pour réclamer nos droits. Et d’un coup les policiers débarquaient et nous réprimaient avec leur canon à eau et leur gaz lacrymogène. »

Malgré tout, il se sent heureux d’avoir pu contribuer à faire évoluer les choses dans son pays. « Les personnes âgées de 70 – 80 ans ne pouvaient pas sortir et manifester comme nous l’avons fait. On était un peu comme leur porte-parole. Des fois, pendant les manifestations, ils venaient nous saluer et nous remerciaient de protester pour avoir un meilleur pays. »

Matías a fêté ses 18 ans en juin dernier, il pourra donc participer au référendum de dimanche. « Ce vote a une importance particulière. Car après trente ans avec une Constitution écrite sous la dictature, avec beaucoup de personnes qui ont souffert, les gens désirent un nouveau projet pour le futur du Chili. Et pour moi c’est un peu fou d’avoir la possibilité de décider, surtout que c’est la première fois que je vote. »

Son ami Ignacio qui votera aussi pour la première fois puisqu’il a 18 ans, estime que la seule issue possible au vote c’est la victoire du « oui » à la nouvelle Constitution. « J’espère que le « oui » va l’emporter car cela bénéficiera à la majeure partie de la population. Le nouveau Chili dépend de ce référendum. Car si la nouvelle constitution est rejetée tout restera comme c’est actuellement et selon moi ce serait une très mauvaise chose. »

Pour Dennisse, 20 ans, qui votera également pour la première fois, les jeunes vont jouer un rôle essentiel dimanche. « La grande partie des personnes qui voteront « pour » le texte, ce sont les jeunes. Et ceux qui voteront « contre » ce sont plutôt les personnes adultes plus âgées. Elles ont peur des changements qui pourraient survenir car c’est dur de s’habituer à quelque chose de nouveau. »

La particularité du vote cette fois-ci c’est qu’il est obligatoire. Il est donc difficile de savoir quel sera la décision des 50 % de Chiliens qui traditionnellement ne votent pas lors des élections. Mais selon les derniers sondages, c’est le « non » à la nouvelle Constitution qui pourrait l’emporter.


Au Chili, un référendum constitutionnel du 4 septembre très disputé

Le drapeau chilien brandi par des manifestants opposés à la nouvelle Constitution à Santiago, le 1er septembre 2022.
Le drapeau chilien brandi par des manifestants opposés à la nouvelle Constitution à Santiago, le 1er septembre 2022. AP – Matias Basualdo

Le Chili tournera-t-il définitivement la page Augusto Pinochet ? 15 millions de Chiliens en décideront, dimanche 4 septembre, lors d’un référendum. Ils sont appelés à se prononcer sur une nouvelle Constitution qui remplacerait celle héritée de la dictature, et qui est toujours en vigueur. Mais à deux jours du référendum, tous les sondages indiquent qu’une majorité de votants vont rejeter le texte nouvelle Constitution.

« Le nouveau contrat social, s’il était approuvé, déterminerait le vivre-ensemble dans le Chili de demain. C’est donc un moment historique que s’apprête à vivre la société chilienne », souligne Sebastian Santander. Ce professeur en sciences politiques à l’Université de Liège est formel : les 388 articles rédigés par l’Assemblée constituante au cours d’une année font de ce projet non seulement la plus longue mais aussi l’une des plus progressistes Constitutions au monde.

Un projet ambitieux et progressiste

Pour les membres de l’Assemblée constituante, il s’agissait de « garantir les droits fondamentaux à chaque Chilien, et notamment aux populations les plus défavorisées sous le système actuel », explique l’expert.

« Le texte garantit le droit à l’IVG. Il instaure une parité de genre dans toutes les instances gouvernementales et administratives du pays. Cette proposition envisage aussi de créer un État plurinational. Cela veut dire qu’il donne des droits aux communautés autochtones, comme par exemple l’accès aux territoires, une reconnaissance culturelle et linguistique, et surtout la mise en place d’un pluralisme juridique. Cela permettrait aux communautés autochtones de disposer de leur propre système judiciaire. Même si, pour certaines questions, il y aurait bien évidemment un système judiciaire nationale », détaille Sebastian Santander.

Le professeur poursuit : « Un autre point important sont les droits environnementaux. Il s’agit là de garantir la protection et l’accès aux ressources terrestres et d’interdire toute marchandisation des ressources naturelles. Et puis, cette Constitution inscrit également la mise en place d’un système public pour les soins de santé, l’éducation et les retraites. C’est véritablement un projet très ambitieux. »

La droite a mené campagne contre la nouvelle Constitution

Dès le début des travaux de l’Assemblée constituante, la droite chilienne a lancé une campagne très agressive dans les médias et les réseaux sociaux contre le projet de « créer une nouvelle société en dépassant la Constitution pinochétiste de 1980 », explique encore Sebastian Santander. « Ces forces conservatrices veulent maintenir le statu quo, conserver à tout prix le modèle de société actuelle. Parce qu’elles craignent que leurs intérêts soient remis en question », détaille-t-il.

Bien qu’elle n’en soit pas la seule cause, cette campagne menée par la droite chilienne et souvent empreinte de désinformation massive a réussi à semer le doute au sein de la population. Depuis des mois, le « non » au référendum de ce dimanche 4 septembre 2022 est en tête des sondages. Il y a presque deux ans, en octobre 2020, 78% des Chiliens avaient pourtant voté pour l’élection d’une Assemblée constituante.

Ce résultat signifiait surtout aussi « le rejet définitif de la Constitution de 1980 héritée de l’ère Pinochet », constate Alfredo Joignant, professeur à l’université Diego Portales à Santiago, pour qui ce rejet « exclut tout retour en arrière ». « Tout le monde le sait, y compris la droite. La Constitution de 1980 est techniquement morte », souligne Alfredo Joignant.

Même si le « non » devait l’emporter, un retour en arrière est impossible

Seulement voilà : si le « non » l’emporte ce dimanche au référendum, c’est bien la Constitution de Pinochet qui restera en vigueur. « Ce qui s’ouvre au Chili, c’est une espèce de no man’s land », estime Alfredo Joignant, qui est certain de la victoire du « non ».

« C’est-à-dire une période où la norme constitutionnelle en vigueur, celle de 1980, opère juridiquement dans les faits mais sans aucune adhésion politique et sans légitimité sociale. C’est la raison pour laquelle il va falloir avancer de manière extrêmement rapide vers l’élection d’une nouvelle Assemblée constituante. Donc, tout ce qui devrait se passer, une fois le plébiscite du 4 septembre achevé, passe par des négociations avec la droite. Et à partir de là, les forces de gauche vont devoir s’accrocher à cette négociation, y compris le président de la République », expose le professeur.

Dans ce contexte, ce sont les Chiliens encore hésitants qui concentrent toute l’attention. Selon les sondages, ils seraient entre 10% et 15% à ne pas encore avoir déterminé leur choix pour le référendum de dimanche.

Pour les convaincre, Gabriel Boric, le président de centre-gauche et fervent soutien de la nouvelle Constitution, a d’ores et déjà promis que des améliorations seraient apportées au texte si celui-ci était adopté. Une stratégie qui ne semble pas avoir fait bouger les intentions de vote. Les sondages donnent toujours le « non » en tête.


Chili : à J-3 avant avant le référendum constitutionnel, les deux camps bouclent leurs meetings

Des Chiliens se tiennent près d'un panneau géant où est inscrit l'article 160.1 du projet de nouvelle Constitution, le 23 août 2022 à Santiago du Chili.
Des Chiliens se tiennent près d’un panneau géant où est inscrit l’article 160.1 du projet de nouvelle Constitution, le 23 août 2022 à Santiago du Chili. REUTERS – IVAN ALVARADO

Le bloc du Rechazo, « contre » la nouvelle Constitution, qui selon les sondages pourrait remporter le vote, a réuni quelques centaines de personnes dans un amphithéâtre en plein air dans l’une des communes les plus riches du pays. Tous les partisans du Rechazo avaient entre leurs mains un drapeau chilien qu’ils agitaient dans les airs. « Nous ne sommes pas obligés d’approuver un texte constitutionnel qui nous sépare, nous divise et nous confronte », lance un des orateurs qui appelle à voter contre la nouvelle Constitution.

Maria Elena a assisté à l’évènement avec son époux. « Je ne suis pas d’accord avec la pluri nationalité, nous explique-t-elle. Nous ne voulons pas de Chiliens de première et de deuxième classe. Nous sommes Chiliens avant tout. » Elle craint un futur néfaste pour le Chili si la nouvelle Constitution est approuvée. « Nous prendrons le même chemin que beaucoup d’autres pays d’Amérique Latine, c’est-à-dire la pauvreté et la dictature de la gauche. Comme ce qui se passe à Cuba depuis 63 ans. »

Pour Daïri une jeune étudiante, c’est le droit à l’avortement inscrit dans la nouvelle Constitution qui pose problème. « Je crois que chacun a le droit de vivre, qu’il s’agisse d’un fœtus ou d’un bébé. Et je sais que les Chiliens feront le bon choix. Il nous faut un bel avenir pour nos enfants et c’est aussi pour nos ancêtres qui ont lutté pour nous. »

L’« Apruebo » aussi en meeting

Au même moment, à quelques kilomètres de là, le camp de l’Apruebo, « pour » la nouvelle Constitution, rassemblait des milliers de personnes sur l’une des avenues principales de la capitale.  Une grande scène a été installée et des artistes y ont défilé toute la soirée, sous les cris et applaudissements des milliers de personnes présentes.

Benjamin, un étudiant, est convaincu que le « oui » à la nouvelle Constitution l’emportera dimanche soir. « Je crois qu’il est temps d’avancer et de laisser dernière nous la Constitution de la dictature. Car même si elle a été réformée plusieurs fois, ces réformes n’ont jamais été menées jusqu’au bout.

La nouvelle Constitution garantit la parité, elle parle de l’environnement et des droits sociaux. L’état social nous ajoutera des droits supplémentaires, en aucun cas il ne nous en retire et il nous unira aussi.

C’est un processus qui va prendre du temps, on n’aura pas de changement dès le lendemain du vote. Ça va être progressif. Mais le plus important, c’est qu’en tant que peuple, et avec les nations qui existent au Chili, nous nous unissions pour le progrès, peu importe quel sera le résultat final. Mais évidemment j’espère que ce sera l’Apruebo ! La crise sociale de 2019 n’a pas été vaine, le système actuel ne tient plus. C’est donc le moment d’avancer et on garde espoir. »

Martin Bernetti / AFP

A l’initiative d’organisations chiliennes – la Coordinadora Feminista del 8 Marzo et le Modatima, réunis dans la campagne Movimientos Sociales por el Apruebo – et de la Fondation Danielle-Mitterrand, plus de 400 personnalités, parmi lesquelles Philippe Descola ou Virginie Despentes, appellent, dans une tribune au « Monde », à l’adoption de la nouvelle Constitution chilienne.

« Le 4 septembre, le Chili devra voter pour approuver ou rejeter la nouvelle Constitution, préparée depuis un an par une Assemblée constituante. Ouvert grâce à la révolte populaire qui a éclaté en octobre 2019, le processus constituant chilien est un moment historique décisif au niveau international. Il concerne toutes celles et ceux qui veulent mettre fin au néolibéralisme et construire des sociétés justes, solidaires, démocratiques et écologiques.

Depuis la France, nous, universitaires, juristes, avocats, élus, scientifiques, artistes, militants associatifs, nous nous engageons aux côtés de la campagne pour approuver ce projet de Constitution et nous soutenons l’adoption de la nouvelle Constitution du Chili. Si les peuples du Chili l’approuvent, ce nouveau texte mettra fin à une Constitution imposée en 1974 par la dictature d’Augusto Pinochet (1915-2006), qui a institutionnalisé un modèle néolibéral sauvage réduisant les droits humains et sociaux fondamentaux, privatisant des pans entiers d’activités et précarisant la vie de la grande majorité de la population.

Le Chili a été le laboratoire de ce modèle désastreux, imposé dans un régime autoritaire et répressif, qui s’est depuis reproduit dans une grande partie du monde. Le bilan de quarante ans de néolibéralisme est sans appel : le Chili est l’un des pays les plus inégalitaires au monde. Un pays où les droits humains sont violés par l’Etat et les entreprises. Un pays où l’exploitation des territoires – et notamment des terres habitées par les peuples autochtones – conduit au sacrifice de zones entières.

Un modèle de Constitution pour le monde

Un pays où l’endettement est une condition de la survie quotidienne. Un pays où les retraités survivent en moyenne avec 288 euros par mois. Un pays où l’eau est une marchandise et où les rivières s’assèchent pour que les portefeuilles de l’agrobusiness et des industries minières se remplissent. Un pays où la santé et l’éducation sont un marché. Un pays où le droit de grève n’est quasiment pas garanti.

Ce processus constituant représente ainsi un moment historique, car il vient remettre en question le modèle néolibéral qui a provoqué ou aggravé des désastres : explosion des inégalités et des ségrégations, déprédation environnementale, destruction des solidarités, montée en flèche des nationalismes, des haines et de la logique du « bouc émissaire »

La recherche de nouvelles alternatives économiques et sociales que représente le processus constituant chilien est donc particulièrement importante à l’heure où, partout dans le monde, nous constatons que la crise du capitalisme se retourne une fois de plus contre les populations les plus démunies, alors que, au même moment, les crises écologiques remettent directement en question nos modèles de développement.

Une démocratie inclusive et paritaire

Dans un contexte mondial marqué par l’extension des logiques autoritaires, le processus constituant chilien est un espoir pour les forces d’émancipation. Participatif et paritaire, le processus s’est articulé aux territoires et aux luttes étudiantes, écologistes, autochtones, féministes, syndicales. Ces mobilisations populaires, qui remettent quotidiennement en cause le système néolibéral depuis des décennies, ont été la base des avancées du projet de Constitution, qui ouvre un horizon de profonde démocratisation sociale.

Le projet de Constitution reconnaît le caractère plurinational et interculturel de la République chilienne, pour garantir le respect des droits à l’autodétermination et à l’autonomie des peuples et nations autochtones. La proposition de nouvelle Constitution garantit les droits sexuels et reproductifs, en particulier le droit de décider de l’interruption volontaire de grossesse – une première pour une Constitution –, le droit à une vie sans violence fondée sur le genre.

Elle promeut la construction d’un système judiciaire avec une perspective basée sur le genre, les droits humains et une approche intersectionnelle. Elle propose une démocratie inclusive et paritaire, pour progresser vers une égalité réelle, avec une participation d’au moins la moitié des femmes dans tous les organes de l’Etat, les sociétés publiques et semi-publiques. Elle prévoit l’adoption de mesures visant à garantir la représentation de la diversité sexuelle et de genre.

Reconnaissance des droits de la nature

Elle promeut le passage à un Etat social dont le rôle est de protéger et de garantir les droits sociaux fondamentaux individuels et collectifs : droit à la santé ; éducation publique, gratuite, laïque, de qualité, non sexiste, interculturelle ; le droit à la sécurité sociale par le biais d’un système public ; les droits du travail pour garantir des emplois décents ; la reconnaissance du travail domestique et de soins ; les droits syndicaux pour les secteurs public et privé ; le droit de négociation collective et le droit de grève.

Elle propose des avancées importantes pour garantir les droits fonciers et environnementaux : elle reconnaît l’eau comme un bien commun inappropriable et non échangeable. Elle reconnaît les droits de la nature, comme la protection de l’eau, des glaciers, de la biodiversité, des zones humides, des forêts indigènes et des sols, ainsi que la responsabilité de l’Etat en matière de prévention, d’adaptation et d’atténuation des risques pour faire face à la crise écologique que nous traversons.

En ce moment historique pour le Chili et le monde, nous espérons que la nouvelle Constitution sera largement approuvée, afin de faire progresser des droits importants au Chili et d’inspirer des changements transformateurs dans de nombreuses régions du monde. »

Les premiers signataires de cette tribune :
Eve Chiapello
, sociologue et directrice d’études à l’EHESS ; Françoise Combes, astrophysicienne et professeure au Collège de France ; Philippe Descola, anthropologue et professeur émérite au Collège de France ; Virginie Despentes, écrivaine ; Didier Fassin, anthropologue, sociologue et médecin, professeur à Princeton et directeur d’études à l’EHESS ; Donna Haraway, professeure émérite d’histoire de la conscience et des études féministes à l’université de Californie-Santa Cruz ; Valérie Masson-Delmotte, membre du GIEC, paléoclimatologue et directrice de recherches au CEA ; Albert Ogien, directeur de recherche émérite en sociologie, CNRS ; Carlo Rovelli, physicien et philosophe au centre de physique théorique de Luminy ; Isabelle Stengers, philosophe et professeure émérite à l’Université libre de Bruxelles ; Jérémie Suissa, délégué général de Notre affaire à tous, ONG pour la justice climatique ; Jacques Testart, biologiste, président de l’association Fondation sciences citoyennes ; Bruno Théret, économiste et directeur de recherche émérite au CNRS.

La liste complète des signataires en cliquant sur ce lien …


Le Chili face au choix d’une société libérale ou plus solidaire

Les électeurs chiliens se prononcent dimanche sur une nouvelle constitution, qui pourrait être rejetée selon les sondages. Un article du Matin.ch daté du 2 septembre 2022 …

Des partisans du camp «J’approuve», jeudi 1er septembre à Santiago. 

Des partisans du camp «J’approuve», jeudi 1er septembre à Santiago.  REUTERS

Le Chili retourne aux urnes dimanche pour se prononcer sur une nouvelle constitution, entre maintien d’une société libérale ou aller vers un État plus interventionniste. Si les sondages prédisent un rejet, l’incertitude demeure sur l’issue de ce vote obligatoire pour 15 millions d’inscrits.

La proposition vise à remplacer l’actuelle Constitution rédigée sous la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990) qui, malgré plusieurs réformes successives, est toujours considérée comme un frein à toute réforme sociale de fond. L’éducation, la santé et les retraites étant notamment aux mains du secteur privé.

Fin de campagne

Pour la clôture de la campagne pour le référendum, des milliers de manifestants ont marché sous le slogan «j’approuve» – 500’000, selon les organisateurs –, le long de l’avenue Alameda à Santiago. Les partisans du rejet, ont eux, organisé un rassemblement plus discret d’environ 500 personnes sur la colline de San Cristobal qui surplombe la capitale.

Troisième vote en deux ans

La rédaction d’une nouvelle Loi fondamentale avait constitué une porte de sortie politique aux violentes manifestations de 2019 pour réclamer plus de justice sociale. C’est la troisième fois en deux ans que les Chiliens sont appelés à se prononcer sur ce processus constituant, après un premier référendum en octobre 2000 (adopté à 79%), et l’élection en mai 2021 d’une Assemblée de 154 membres, à parité hommes-femmes, chargés de la rédaction de la nouvelle constitution.

Avortement, environnement…

Les changements proposés vont d’une plus grande autonomie pour les peuples indigènes (12,8% de la population) à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) inscrite dans le marbre, en passant par des mesures de protection de l’environnement ou la suppression du Sénat.

Les défenseurs du nouveau texte estiment qu’il va changer profondément un pays autrefois conservateur, aux fractures sociales marquées le long des lignes ethniques et économiques, et jeter les bases d’un Chili plus égalitaire.

«Grand pas vers le changement»

Anadriel Hernandez, 18 ans, dit être conscient que les changements ne se produiront pas «du jour au lendemain mais on commence toujours par quelque chose et je crois que la nouvelle Constitution est un grand pas vers le changement dans la façon dont le pays est gouverné.»

Craintes d’instabilité

«Les réformes sociales sont nécessaires, mais nous ne voulons pas changer les règles d’un pays qui se porte bien», estime Patricio Gutiérrez, ingénieur de 40 ans salarié dans le secteur minier, craignant, comme les détracteurs du texte, qu’il n’entraîne le pays dans une spirale d’instabilité et d’incertitude qui viendrait gripper la machine économique. Je vote «non» principalement parce que l’idée de créer (la nouvelle Constitution) est née à un moment de grande crise dans notre pays; ce n’était pas une décision prise objectivement», juge Luz Galarce, 53 ans, éducatrice petite enfance.

Rejet probable, mais…

Tous les sondages, sans exception, prédisent que le «rejet» l’emportera, les jeux ne sont cependant pas faits avec l’incertitude autour du vote obligatoire. «Le plus probable est que le rejet l’emporte et la différence dans ce résultat dépend du nombre de personnes qui votent et de qui vote», estime auprès de l’AFP le politologue Marcelo Mella. «Le scénario est largement ouvert, les données confirment qu’il y aura un grand nombre de votants», lui répond sa consœur Claudia Heiss.

Soutiens à l’étranger

Une quarantaine d’économistes et de politologues de renom du monde entier ont publié mi-août une tribune de soutien, estimant que «la nouvelle Constitution crée une structure juridique qui parviendra à préparer le Chili à un nouveau siècle de croissance équitable, avec des perspectives pour attirer les investissements, protéger la stabilité financière et promouvoir le développement pour tous les Chiliens.»

«Il y a beaucoup de questions qui sont compliquées à comprendre», concède Griselda Peña, une guichetière de banque de 46 ans, «mais quelle que soit l’option qui sortira, j’espère que les rues se calmeront et que nous ramerons tous pour le bien du Chili.»

Frère du président agressé

Des manifestations ont rythmé la campagne officielle polluée par la désinformation et de nombreux discours de haine sur les réseaux sociaux. Jeudi, le journaliste Simon Boric, frère cadet du président chilien, a été agressé par un groupe de manifestants dans le centre de Santiago.

Si le oui l’emporte, le parlement devra, par la loi, répondre au cadre fixé par la nouvelle constitution. Si la proposition est rejetée, l’actuelle constitution continuera à s’appliquer.


Vu et entendu ce 1er septembre 2022 lors de l’Apruebazo de Santiago …

Composé en 1973 en soutien à la démocratie et à Salvador Allende, ce chant de liberté et d’unité populaire est devenu celui de la résistance à Pinochet, puis l’hymne de toutes les luttes sud-américaines pour la justice sociale et la dignité …

Lire par ailleurs sur PrendreParti :
Le Chili regardé depuis Brest, Valparaiso et le reste du Monde …

http://www.prendreparti.com/category/a-propos-du-chili/


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